Intervention de Laure Salvaing

Réunion du jeudi 25 janvier 2024 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Laure Salvaing, directrice générale des études de Verian :

Je dirige l'institut de sondage Verian, qui correspond à l'ancien Kantar Public. En 2023, nous avons effectivement réalisé le trente-septième baromètre annuel de la confiance des médias pour le journal La Croix. Je suis frappée de constater que le rapport aux médias n'a en réalité guère changé lors des vingt à trente dernières années. En effet, la défiance à l'égard des médias en tant qu'institution existait déjà dans les années 1990.

Je suis également assez positive sur l'état de la société française en matière d'actualité et d'information. Lors de notre dernier baromètre et contrairement à ce que l'on peut entendre sur leur désaffection supposée quant au collectif, 75 % des Français ont indiqué suivre avec un grand intérêt l'actualité qui se déroule aujourd'hui en France. Nous le remarquons notamment en matière d'actualité politique : habituellement, après une période d'élections, l'intérêt pour l'actualité politique diminue. Or nous observons plutôt un maintien de cet intérêt depuis un an.

En outre, nous sommes tous d'accord pour souligner le rapport très paradoxal que les Français entretiennent avec les médias. En France, les avis sur les institutions sont régulièrement plus négatifs que dans les autres pays du continent, comme nous l'observons dans le cadre de nos eurobaromètres. Différentes raisons y concourent, mais nous savons que les attentes des Français envers leurs élus, l'État, mais aussi les grandes institutions qui représentent la France – dont les médias – sont élevées. La défiance existe bel et bien : 57 % des Français se méfient aujourd'hui de ce que disent les médias. On parle à ce titre de « fatigue informationnelle », que la moitié des Français nous disent avoir déjà ressentie.

Ainsi que Bruno Cautrès l'a indiqué, nos compatriotes déplorent la redondance des sujets traités – en 2023, par exemple, la mort de Nahel et le conflit en Ukraine –, mais regrettent que trois autres thèmes n'aient pas fait l'objet d'une plus grande couverture médiatique : les violences faites aux femmes, les difficultés rencontrées dans les services publics et la fin de vie, trois sujets qui touchent à leur quotidien. Cette redondance perçue peut ainsi conduire à une défiance ou une certaine mise à distance de l'actualité.

Le deuxième point évoqué par les Français concerne le traitement des sujets, jugé souvent trop négatif. Ils nous disent se sentir passifs et impuissants face à cette information marquée par la violence et l'éloignement, ce qui les incite à prendre leurs distances à l'égard d'une actualité dont le traitement est éloigné de leur vie quotidienne. En matière d'environnement et d'écologie par exemple, ils souhaiteraient entendre davantage de conseils pour pouvoir agir concrètement. En ce sens, redonner de la confiance aux citoyens dans leurs médias passerait par leur redonner une capacité d'agir.

Comme cela a été déjà indiqué, le journal de 20 heures demeure le moyen d'information privilégié des Français, devant internet et les réseaux sociaux, la presse et la radio. Il faut également noter que la confiance dans les informations fournies diffère selon les médias. Les Français font majoritairement confiance aux JT et à la presse quotidienne régionale (PQR), alors que, par ailleurs, ils expriment de la défiance envers les médias en tant qu'institution. À ce titre, un parallèle intéressant peut être dressé avec la perception du personnel politique par les Français : s'ils sont relativement critiques à l'égard des hommes et des femmes politiques en général, les scores remontent très notoirement quand il s'agit de l'image de leur député dans leur circonscription.

Enfin, il faut mentionner les réseaux sociaux, qui ont été étudiés spécifiquement cette année dans notre baromètre. Souvent décriés, ils demeurent cependant très utilisés par les jeunes, tout en obtenant un niveau de confiance beaucoup moins important que les autres médias comme la télévision, la presse et la radio. Ces jeunes se différencient sur plusieurs points : ils considèrent d'abord que les réseaux sociaux leur permettent d'accéder à une information et, surtout, de s'intégrer à une actualité à laquelle ils ne s'intéressaient pas forcément. Ensuite, quand le reste de la population estime que les informations sont plutôt trop redondantes et qu'elles véhiculent parfois de fausses informations, les jeunes en font beaucoup moins état. En outre, si la population générale souhaiterait davantage de régulation et de contrôle sur ces mêmes réseaux sociaux, les jeunes y sont beaucoup moins favorables.

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