Intervention de Elsa Faucillon

Séance en hémicycle du mercredi 6 mars 2024 à 22h00
Réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

Ensuite, le Sénat a voulu supprimer les années correspondant au régime de Vichy de la période couverte par la reconnaissance de la responsabilité de l'État, au motif que Vichy n'est pas la République. Cet argument de circonstance tente de dissimuler la permanence d'une homophobie d'État. C'est en effet sous Vichy que la France instaure une majorité sexuelle à 21 ans pour les personnes homosexuelles – alors qu'elle s'établit à 13 ans pour les personnes hétérosexuelles. Cette discrimination a légitimé la persécution et l'arrestation de dizaines de milliers d'hommes. Quelques centaines d'entre eux furent déportés depuis la France vers les camps de rééducation et de concentration.

Néanmoins, il y a bien une continuité juridique entre le régime de Vichy et les lois en vigueur sous la IVe République. Il faudra attendre la loi Forni de 1982 pour mettre un terme à la répression pénale de l'homosexualité en France. Cette même année, le ministre de la santé communiste Jack Ralite retira l'homosexualité de la liste des maladies mentales – dix ans avant l'Organisation modiale de la santé (OMS).

Par ailleurs, l'exigence de réparation a été supprimée au Sénat au motif qu'il serait difficile de calculer le nombre de personnes concernées comme de prouver que les persécutions ou déportations ont été motivées par leur homosexualité. La recherche en ce domaine doit être reconnue pour que la mémoire puisse vivre et nous soutiendrons des amendements en ce sens. Un tel travail d'enquête est possible, si l'on se réfère à l'application des lois de reconnaissance et de réparation dans d'autres pays tels que l'Espagne, le Canada ou l'Allemagne, qui ont tous réparé financièrement les persécutions.

Reconnaître sans réparer, ce n'est pas reconnaître pleinement. La réparation est éminemment importante eu égard à l'objectif visé : que la République reconnaisse sans ambages sa responsabilité pour avoir maintenu en vigueur, entre 1945 et 1982, des infractions à caractère discriminatoire spécifiques pour les personnes homosexuelles.

La nouvelle rédaction du texte, issue de la commission, rétablit la réparation financière ainsi que la création d'une commission chargée de statuer sur les demandes. Nous pensons qu'il s'agit d'un pas très important, bien qu'il appelle des suites. Nous tenterons d'améliorer le texte, conscients qu'il faut poursuivre la lutte, mais nous le voterons évidemment avec conviction.

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