Intervention de Hendrik Davi

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHendrik Davi :

La proposition de loi que nous étudions vise à imposer aux enseignants de toutes les danses la possession d'un DE pour exercer leur activité. En l'absence de ce diplôme, les professionnels s'exposeraient à une amende pouvant s'élever à 15 000 euros et à une fermeture administrative des locaux de l'entreprise ou de l'association qui les emploie. Pour le moment, le DE n'est obligatoire que pour l'enseignement des danses classique, contemporaine et jazz. Vous proposez d'étendre l'obligation à toutes les autres danses, telles que le hip hop, le flamenco, le tango, la danse baroque et les danses régionales. Nous pensons que c'est une erreur.

Ce texte présente de nombreux défauts. D'abord, le manque de concertation. Une tribune, rédigée par 180 professionnels du hip hop, le déplorait encore récemment. Il nous semble nécessaire d'engager un nouveau cycle de discussions au sujet de la formation des professeurs de danse dans le but d'aboutir à des propositions différentes pour chaque danse, répondant à leurs besoins spécifiques.

Cette concertation inachevée a en effet empêché de prêter attention à la diversité des pratiques. Votre proposition tient par exemple insuffisamment compte de la formation par l'expérience, mode d'apprentissage privilégié de certains milieux. L'approche purement théorique de la danse et son institutionnalisation risquent de fragiliser certains courants, qui fondent leur légitimité sur la pratique de communautés de danseuses et danseurs en perpétuelle évolution.

Par ailleurs, vous n'abordez pas la question de la capacité des organismes de formation à proposer des cursus pour toutes les danses. Or le manque d'offre de formation pourrait compromettre la transmission des danses les moins répandues, ce qui conduirait à un appauvrissement culturel.

Enfin, la détention obligatoire d'un diplôme ne manquera pas d'exclure une partie de la population. C'est notamment le cas pour le hip hop, mais aussi pour toutes les danses dont les principaux acteurs sont issus de communautés stigmatisées et rejetés des circuits de formation, comme le sont les personnes racisées, pauvres, queer et j'en passe. L'accès aux études est, comme on sait, fortement corrélé aux origines sociales, le système scolaire français étant l'un des plus inégalitaires au monde. Dans ce contexte, l'obligation d'obtenir un bac + 3 pour devenir professeur de danse privera un grand nombre de personnes de la possibilité d'exercer cette profession.

Pour toutes ces raisons, nous proposons des amendements visant à supprimer l'article 1er.

Néanmoins, pour certaines danses dont la pratique et les communautés sont bien stabilisées, il peut être intéressant de créer un diplôme d'État qui soit reconnu. Par un autre amendement, nous proposons donc que l'on reprenne les concertations danse par danse. Selon nous, la détention d'un tel diplôme ne peut être que facultative et la durée nécessaire à son obtention différente pour chaque communauté et fixée en concertation avec elle.

La surenchère pénale de l'article 5 pose problème. Il n'est par exemple pas normal qu'une condamnation liée à une manifestation interdise à un individu d'enseigner la danse. Cette surenchère restreint également les possibilités de réinsertion des personnes condamnées. Cela n'entame en rien notre conviction de l'absolue nécessité de lutter contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) dans la danse. Le rapport de la commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations sportives a établi l'existence de lacunes en matière de contrôle d'honorabilité. Nous proposons une réécriture de l'article 5 qui cible ces problèmes.

Pour conclure, le texte proposé risque d'entraîner des effets négatifs qu'il faut prendre en compte. Rendre obligatoire la détention d'un DE risque de réduire la diversité culturelle et renforcera les discriminations – et cela, sans proposer aucune solution pour lutter contre la précarité du métier de professeur de danse et sa trop faible rémunération, enjeu majeur pour ce secteur.

Pour toutes ces raisons, si nos amendements ne sont pas adoptés, le groupe LFI-NUPES votera contre cette proposition de loi.

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