Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du vendredi 14 octobre 2022 à 9h00
Débat sur les finances locales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Je souhaiterais, en introduction des propos que je tiens aussi au nom de Marina Ferrari, rapporteure spéciale des crédits de la mission "Relations avec les collectivités territoriales" au même titre que moi, saluer la tenue, au cœur de la discussion budgétaire, de ce débat, nécessaire, sur la situation des finances publiques locales permis par la révision de la Lolf de décembre 2021.

Force est de constater, comme cela a déjà été rappelé, que les collectivités locales ont vu leurs finances résister à la crise sanitaire. Mieux encore, elles affichent des indicateurs financiers meilleurs à la fin de 2021 qu'en 2019, avant la pandémie. Il faut voir dans cette bonne santé des comptes des collectivités autant une gestion exemplaire de leur part qu'un soutien d'envergure de l'État, qui s'est élevé à plus de 10 milliards d'euros en autorisations d'engagement en 2020 et en 2021. J'ajoute que les différentes réformes de la fiscalité locale entreprises depuis 2017 ont permis le transfert aux collectivités locales de ressources fiscales très dynamiques, à l'instar de la TVA qui sera, à l'issue de la réforme de la CVAE, un impôt dont les bénéficiaires majoritaires seront les collectivités territoriales et non plus l'État.

Malheureusement, à la crise succède la crise et les collectivités, comme l'ensemble des Français, font désormais face à la poussée inflationniste de l'économie. Là encore, le soutien de l'État a été prompt et substantiel, à travers le filet de sécurité à destination des collectivités voté cet été, qui prévoit un dispositif de 430 millions d'euros en faveur du bloc communal.

Il faudra toutefois analyser dans le détail le décret paru cette nuit, car le diable se cache souvent dans les détails – et les détails, ce sont souvent les particularités de l'ensemble de nos territoires ; j'en sais quelque chose pour avoir repris la plume plusieurs fois s'agissant du Covid et des collectivités. Cette aide bienvenue, plébiscitée par les élus locaux, ne doit toutefois pas occulter deux éléments qui me paraissent prioritaires pour le budget à venir.

En premier lieu, la crise énergétique ne se cantonnera pas à l'année 2022. La hausse du prix de l'énergie continuera à avoir des incidences sur les finances des collectivités dans les années à venir. Certaines y seront particulièrement vulnérables, notamment celles qui accueillent des infrastructures énergo-intensives – je pense notamment aux petites communes stations de montagne qui gèrent en régie des services de remontées mécaniques.

En second lieu, il faut être conscient que la situation financière des collectivités est diverse. La moyenne très favorable cache des écarts-types importants, notamment dans la ruralité et pour les petites intercommunalités ou les bourgs-centres ayant des services sensibles à la crise énergétique. Je suis favorable à une augmentation ciblée de l'aide de l'État pour les collectivités territoriales les plus en difficulté, par le biais d'une hausse de la péréquation verticale, seule solution envisageable tant que la DGF n'aura pas été réformée – mais nous sommes quelques-uns dans l'hémicycle – je pense notamment à Véronique Louwagie et à Christine Pires Beaune – à savoir que la réforme de la DGF constitue sans doute l'exercice le plus difficile au monde…

La promesse faite par Mme la Première ministre d'une augmentation de 320 millions d'euros de la DSR, de la DSU et de la dotation d'intercommunalité me semble en adéquation avec les besoins des collectivités. Je boude d'autant moins mon plaisir que j'avais déposé initialement un amendement proposant 300 millions d'euros, avant de rejoindre les 320 millions du Gouvernement. Qui peut le plus peut le moins ! Toutefois, ces 320 millions d'euros – qui sont en soi une très bonne nouvelle – ne constituent pas la novation la plus intéressante : après treize ans – enfin ! –, la péréquation ne pèse pas sur la DGF des autres communes, qui ne sont pas toutes riches et qui, de ce fait, ne verront plus leur DGF évoluer défavorablement. C'est l'équivalent d'une progression de 1,2 % de la DGF, mais c'est surtout une réponse intelligente à une indexation homogène qui n'aurait pas pris en compte la nécessaire péréquation.

Au-delà de ces éléments, permettez-moi de souhaiter que la DGF verte, connue sous le nom de dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales, devienne un pilier de la péréquation. Je l'ai créée en tant que rapporteur général de la commission des finances, puis renforcée en tant que secrétaire d'État chargé de la ruralité. Elle concerne désormais les communes ayant des parcs nationaux, marins ou régionaux, et celles qui abritent des sites Natura 2000. Nous proposerons lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances, avec Marina Ferrari, des amendements visant à rendre cette dotation plus cohérente : harmonisation du potentiel financier des communes concernées, préciput minimal afin que la dotation soit significative, prise en compte des communes ayant des parcs nationaux et signant des chartes sans disposer de zone cœur… Nous avons également la volonté, dans les prochains projets de lois de finances, d'y intégrer les collectivités qui disposent de séries environnementales ou de protections dans les plans de gestion des forêts, ou de zones humides qu'il convient de préserver. À l'image de nos voisins italiens, nous projetons en outre d'intégrer la non-artificialisation des sols dans nos critères, afin que ce sujet devienne un élément d'écologie proactive et non punitive.

Les finances locales sont un sujet trop important pour servir de prétexte à des querelles partisanes. J'en appelle à votre sens de la responsabilité, pour que nous trouvions ensemble le moyen le plus efficace de soutenir les collectivités qui en ont besoin.

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