Intervention de Arnaud Mandement

Réunion du jeudi 7 mars 2024 à 10h00
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Arnaud Mandement, ancien maire de Castres :

Je ne peux que m'exprimer en tant que citoyen. Il est délicat de répondre à cette question, dès lors que je n'étais plus en situation de responsabilité. Jusqu'en 2001, la position qui était la nôtre était celle d'une route nationale en deux fois deux voies avec un carrefour dénivelé. Elle devait être gratuite et ce, d'autant plus que les collectivités locales avaient été amenées à participer davantage au financement de cette route à cause du désengagement de l'État. La majorité des financements était assurée par la région, le département et les communes concernées.

La sortie Ouest de Castres et la rocade ont été financées à 55 % par les collectivités locales. Étant impécunieux, l'État a pris la décision de transformer le projet en concession autoroutière. Ce mouvement n'a pas commencé en 2000. M. Maurice Faure avait déjà proposé un certain nombre de concessions autoroutières à un certain nombre de partenaires. Avant 1988, il avait opté pour la réalisation d'une autoroute reliant Toulouse et Pamiers. Pamiers ne comptait que 15 000 habitants. Il s'agissait de relier Toulouse aux Pyrénées et aux stations de ski par le col de Puymorens et non de desservir un bassin industriel. À l'époque, les territoires n'ont pas protesté contre le choix de concéder le projet aux Autoroutes du Sud de la France (ASF).

Dans le cas du Tarn, la question de la temporalité s'est posée. Nous nous sommes demandé quel délai serait nécessaire pour obtenir l'infrastructure attendue. La perspective de l'achèvement du projet s'éloignait. Les crédits routiers ont été l'objet de révision. Le CPER que j'avais signé a été allongé de deux ans. Les crédits routiers nationaux ont été réorientés et les crédits européens affectés aux routes ont été progressivement relevés. Nous étions dans une situation d'impasse.

En tant que citoyen, je n'étais pas nécessairement favorable à l'option de la concession autoroutière. Je ne prendrai pas part aux débats, car je ne suis plus en responsabilité et je ne souhaite pas profiter aujourd'hui de la place qui est la mienne, mais je distingue deux débats : un débat invitant à se prononcer en faveur ou en défaveur du projet de construction d'une nouvelle infrastructure, et un débat invitant à se prononcer en faveur ou en défaveur d'une infrastructure concédée.

La question d'un aménagement de l'infrastructure sur place ressurgit dans le débat public, mais l'aménagement sur place est impossible si nous souhaitons que les contraintes environnementales de protection contre le bruit et de protection du territoire et des habitants soient respectées. La route ne pouvait pas être construite sur place, à moins de couper la commune de Saïx en deux, à la manière du tunnel de Fourvière traversant Lyon ou de l'autoroute traversant Valence.

J'ai découvert en écoutant M. Dominique Perben que l'arbitrage sur la concession avait été acté en 2006. Je le pensais bien plus tardif. Il a été acté très tôt alors que le prédécesseur de M. Dominique Perben, M. Gilles de Robien était opposé à la concession. Lors des questions parlementaires, M. Gilles de Robien a répondu à M. Philippe Folliot qu'il n'était pas favorable à la concession, mais à l'aménagement sous maîtrise de droit public de l'État.

En 1992, les estimations de l'APSI concernant le coût de cet itinéraire s'élevaient à 2,2 milliards de francs, soit 338 millions d'euros. Aujourd'hui, en prenant en compte l'inflation, l'aménagement de la route en deux fois deux voies coûterait 550 millions d'euros. Le courrier de M. Christian Leyrit du 8 mars 1994, qui approuve l'APSI, ne remet pas en cause l'option de la route en deux fois deux voies, mais donne un échéancier courant jusqu'en 2010 qui ne couvre pas la totalité de la mise à deux fois deux voies de l'itinéraire. La direction des routes savait qu'elle ne terminerait pas cet itinéraire avant 2010. L'État a pris en charge 40 % des coûts d'aménagement de la déviation de Puylaurens, et le département et la région ont respectivement pris en charge 20 % et 40 % des coûts d'aménagement de la déviation de Puylaurens. Les financements à la charge des collectivités locales étaient extrêmement importants pour une route nationale. L'État était par ailleurs maître d'ouvrage et percevait la TVA.

Nous n'envisagions pas de projets alternatifs, mais des projets complémentaires. La liaison SNCF Castres-Toulouse repose sur une voie unique, avec de rares portions à deux voies pour se croiser, elle n'est pas électrifiée et ne permet donc pas le report sur le rail des 15 % de poids lourds, soit 800 poids lourds circulant sur cette route chaque jour, dans la traversée de Cuq-Toulza. Si nous considérons que ces poids lourds circulent en journée et non la nuit, nous pouvons décompter un poids lourd par minute. Les poids lourds représentent ainsi un trafic important lors de la traversée des petites agglomérations. À l'époque, la position de l'État était de privilégier les liaisons de TGV. M. Jean-Claude Gayssot, ministre délégué chargé des transports et Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, qui était responsable des CPER, y étaient favorables.

Vous m'aviez posé la question du rôle de M. Pierre Fabre. Je souhaite m'exprimer à ce propos, car ce sujet fait l'objet de nombreuses ambiguïtés dans le débat public. Le rôle attribué aux entreprises dans le projet d'autoroute A69 devient aujourd'hui excessif dans le débat public. Des appels au boycott des entreprises favorables ou défavorables au projet d'autoroute sont passés sur les réseaux sociaux. Je les juge stupides. L'entreprise Pierre Fabre embauche 1 200 salariés dans le bassin de Castres et davantage encore dans tout le département du Tarn. 10 000 emplois industriels existent encore au sein du bassin de Castres-Mazamet. Sur ce dossier, M. Pierre Fabre se positionnait en citoyen engagé, il n'a pas fait valoir les intérêts de son entreprise. Il est décédé en 2013, nous devons respecter sa mémoire.

Le territoire du sud du Tarn abrite de nombreuses entreprises (granit du Sidobre, Valeo, Frayssinet, etc.). La pétition de 1999 avait rassemblé 1 240 entreprises et chefs d'entreprise, pour demander un plan de rattrapage. La mobilisation était conséquente, mais la stratégie de développement ne portait pas uniquement sur la question routière, et elle continue aujourd'hui sur la scène de Castres-Mazamet, à porter sur l'enseignement supérieur, notamment. Aujourd'hui, Castres compte plus de 2 000 étudiants contre 300 ou 400 étudiants au début des années 1990.

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