Intervention de Martin Malvy

Réunion du mardi 27 février 2024 à 16h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Martin Malvy, ancien président du conseil régional de Midi-Pyrénées et conseiller général du Lot, ancien maire de Figeac, ancien député et ancien ministre :

J'ai pris connaissance du rapport de Mme Huguette Tiegna au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire sur la pétition contre l'autoroute A69. Il résume assez bien ce que je pourrais vous dire : le vice-président de la région en charge des mobilités, qui a été entendu par cette commission, a fait état à plusieurs reprises, au nom de la présidente, de son accord avec le projet pour rééquilibrer le territoire régional. Je ne crois pas que l'on puisse aborder le sujet de la liaison Toulouse-Castres sans appréhender le dossier de l'A69 dans son intégralité, en considérant la géographie de la région Midi-Pyrénées et ses retards en matière de communication par transports routiers ou ferroviaires.

Par ailleurs, il convient de faire remonter l'historique bien plus loin que les années 1990 ou 1994 : le sujet était déjà sur la table à l'époque de Jacques Limouzy, qui a été maire de Castres de 1971 à 1977, puis de 1989 à 1995, et aussi membre de gouvernements sous les présidences de Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing. Lorsque j'ai succédé à Marc Censi, en 1998, mon projet visait à relier la métropole aux sept chefs-lieux de département et au bassin d'emploi de Castres-Mazamet par des relations routières et ferroviaires sécurisées.

J'avais été profondément marqué par mon expérience en tant que maire de Figeac. Une première fois en août 1985, lorsque le préfet m'a averti que deux trains de voyageurs venaient de se heurter de plein front sur la voie unique de Flaujac, à 20 kilomètres de Figeac. C'est le chef de gare d'Assier lui-même qui, ayant oublié que les horaires avaient été modifiés, avait laissé partir le train, a prévenu qu'une catastrophe allait se produire – elle a fait trente-cinq morts et quatre-vingt-onze blessés. Présent sur place avant l'arrivée des ambulances, j'ai constaté l'absence de tout moyen de communication entre un train et la gare. Une fois dans le train, le conducteur est totalement isolé ; il n'existe aucune mesure de sécurité. Un deuxième incident s'est produit à la même époque, cette fois, avec un poids lourd qui s'est encastré dans la maison de la presse après une rupture de freins : un homme a été gravement blessé et a dû être amputé. Améliorer les liaisons routières, c'est donc ce que nous voulions faire, dans le cadre des CPER et des programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI), couvrant les périodes 2000-2006, 2007-2015 et 2015-2022.

J'ai quitté la présidence de la région à la fin de 2015, mais lorsque je la présidais, nous avons ouvert 500 millions d'euros de crédits en autorisations de programme pour les routes nationales et le réseau transféré, dans le cadre des CPER. Au final, la région a engagé 1,22 milliard d'euros, grâce au plan Rail signé avec l'État – le plus important de France, comprenant le renouvellement du matériel roulant –, soit trois fois plus pour le rail que pour la route, pour améliorer et sécuriser les liaisons de proximité. Il faut dire qu'en 1999, le bureau d'études suisse que nous avions sélectionné a rendu un rapport extrêmement précis, intitulé « un réseau en fin de vie ». Nous avons inauguré le chantier du plan Rail dans la petite commune de Bagnac-sur-Célé, pour permettre à une carrière locale de fournir le ballast et éviter un transport en camion depuis le sud de l'Europe. Le président de Réseau ferré de France (RFF) a été estomaqué que la fixation des rails ne comporte plus que deux boulons sur quatre – il n'avait jamais vu cela.

S'agissant du réseau routier, nous avons conduit entre 2000 et 2015, dans le cadre des CPER, des opérations en concession sur les liaisons Toulouse-Tarbes, Toulouse-Pamiers et Toulouse-Montauban et hors concession sur les périphériques toulousains : la déviation de Léguevin ; la déviation de l'Isle-Jourdain sur la RN124 vers Auch ; les déviations entre Saint-Jean et la Motte, et celle de Baraqueville, sur la RN88 en direction de Rodez, après Albi ; l'achèvement de la liaison Toulouse-Albi ; la rocade d'Albi ; la mise aux normes du tunnel de Foix ; la mise à deux fois deux voies de la liaison Tarascon-Pamiers ; les déviations d'Ax-les-Thermes, de Cambes et d'Adé dans les Hautes-Pyrénées.

Pour ce qui est de Castres, après la mise en service de l'A68 en 1993 et la bretelle de Verfeil en 1996, restait à traiter Verfeil, Puylaurens, Soual et la liaison Soual-Castres. Sur le plan accidentogène, la liaison Toulouse-Castres était dans la moyenne haute. Nous avons donc plaidé pour que le bassin d'emploi de Castres-Mazamet – le second de la région Midi-Pyrénées – soit considéré comme l'équivalent d'un chef-lieu de département. Or l'itinéraire a été classé comme grande liaison d'aménagement du territoire par le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (Ciadt) du 19 décembre 2003.

En 2006, à l'occasion d'un autre Ciadt, le Gouvernement a décidé que les volets routiers du CPER seraient désormais planifiés selon une logique d'itinéraire au titre des PDMI. Pour la première fois, l'État émet l'hypothèse d'une réalisation accélérée, dans le cadre d'une concession autoroutière, pour la liaison Toulouse-Castres-Mazamet. Un débat public a lieu en février 2009. La contribution de la région est claire et sans ambiguïté : nous réitérons notre demande d'inscription de l'aménagement en deux fois deux voies de la RN126, comme cela est le cas des routes entre Albi et Rodez ou Toulouse et Auch. Mais une décision ministérielle du 25 juin 2010 clôt le débat : le choix gouvernemental se porte sur la concession, que la région finira par valider, en 2014. Je tiens à votre disposition les cahiers d'acteurs sur nos réserves, en 2007 et en 2010. La région a estimé que, s'agissant d'une route nationale, il appartenait au Gouvernement d'assurer cette mission, à laquelle elle était prête à s'associer. Elle a néanmoins souligné que la procédure de mise en concession constituait un facteur d'inégalité des territoires et risquait de conférer un caractère aléatoire et lointain au projet, alors même que rien ne démontrait qu'une réalisation au titre des PDMI prendrait plus de temps.

Elle a également renouvelé son appel pour que, sans attendre, l'aménagement de la RN126 soit intégré dans la liste des priorités établies par l'État au titre des PDMI. J'avais défendu la même position dans les années 1980, en faveur de l'aménagement en deux fois deux voies de la RN20, entre le sud de la Corrèze et Montauban, comme cela était le cas au nord de Brive-la-Gaillarde. Or, à l'époque, la région avait été consultée pour décision et j'avais été battu d'une voix.

Nous n'avons pas été consultés sur le dossier de l'A69, si ce n'est dans le cadre de la consultation globale en 2007. Si nous n'avons pas pris part au contrat de financement, nous avons été associés aux clauses de versement de la subvention de la région, tout comme les autres collectivités. Si mes souvenirs sont bons, les services de la région ont participé à une réunion d'information sur les offres anonymisées, sans avis à donner sur le choix du délégataire. Nous n'avons eu connaissance d'aucun autre document à caractère financier ou juridique. En bref, nous n'avons pas eu le choix, même si l'objectif était partagé par tous.

Par contre, il faut relativiser les problèmes actuels : quelle que soit l'option retenue, elle aurait généré de grosses difficultés en matière environnementale. Tout le monde l'a dit, il n'y avait aucune alternative et on arrivait à la fin d'une longue démarche. L'État ne prendrait sans doute pas cette décision aujourd'hui, mais elle l'a été il y a plus de vingt ans. D'après ce que je sais, 200 millions d'euros de travaux ont été réalisés ; les procédures et certains ouvrages d'art sont achevés. Je continue de penser que ce n'était pas le meilleur choix, et, même si cela n'enlève rien aux préoccupations environnementales, l'A69 ne représente que 0,6 % du réseau national. L'ex-région Midi-Pyrénées, dont le territoire équivaut à une fois et demie la Belgique, ne compte que 440 kilomètres d'autoroute concédée, soit 5 % du réseau national ; une fois l'opération achevée, cette part sera portée à 5,6 %. Sans vouloir minimiser les problèmes soulevés par les uns ou par les autres, je comprends mal l'agressivité et les débordements suscités par une décision prise il y a vingt ans, dont l'impact sur le réseau est relativement faible. Je suis un fervent défenseur de la non-imperméabilisation des sols, et il y a tant d'autres combats à mener.

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