Intervention de Achille Mbembe

Réunion du mercredi 15 novembre 2023 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Achille Mbembe, professeur d'histoire et de sciences politiques à l'université du Witwatersrand à Johannesburg et directeur de la Fondation de l'innovation pour la démocratie :

Il est très difficile d'ouvrir la presse sans tomber sur une critique de la politique africaine de la France. En revanche, il est faux d'affirmer que rien n'a été fait sur la longue durée. Nous n'en entendons pas suffisamment parler, mais depuis 2010, d'innombrables chantiers ont été ouverts, dans les domaines de la santé, de l'éducation, des technologies numériques, des industries créatives et culturelles, de la réconciliation des mémoires, de la mise en place du nouveau dispositif de partenariat économique avec les acteurs africains et de la plaidoirie en faveur d'une réforme de la gouvernance des institutions financières internationales. Naturellement, les résultats ne sont évidemment pas les mêmes d'un chantier à l'autre, et il faudrait essayer d'analyser pourquoi certaines réussites se sont combinées à des échecs. En résumé, je ne voudrais pas donner l'impression que rien n'a été fait ou qu'il n'existe pas de base à partir desquelles réinventer la rénovation de ce lien.

Il existe néanmoins un certain nombre d'obstacles. Certains sont internes à l'Afrique. Ainsi, j'ai parlé tout à l'heure du passage à un nouveau cycle historique et des contradictions qui émergent de ce basculement vers un nouveau cycle historique. Les Africains devront les régler. La plupart des acteurs externes vont devoir assumer en Afrique un rôle secondaire, dans la mesure où les forces internes du continent sont en train de prendre le dessus sur l'évolution de leur propre société.

C'est la raison pour laquelle je prône l'idée d'une juste distance qui consisterait effectivement à solder tous les chiffons rouges, comme les bases militaires et le franc CFA. De l'avis de nombreux observateurs, ces outils sont devenus contre-productifs. La France doit avoir le courage de régler la question des bases militaires et de réinventer une politique de coopération monétaire et militaire, qui repose sur une conception élargie à la fois de la paix, de la sécurité et de la stabilité. Ceci est possible et faisable. Peut-être manque-t-il le courage et l'imagination. Dans ce cas, il faut aller les chercher là où ils se trouvent.

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