Intervention de Maxime Minot

Séance en hémicycle du mercredi 6 mars 2024 à 22h00
Réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaxime Minot :

« Dans le couloir le grand aux cheveux roux et le petit au dos voûté criaient. Les injures se succédaient avec les coups, et mon silence, toujours. Pédale, pédé, tantouse, enculé, tarlouze, pédale douce, baltringue, tapette, […] fiotte, tafiole, tanche, folasse, grosse tante, tata, ou l'homosexuel, le gay. Certaines fois nous nous croisions dans l'escalier bondé d'élèves, ou autre part, au milieu de la cour. Ils ne pouvaient pas me frapper au vu de tous, ils n'étaient pas si stupides, ils auraient pu être renvoyés. Ils se contentaient d'une injure, juste pédé […]. Personne n'y prenait garde autour mais tout le monde l'entendait. Je pense que tout le monde l'entendait puisque je me souviens des sourires de satisfaction qui apparaissaient sur le visage d'autres dans la cour ou dans le couloir, comme le plaisir de voir et d'entendre le grand aux cheveux roux et le petit au dos voûté rendre justice, dire ce que tout le monde pensait tout bas et chuchotait sur mon passage, que j'entendais Regarde, c'est Bellegueule, la pédale. »

Il y a dix ans, en janvier 2014, paraissait En finir avec Eddy Bellegueule, le roman autobiographique d'Édouard Louis. Un texte fort qui dépeint une bien triste réalité : la difficulté, encore aujourd'hui, d'être homo dans notre pays.

Avant de m'assumer, de m'affirmer tel que je suis, moi, Maxime Minot, gay, j'ai dû subir également remarques et quolibets. Encore récemment, on a dessiné, près de mon domicile, un tag homophobe qui me visait. Alors oui, à titre personnel, j'ose à peine imaginer le parcours de ces dizaines de milliers de personnes condamnées, souvent à de la prison, à une époque où l'homosexualité était un délit. Coupables ! Mais de quelle culpabilité parlons-nous ? Celle d'aimer, oui, d'aimer un individu du même sexe.

La violence des mots, des jurons, des insultes – ces « Pédé ! » lancés à la volée – venait s'ajouter à la crainte, à la menace des coups, aux corps jetés dans les paniers à salade. Existait-il une autre solution que cacher, se cacher, mentir, se mentir à soi-même ? La peur, la frayeur, la panique, la terreur d'être listé, catalogué, inscrit dans les fichiers des pédérastes, de voir sa vie bouleversée, chamboulée, alors qu'elle débutait à peine, d'être traqué jusque dans son intimité, dénoncé par des voisins, des connaissances. Difficile d'imaginer pareil traitement dans notre pays…

Notre assemblée examine donc un texte important, qui devrait, je l'espère, recueillir un large consensus. Il doit permettre de reconnaître les souffrances causées par quarante années de discrimination envers les personnes homosexuelles et de réconcilier les Français avec une page méconnue de leur histoire collective.

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