Intervention de Philippe Gros

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Philippe Gros, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), coordinateur de l'Observatoire des conflits futurs :

J'aimerais réagir sur les craintes exprimées, ici, d'escalade ou de déstabilisation. Si en 2022, on avait dit à l'ensemble des spécialistes de politique étrangère et de stratégie que les Ukrainiens, dans leur défense contre l'agression russe, seraient en mesure de frapper des objectifs sur le territoire de la Russie, aucun ne l'aurait cru. En effet, la Russie est dotée de l'arme nucléaire et la dissuasion rendait cette hypothèse inconcevable. Pourtant, les Ukrainiens atteignent des cibles sur le territoire ennemi et le feront encore davantage en 2024. Je vous renvoie ici aux chiffres de production des drones ukrainiens, y compris des drones stratégiques. Les Ukrainiens considèrent qu'ils ont atteint la parité avec les Russes en termes de drones. Ils sont en mesure, avec des drones de conception assez simple, et très peu coûteux, de frapper des cibles, y compris sur le système pétrogazier russe, qui est le centre de gravité économique du pays. Cet exemple montre que nous sommes en terre inconnue, sans comparaison, y compris avec la guerre froide. Dès lors, il convient de ne pas s'appuyer sur des schémas préétablis quant au risque d'escalade.

Ceci explique d'ailleurs l'ambiguïté de la politique américaine. Ainsi Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, réagissant aux critiques sur l'attitude américaine, rappelle qu'il est comptable de la sécurité des Américains et que, à ce titre, il ne peut ignorer le risque d'escalade. Ce risque est l'un des éléments d'explication de la retenue américaine sur la livraison d'équipements. Rien ne permet, j'y insiste, d'anticiper des schémas préétablis quant à la suite du conflit.

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