Intervention de Henri Alfandari

Réunion du mercredi 7 février 2024 à 15h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Alfandari, rapporteur :

Pour éviter tout malentendu, je précise que je souscris à l'intégralité des objectifs de décarbonation des économies française et européenne. Mon propos ne remet pas du tout cela en cause. Il convient d'inscrire notre réflexion dans une culture du résultat dans notre politique. Le temps est court et pour paraphraser M. Jancovici : « c'est un fusil à un seul coup ».

Pour répondre à M. Amiel, le rapport fait état d'une réussite du marché du carbone, liée au changement de culture au sein des entreprises, qui prennent désormais en compte la comptabilisation de leurs émissions. Pour mettre en œuvre des mécanismes, la première chose à savoir est ce que nous émettons. Il faudrait par ailleurs que le prix du carbone soit stable.

Pour répondre à M. Sabatou, je ne suis pas « eurobéat » et je considère comme étant un danger mortel pour l'Europe de poursuivre des politiques qui ne marchent pas. Nous avons besoin de nous projeter et que nos politiques fonctionnent.

Pour en revenir au point de départ, nous avons pris conscience de la problématique écologique et de la nécessité d'agir sur nos émissions. Le problème de départ est celui du GIEC et de nos émissions et, partant de là, nous définissons des quotas. Si l'économie va mal le politique va faire le choix d'augmenter le nombre de quotas, et inversement. Mais ce système n'obéit à aucune logique. Nous ne sommes pas allés vers la régulation par les prix, mais par les quantités : c'est un problème. Les différentes crises telles que celle des gilets jaunes et les crises actuelles n'incitent pas à aller dans cette direction, mais ce serait une idée indispensable. Il convient de pouvoir s'adapter en temps réel. Vous m'interrogez sur la porte de sortie : c'est le dernier recours. Si les choses se sont mal passées et que nous avons été incapables de corriger la trajectoire erronée, il faudra envisager la sortie. Seront posées la question du financement et la méthode de compensation de cette sortie. Mais la sortie sera sans doute trop tardive car cela voudrait dire que nous avons suffisamment souffert pour en arriver à cette extrémité.

Pour répondre à Mme Obono, il y a une partie du débat sur laquelle nous sommes en désaccord, c'est la vision du marché. Mon approche est que le marché est utile mais qu'il ne faut pas le laisser faire n'importe quoi. Sur le protectionnisme, le risque est à mon sens de raidir les échanges avec vos interlocuteurs.

En réponse aux questions de Mme Thillaye et de M. Chassaigne sur la « porte de sortie », ce que nous voyons avec le marché du carbone et le MACF, c'est qu'une vision française s'est imposée. Lorsque nous nous donnons les moyens, nous y arrivons. Plus nous avançons et plus les objectifs deviennent ambitieux et difficiles à accomplir. Nous agissons ainsi en raison du réchauffement climatique et de l'impact des activités humaines sur ce dernier. Ces activités humaines sont liées à des consommations énergétiques. Je suis libéral, en ce qui me concerne, mais le libéralisme tient avec des règles. Les gains réalisés avec le marché du carbone se font hélas avec les délocalisations et la baisse des activités. Le problème est que dans la constitution du marché carbone, personne n'est allé interroger les industries pour leur demander ce qu'elles auraient voulu faire, alors qu'elles sont le principal acteur.

M. Chassaigne, vous évoquez un problème de mesure des émissions réelles de carbone dans les produits tiers. En réponse à ce problème, il nous a été proposé pendant les auditions de faire certifier les émissions par des bureaux d'audit sur place. Se posera alors la question du conflit d'intérêts pour ces bureaux d'audit, qui risquent d'être captives de leur plus gros clients et donc d'émettre des certificats de complaisance. L'idée que nous proposons dans le rapport est donc de se fonder sur la composition du mix énergétique national pour déterminer les émissions liées à la production de tel ou tel produit. Nous pourrions ainsi asseoir une taxe carbone sur le mix énergétique.

Concernant la maîtrise des prix de l'électricité que mentionne M. Chassaigne, l'économie libérale n'empêche pas la subvention. Si nous souhaitons jouer sur le carbone pour rendre nos économies compétitives, nous pourrons agir sur ce volet.

Pour répondre à Mme Tanguy, il y a un risque de contournement sur les investissements en zone euro et notamment dans notre marché. Il est donc indispensable d'avoir des points d'étapes et des mécanismes de corrections.

En réponse à M. de Fournas, pour les produits finis il y a un risque de perte de valeur ajoutée sur le sol européen. Sur la question des engrais azotés, je l'avais proposé comme amendement sur la loi pour l'accélération de la production d'énergies renouvelables (ENR) : je le reproposerai peut-être pour la loi d'orientation agricole (LOA).

Il est vrai que l'Union européenne ne représente que 7% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Pour résoudre le problème du réchauffement climatique, il faudra appréhender le sujet à l'échelle mondiale, de façon globale, en incluant par exemple la question des transferts de technologies. Il faut accélérer et devenir des meneurs dans ce domaine.

Pour répondre à Mme Saint-Paul sur l'agriculture et son entrée dans le marché carbone, il faudra changer les mentalités et s'interroger sur le pourcentage du revenu des agriculteurs issu du fonctionnement du marché du carbone. Se pose également la question de la renaturation.

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