Intervention de Philippe Pradal

Séance en hémicycle du mardi 13 février 2024 à 15h00
Lutte contre les dérives sectaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Pradal :

…dont la nature, les modes opérateurs et l'ampleur évoluent. Comme le disait André Frossard, « on va chercher dans les sectes un peu de cette chaleur que produisent les inquiétudes et les désarrois partagés dans un monde gagné par le froid de l'indifférence ».

Suite à l'accroissement préoccupant des saisines de la Miviludes, le Gouvernement s'est emparé de ce phénomène, qui n'épargne personne. Les premières assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, organisées en mars 2023, ont ainsi servi de socle à l'élaboration d'une ambitieuse stratégie nationale pluriannuelle visant à prévenir plus activement les risques de dérives sectaires et à renforcer l'accompagnement des victimes.

Outre la prévention, il semble aujourd'hui indispensable de renforcer notre arsenal législatif, afin de mieux prendre en compte l'évolution des techniques employées dans le cadre des dérives sectaires. Le projet de loi présenté par le Gouvernement contient des dispositifs essentiels pour mieux réprimer les nouvelles formes d'emprise, en particulier en matière de santé, d'accompagnement des victimes dans leurs démarches judiciaires et de répression des praticiens déviants et reconnus comme tels par la justice.

Le groupe Horizons se félicite de la réintégration, en commission des lois, des articles 1er et 2, qui visent à créer un nouveau délit de sujétion et à introduire une circonstance aggravante étendue à plusieurs crimes et délits, afin de mieux tenir compte des particularités et des évolutions des dérives sectaires. En effet, en l'état du droit, celles-ci sont sanctionnées comme des abus de faiblesse, caractérisés à raison de la vulnérabilité de la personne et de la gravité du dommage causé.

Or, il ressort de l'étude d'impact, confirmée par les auditions de notre rapporteure, qu'une certaine confusion s'est établie entre l'abus de faiblesse classique et les abus commis dans un univers sectaire, et cela d'autant plus que les enquêteurs et magistrats ayant à connaître de tels faits peuvent en avoir une expérience limitée. L'autonomisation de l'infraction apparaît donc nécessaire, puisqu'elle permettra de réprimer des comportements qui engendrent par eux-mêmes des dommages graves pour les personnes, sans avoir à constater un abus frauduleux de l'état de la victime. Ce nouveau délit prend ainsi mieux en compte la spécificité de l'emprise sectaire et permettra d'améliorer la reconnaissance du préjudice et l'indemnisation des victimes.

Outre la question de l'opportunité, le Sénat s'inquiétait que la création d'une nouvelle infraction conduise à une fragilisation des dispositifs applicables aux violences intrafamiliales. Là encore, les auditions ont montré que son périmètre couvrirait essentiellement les phénomènes sectaires.

Nous nous réjouissons également de la réintégration de l'article 4. Il vise à répondre à un enjeu de santé publique en créant un nouveau délit réprimant la provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins et à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent la personne visée à un risque grave ou immédiat pour sa santé. Les questions de la santé, du bien-être, des soins et de l'alimentation constituent un enjeu majeur dans la lutte contre les dérives sectaires.

En commission, nous nous sommes employés à tenir compte du travail des sénateurs et des remarques du Conseil d'État, afin d'aboutir à une première rédaction équilibrée qui réponde à la fois à des objectifs de préservation des plus vulnérables mais aussi des libertés fondamentales, comme la liberté d'expression.

Néanmoins, l'article 4, tel qu'adopté en commission, n'intègre pas un alinéa qui nous semble essentiel à sa sécurisation juridique. En effet, afin de limiter le risque d'inconstitutionnalité, le Gouvernement avait souhaité préciser, dans l'amendement de réintégration qu'il a présenté au Sénat, que l'infraction de provocation à l'abandon de soins ne serait pas constituée si la personne concernée a pu exprimer une volonté libre et éclairée de remplacer un traitement par un autre, alors même qu'elle était consciente des risques qui pouvaient survenir. Cette disposition est essentielle à la préservation de la liberté de conscience et nous soutiendrons une modification du texte en ce sens lors de nos débats. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion