Intervention de Mathilde Desjonquères

Réunion du mercredi 7 février 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Desjonquères :

Le 2 novembre dernier, la Miviludes a publié un rapport alarmant faisant état d'un accroissement inédit des agissements à caractère sectaire en 2021 – elle a enregistré 4 020 saisines, soit une augmentation de 33,6 % par rapport à l'année précédente. Face à un tel constat, il convient de s'interroger sur le monde post-covid dans lequel nous avons basculé en 2021 et sur le lien de cause à effet entre la distanciation sociale et cette soudaine augmentation. Les mesures de distanciation sociale étaient bien sûr tout à fait nécessaires à ce moment, mais il convient de se remémorer ce qu'elles ont représenté pour notre société et de rester vigilants face à cet état de fait.

Il n'y a aujourd'hui aucune définition légale de la dérive sectaire, pas plus qu'il n'y en a de la religion, de la radicalisation ou du séparatisme. Néanmoins, la Miviludes a élaboré une définition qui découle de la loi About-Picard de 2001 sur l'abus frauduleux de l'état d'ignorance et des travaux parlementaires sur le phénomène sectaire. Ainsi, la dérive sectaire est « un dévoiement de la liberté de pensée, d'opinion ou de religion qui porte atteinte à l'ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l'intégrité des personnes. Elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d'exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d'une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société. »

Depuis 2020, nous constatons donc un accroissement inédit de l'offre sectaire. La crise liée à la pandémie de covid-19 a instauré un climat anxiogène qui a contribué à déstabiliser les personnes vulnérables. Ce contexte a favorisé l'émergence de manipulateurs qui en ont profité pour propager leur doctrine, notamment sur les réseaux sociaux. Ce phénomène n'est pas nouveau – il a été identifié dans les rapports parlementaires dès les années 1990 – mais les moyens modernes de communication ont rendu sa diffusion massive et difficilement contrôlable. Les scandales sanitaires et la remise en cause du discours des autorités publiques en matière de santé publique, mais également des données scientifiques relatives aux caractéristiques des pathologies, à l'efficacité et aux risques des traitements, ont renforcé la crédibilité de ceux que l'on peut qualifier de charlatans.

Le présent projet de loi marque un regain d'intérêt nécessaire et attendu des pouvoirs publics pour la lutte contre un phénomène qui se renforce un peu plus chaque jour et dont les impacts sur la santé physique et psychique ne sont plus à démontrer. Néanmoins, je tiens à rappeler que cette lutte contre les dérives sectaires ne doit en aucun cas stigmatiser les pratiques dites non conventionnelles et la recherche du bien-être. Elle doit encore moins entraver la liberté d'accepter ou de refuser un traitement médical spécifique ou de choisir un autre type de traitement, qui est essentielle à la maîtrise de son propre destin et à l'autonomie personnelle en l'absence de pressions inappropriées, comme l'a rappelé la Cour européenne des droits de l'homme dans un arrêt du 10 juin 2010. Il est donc nécessaire de protéger tant les victimes de ces dérives que les praticiens honnêtes, en sanctionnant davantage et plus efficacement les personnes malintentionnées. Je tiens à saluer le travail du Sénat s'agissant de la protection des mineurs, qui sont également concernés par ce phénomène.

Si ce projet de loi permet une avancée majeure, la lutte contre les dérives sectaires ne peut se résumer à un seul texte. Il nous incombe à tous, élus de la nation, de veiller à la protection de nos concitoyens et de continuer à travailler sur ce sujet.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate votera ce texte.

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