Intervention de Patrick Eveno

Réunion du jeudi 14 décembre 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Patrick Eveno, professeur émérite à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancien rédacteur en chef de la revue Le Temps des médias, ancien président du Conseil de déontologie journalistique et de médiation :

Monsieur Guedj, je me suis mal fait comprendre sur deux points.

Tout d'abord, je n'ai pas dit qu'il était question de mettre fin à l'activité de Canal+, mais bien de renoncer à la convention qui lui attribue le canal n° 4 sur la TNT et de passer à une exploitation de l'ensemble de ses chaînes sur une plateforme numérique. Il ne faut pas oublier que si Canal+ n'a qu'un peu moins de sept millions d'abonnés en France, il en compte vingt-cinq millions à travers le monde. Cela revient en quelque sorte à dire : si vous ne renouvelez pas mes chaînes gratuites sur la TNT, j'arrête d'utiliser le canal n° 4 – ce qui fera autant de publicité en moins. Ce gâteau diminue sur les chaînes de télévision.

Je me suis trompé sur une deuxième chose. Je citerai Térence dans l' Heautontimoroumenos : « Homo sum, et humani nihil a me alienum puto. » : je suis un être humain et je sais que je suis mortel. Je ne sais pas si je serais encore vivant dans six mois ou dans un an. Je n'ai pas du tout de haine envers M. Bolloré. J'ai même écrit un article sur lui il y a plus de vingt ans pour montrer son génie financier. Et il en a encore fait preuve en annonçant hier – même si c'est Arnaud de Puyfontaine qui l'a fait, c'est la même chose – qu'il allait diviser le groupe Vivendi en plusieurs morceaux de façon à pouvoir jouer avec ce nouveau puzzle. Il a toujours un coup d'avance sur vous et sur moi. Je ne m'attendais pas à ce qui a été annoncé.

Petite anecdote : lorsque j'ai touché un tout petit héritage, j'ai décidé de suivre aveuglément les choix d'investissements de Bolloré. J'achetais ce qu'il achetait et je vendais ce qu'il vendait. En moins d'un an, mon petit héritage a été multiplié par dix.

Tout cela pour dire que c'est un génie. Mais il est des génies qui peuvent parfois être perturbants.

J'en viens à la pluralité et aux chaînes d'opinion. La puissance publique pourrait bien entendu organiser de telles chaînes. Léon Blum a déclaré dans Le Populaire en 1928 que si l'on voulait une presse libre, il fallait la nationaliser.

On pourrait décider de remplacer les chaînes de la TNT par quelques-unes sérieuses et que dix canaux seront en outre affectés aux partis politiques représentés au Parlement.

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