Intervention de Hubert Védrine

Réunion du mercredi 13 décembre 2023 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Hubert Védrine, ancien secrétaire général de la présidence de la République, ancien ministre des affaires étrangères :

L'humilité, c'est un peu trop. Au demeurant, aucun Africain ne s'y laisserait prendre ni ne nous prendrait au sérieux, tant elle n'est pas dans notre nature. Être moins prétentieux, moins pérorant, moins déclamatoire serait déjà très bien.

Sur nos échecs du renseignement, nous pourrions aussi nous demander pourquoi les Américains eux-mêmes ni Zelensky lui-même, ne croyaient pas à l'attaque russe de 2022 ou pourquoi les Israéliens n'ont pas vu venir l'attaque du Hamas, comme ils n'ont pas vu venir la guerre israélo-arabe de 1973. Même les services les plus compétents peuvent se tromper dans l'analyse d'une situation donnée. Obtenir des informations et distinguer celles qui sont pertinentes n'est pas chose facile. Il est possible que la focalisation de l'attention sur la seule lutte contre le terrorisme ait créé un biais de perception. Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas d'un problème gigantesque.

Sur l'adoption d'une loi de programmation du ministère des affaires étrangères, j'y suis évidemment favorable. Lorsque le budget du Quai d'Orsay a été matraqué de façon déraisonnable, Alain Juppé et moi-même avons cosigné un article pour dire : « Stop, cela suffit ! » ; nous n'avons fait que gagner un an ou deux. C'est une erreur fondamentale. Le budget de la diplomatie est ridiculement faible, de l'ordre de 1 % du budget de l'État. La moindre diminution a des conséquences énormes sur nos centres de formation et nos bourses à l'étranger.

Quant au corps diplomatique, le problème est que l'Institut national du service public (INSP) ne garantit, si j'ai bien compris, aucune professionnalisation. Indépendamment des raisons, bonnes ou mauvaises, qui ont présidé à sa création, nous ne pouvons pas être la seule puissance au monde dépourvue de filière professionnalisante pour le métier de diplomate, qui consiste notamment à mener des négociations, ce qui ne s'improvise pas. Entre ceux qui veulent briser la possibilité de faire carrière dans une même activité et ceux qui reconnaissent que tout métier suppose un apprentissage, le débat n'est pas clos. Je suis résolument pour la logique de métiers. Ce combat est devant nous.

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