Intervention de Sarah Tanzilli

Séance en hémicycle du mardi 6 février 2024 à 15h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah Tanzilli :

Protéger nos enfants, leur permettre de grandir dans un environnement sûr, bienveillant, adapté, à ce moment clé de leur vie qu'est l'enfance, durant lequel se façonne l'adulte qu'ils seront demain, est d'autant plus essentiel que l'usage généralisé d'internet et des réseaux sociaux est venu bouleverser nos pratiques sociétales et a fait émerger de nouvelles menaces, en particulier à l'égard de publics aussi vulnérables que les enfants et les adolescents.

La proposition de loi que nous examinons en lecture définitive apporte une brique supplémentaire à un édifice juridique encore en construction, mais de plus en plus robuste, érigé sous l'impulsion de cette majorité – dont M. le rapporteur est un artisan chevronné – qui vise à protéger et réglementer la présence des enfants dans l'espace numérique.

Elle se concentre sur la mise en œuvre du droit à l'image de l'enfant, qui relève du droit à la vie privée et dont le respect présente des enjeux nouveaux dans l'espace numérique. Nous l'avons tous constaté, la diffusion de photos et de vidéos de mineurs en ligne constitue un phénomène d'une ampleur considérable. Du parent qui souhaite donner à ses proches des nouvelles de sa fratrie à celui qui partage fièrement les exploits sportifs ou artistiques du petit dernier, nous avons tous été confrontés – je dirais même que nous avons tous participé – à ce phénomène qui part souvent d'une bonne intention.

Pour autant, les conséquences de telles pratiques sont tout sauf anodines. Ces chiffres ont été martelés, mais je les répéterai une fois encore : un enfant apparaîtrait en moyenne sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l'âge de 13 ans, et la moitié des photographies qui s'échangent sur les sites pédopornographiques aurait été initialement publiée par des proches sur les réseaux sociaux. Cette statistique effrayante devrait à elle seule nous interpeller en tant que citoyens et parents dans notre usage des réseaux sociaux. En tant que décideur politique, elle nous impose d'agir, d'autant qu'internet ne connaît pas le droit à l'oubli : jamais nous ne pourrons être certains que ces images s'effacent de notre mémoire collective.

Face à un tel défi, le rôle des parents, responsables de la protection de leurs enfants, est bien évidemment essentiel. Soyons clairs, il ne s'agit ni d'interdire de partager des moments de la vie de famille ni de culpabiliser les parents, mais avant tout de les informer, de les sensibiliser au fait que le droit à l'image de leur enfant est précieux et qu'il leur appartient d'en user avec vigilance.

C'est la raison pour laquelle la présente proposition de loi inscrit la protection de la vie privée des mineurs – dont relève le droit à l'image – au rang des objectifs que doivent poursuivre les parents dans leur exercice de l'autorité parentale, et réaffirme qu'il leur appartient de protéger conjointement l'image de leur enfant.

Enfin, il y a ces parents, souvent eux-mêmes particulièrement exposés en ligne ou dont l'activité sur les réseaux sociaux est génératrice de revenus, qui ont compris que publier l'image d'un enfant en ligne, c'était l'assurance d'une viralité accrue et donc d'un meilleur retour sur investissement. Il y a ces parents qui exposent leurs enfants plusieurs heures par jour, jusque dans leurs moments les plus intimes ; il y a ceux qui piègent leurs enfants dans des situations humiliantes et diffusent les images en ligne pour plus de vues, pour plus de likes, pour plus de revenus.

Dans ces cas très spécifiques, les conséquences sont extrêmement graves pour les enfants. Affluent désormais les témoignages de jeunes adultes dont l'intimité a été dévoilée durant leur jeunesse : ils ne peuvent se construire sereinement ; l'image construite par leurs parents leur colle à la peau ; ils sont harcelés en ligne lorsqu'ils tentent de s'en extraire ; pire, ils souffrent de graves pathologies mentales. Mais ne serait-ce pas notre cas si nous découvrions un jour, tel Truman Burbank dans le film The Truman Show, que notre intimité a été jetée en pâture à des étrangers, sans que nous n'ayons jamais donné notre consentement, sans même parfois avoir conscience de cette surexposition ?

Conscients ou inconscients des conséquences, ces parents sont inévitablement tiraillés entre leur rôle protecteur et la source de revenus de leur foyer. Dans ces cas, quoi de plus légitime et efficace pour les intérêts de l'enfant que de permettre au juge aux affaires familiales de confier à un tiers de confiance l'exercice du droit à l'image de l'enfant mis en danger ? C'est ce que prévoit la proposition de loi.

La protection de la vie privée des enfants est une dimension essentielle de la parentalité au XXIe siècle. Nous devons donc nous y adapter. C'est ce que propose ce texte, de manière intelligente et respectueuse de la place des parents. Il réaffirme qu'il incombe à ces derniers de protéger l'image et la vie privée de leurs enfants. Il privilégie le dialogue entre les deux parents et associe l'enfant aux décisions qui le concernent. Enfin, dans les cas les plus graves seulement, il permet au juge de transférer le droit à l'image des enfants des parents à un tiers de confiance.

En apportant une réponse juridique à la fois progressive, limitée mais efficace dans ces effets, cette proposition de loi est adaptée à notre époque et utile aux enfants et aux familles. C'est pourquoi le groupe Renaissance la votera.

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