Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mercredi 20 décembre 2023 à 8h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Agnès Pannier-Runacher, ministre :

Je le suis, je me contente de rappeler les faits.

Enfin, madame Stambach-Terrenoir, contrairement à ce que vous dites, les émissions de gaz à effet de serre ont baissé en France, à hauteur de 4,6 % au cours des trois derniers trimestres. Trouvez-moi un seul autre pays dans le monde qui y parvienne.

Monsieur Vermorel - Marques, j'ignore quelle sera la traduction officielle des expressions transition away et phase out, mais les termes transition et phase expriment la même idée d'un processus ordonné par étapes et ceux de out et away expriment celle de sortie. Ce qui est clair, c'est que cela n'a rien à voir avec du phase down. Si l'expression transition away a été retenue, c'est parce que celle de phase out était devenue taboue, comme il nous arrive à tous de déposer un amendement pour modifier certains mots devenus indésirables en conservant le même objectif.

S'agissant du volume d'électricité et de chaleur, je rappelle que la stratégie française pour l'énergie et le climat est en cours de concertation publique. Vous pouvez y contribuer. L'engagement est pris de construire six nouveaux réacteurs nucléaires et huit autres sont à l'étude, avec une décision prévue pour fin 2026. L'Union européenne ne s'est pas ralliée à la déclaration commune sur le nucléaire, mais les pays de l'alliance européenne du nucléaire, si. J'ai réuni hier l'Alliance du nucléaire en présence de représentants de l'Union, afin de construire une stratégie nucléaire. La directrice générale de l'énergie de la Commission européenne nous a invités à reporter les objectifs ainsi définis dans les plans nationaux pour l'énergie et le climat, ce qui semble légitime. Le nucléaire a également été pris en compte dans le Net-Zero Industry Act. Le logiciel est donc en train de changer.

Quant au gaz, c'est une énergie de transition. Il répond notamment aux besoins des pays en développement, qui, entre le charbon et les énergies renouvelables, auront probablement besoin d'une phase de gaz naturel, moins émetteur que le charbon. Ce sont d'ailleurs les pays africains les plus pauvres qui se sont opposés le plus fermement à la sortie des énergies fossiles, car ils ont besoin de moyens de développement, comme c'est aussi le cas de la Guyane. Nous devons entendre leur voix : s'ils sont privés d'un moyen de développement naturel, les énergies fossiles, il leur en faut d'autres.

Concernant le charbon, je rappelle que la fermeture de la centrale de Cordemais est prévue pour 2027. Nous avons publié, avec Roland Lescure, une stratégie CCUS (capture, stockage et utilisation du carbone). La capture de carbone n'étant pas adaptée à tous les usages et afin d'éviter que cette technologie ne soit utilisée pour retarder la sortie des énergies fossiles, cette stratégie n'a pas vocation à s'appliquer à tous les secteurs, mais seulement à ceux dans lesquels la baisse des émissions est la plus difficile

Monsieur Cosson, les prochaines COP poursuivront les efforts déjà engagés pour abandonner les énergies fossiles. Les entreprises pétrolières européennes, mais également les entreprises nationales d'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis ont formé des coalitions pour aller dans ce sens. L'ensemble des groupes pétroliers de la planète doivent se joindre à ces efforts et nous devons viser une interdiction du torchage à l'horizon 2030.

Sur la reconnaissance mutuelle des certificats d'hydrogène propre, ainsi d'ailleurs que sur la bio-méthanisation, je vous renvoie encore à la stratégie pour l'énergie et le climat. Aujourd'hui, les deux tiers de notre mix énergétique sont importés : ils ne seront pas remplacés par la production locale du jour au lendemain. Nous devrons donc importer une partie de notre hydrogène, mais nous voulons développer nos capacités de production afin d'éviter une situation de dépendance comme celle que nous connaissons pour le pétrole, qui est importé à 99 %.

Monsieur Delautrette, vous avez voté, en responsabilité, la loi sur les énergies renouvelables et vous y avez introduit certains éléments. Ses dispositions concernant l'agrivoltaïsme sont équilibrées. Certaines contrevérités circulent à ce sujet et nous pourrons discuter des décrets d'application.

Les objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont écrits noir sur blanc dans l'accord de la COP 28 : une réduction de 43 % en 2030, un pic en 2025 et une sortie en 2050. Pour y parvenir, nous avons élaboré avec vous la stratégie pour l'énergie et le climat, qui est sur la table depuis le 22 novembre et que vous avez contribué à nourrir, même si vous n'êtes pas d'accord avec tout.

Madame Pochon, quand on ne vote pas la loi pour l'accélération des énergies renouvelables, à quel titre parle-t-on d'écologie ? (Exclamations.) Il faut être un tout petit peu cohérent.

L'accord de la COP 28 n'entérine pas de phase down. Il produit des effets concrets en France : le Crédit Agricole a par exemple annoncé qu'il ne financerait plus les énergies fossiles. Il contient également des dispositions sur la sobriété. À ce propos, je vous rappelle que le Gouvernement a lancé un plan de sobriété, et que la réduction de 12 % de la consommation de gaz et d'électricité qui s'est ensuivie n'est sans doute pas étrangère à la baisse de 4,6 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Je constate donc que plusieurs de vos propos sont infondés.

Monsieur Bricout, afin de parvenir à ne pas dépasser l'objectif de 1,5 degré, chaque pays doit augmenter ses engagements nationaux. Nous le faisons au sein de l'Union européenne. Plusieurs autres pays ont annoncé des avancées, mais l'enjeu des deux prochaines COP est d'accélérer le mouvement pour être crédible.

La COP 28 est une grande victoire du multilatéralisme qui est d'autant plus importante dans le contexte de confrontations militaires, géopolitiques et économiques que nous connaissons. La Chine n'a pas été à la manœuvre dans la négociation de l'accord, mais à aucun moment elle n'a bloqué les négociations et le texte sur lequel elle s'était mise d'accord avec les États-Unis deux semaines avant le début de la COP a clairement contribué à lancer la discussion sur la sortie des énergies fossiles. Certes, l'accord obtenu est un engagement volontaire, qui n'est assorti d'aucune sanction, mais il est un outil utile, tant pour les législateurs nationaux que pour l'opinion publique : alors qu'avant les accords de Paris, nous étions sur une trajectoire de 4° degrés, elle s'établit aujourd'hui entre 2 et 2,8° degrés.

Concernant le triplement des énergies renouvelables, la France, l'Europe et les États-Unis sont déjà sur la bonne trajectoire, ainsi que la Chine, qui va mettre en ligne 1 200 gigawatts – soit un tiers des capacités mondiales – avant 2030, avec quatre à cinq ans d'avance sur le programme. En revanche, les pays en développement, notamment en Afrique, ont du mal à financer des projets pourtant très compétitifs, permettant de produire de l'électricité à 15 euros du mégawattheure. Il faut donc trouver des solutions pour dérisquer ces investissements.

Monsieur Castor, vous avez insisté sur le développement de l'exploitation des énergies fossiles sur le plateau guyanais. La déclaration des pays africains en développement disant qu'ils ne voulaient pas sortir des énergies fossiles a fait beaucoup de bruit à la COP. Ils ont fait valoir qu'ils n'allaient pas compromettre leur développement faute d'alternatives, alors qu'ils n'avaient pas de responsabilité historique dans le réchauffement climatique et qu'ils ne représentaient que 4 % des émissions mondiales. Il faut toutefois garder à l'esprit que même si les pays développés n'émettaient plus aucun gaz à effet de serre, il en resterait 60 % dans l'atmosphère. La responsabilité pour le passé est une chose, l'action dans le présent en est une autre.

Aujourd'hui, les émissions se répartissent également entre trois groupes de pays : les pays développés, la Chine, et l'ensemble des autres pays. Cela dit, les peuples du Sud n'ont pas pollué la planète et nous devons leur donner les moyens d'une part d'assurer leur développement grâce à des énergies décarbonées, d'autre part de s'adapter face aux catastrophes provoquées par le réchauffement. En Guyane, l'enjeu de la biodiversité, qui est la deuxième face de la lutte contre le réchauffement climatique, est majeur. Les investissements dans ce domaine présentent un très fort retour sur investissement, mais ils sont insuffisamment mis en valeur.

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