Intervention de Sarah Legrain

Réunion du jeudi 25 janvier 2024 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah Legrain :

Je vous remercie de vos interventions très intéressantes. Un discours déplorant la défiance des Français vis-à-vis des médias se développe en ce moment. En tant que législateurs, nous devons nous interroger sur ses causes. Les propos de mon collègue du Rassemblement national le confirment : bien souvent, les causes sont recherchées en dehors du système médiatique lui-même, pour évoquer par exemple un manque d'éducation des Français ou un usage abusif des réseaux sociaux.

Monsieur Lévy, vous venez d'indiquer que les journalistes bénéficiaient globalement de la confiance des Français s'agissant de leur implication et de leur volonté de bien travailler, mais qu'ils seraient limités par les systèmes dans lesquels ils évoluent. Dès lors, je souhaiterais vous interroger sur la façon dont la nature même du système médiatique pèse sur cette confiance des Français.

À cet égard, il semble que la question de la déontologie est plus que jamais posée, à l'heure où l'éditorialisme moutonnier et la quête de buzz semblent supplanter le travail d'enquête journalistique et de reportage. De quelle manière les conditions de contrôle – ou l'absence de contrôle – des obligations de pluralisme, de représentation de la diversité ou tout simplement du respect des lois contre le racisme et les discriminations influent-elles sur cette défiance ? À titre personnel, je suis frappée de la résonance que trouvent sur les réseaux sociaux des actualités sur les saisines et les sanctions – ou l'absence de telles sanctions – de la part de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), sur la critique récente du Conseil d'État concernant le refus de l'Arcom de mettre en demeure CNews, ou encore sur les travaux de la commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision sur la TNT créée à l'initiative de La France insoumise.

Il convient également de mentionner la question de la concentration de la propriété des médias dans les mains d'une poignée de milliardaires dont certains, tel M. Bolloré, assument pleinement une forme d'ingérence. Je souligne à ce sujet que 56 % des Français pensent que les journalistes ne sont pas à l'abri des pressions financières et que 91 % d'entre eux considèrent comme important ou essentiel que les médias préservent leur indépendance vis-à-vis des milieux économiques. Selon un sondage commandé à Harris Interactive lors du dépôt de notre proposition de loi sur la concentration des médias, 79 % des Français interrogés sont favorables à ce que le capital détenu par une seule personne ou une seule entreprise au sein d'une entreprise des médias soit plafonné à 20 %.

La question des pressions politiques doit également être évoquée, à travers les phénomènes d'atteinte au secret des sources, le placement de journalistes en garde à vue, la répression de certains journalistes couvrant des mouvements sociaux, ou encore la tentation récente d'imposer tel vocabulaire à l'Agence France-Presse. Des pressions sont également exercées concernant le financement par l'État de certaines agences ou de l'audiovisuel public. Dès lors, je souhaiterais savoir quelles seraient selon vous les mesures de nature à redonner aux Français le sentiment qu'en France, leurs droits à bénéficier d'une information libérée des pressions économiques et politiques, encadrée par des règles déontologiques, sont bien respectés.

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