Intervention de Sylvie Retailleau

Réunion du mardi 5 mars 2024 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Sylvie Retailleau, ministre :

Les étudiants ultramarins, qu'ils viennent étudier en métropole ou qu'ils étudient outre-mer, ont accès aux bourses sur critères sociaux. Dans la première étape de la réforme du système des bourses, nous avons tenu compte de la cherté de la vie en ajoutant 30 euros aux bourses des étudiants qui étudient outre-mer ; inversement, pour donner accès à de meilleurs niveaux de bourse aux étudiants venant d'outre-mer étudier en métropole, nous leur avons attribué des « points de charge » en fonction de la distance entre leur lieu d'étude et leur lieu d'habitation. Le critère de territorialisation, pour les outre-mer en particulier, sera également pris en compte dans la seconde étape de la réforme à l'étude.

Ce sera une réforme structurelle. Nous remettons le dispositif à plat, et j'ai donné rendez-vous aux organisations étudiantes représentatives au cours de la deuxième quinzaine d'avril pour discuter à nouveau avec eux, puisque nous menons cette réforme en concertation, avec des étapes régulières. Nous travaillons non seulement sur le modèle des bourses, qui demeure redistributif, fondé sur des critères sociaux mais aussi, avec le ministère des solidarités, pour établir un ensemble cohérent avec les autres aides sociales dont peuvent bénéficier les étudiants et tenter ainsi de minimiser le non-recours. Notre engagement demeure. Nous voulons tenir le calendrier que j'ai annoncé, le nouveau dispositif entrant en vigueur à partir de mars 2025 pour que les étudiants boursiers en bénéficient à la rentrée 2025.

Parallèlement, nous avons engagé une réforme du système d'information qui n'était pas prévue initialement, afin de faciliter le dépôt des dossiers et leur traitement par les agents des Crous et, encore une fois, d'éviter le non-recours. Sur le fond, cette réforme vise à faciliter l'accès aux bourses de ceux qui en ont le plus besoin en les aidant mieux. Je vous en dirai davantage au fil de l'avancement des modélisations.

J'en viens au volet « économies ». Elles ont un impact et elles sont préoccupantes, je l'ai dit. C'est pourquoi, plutôt que de lâcher, je continuerai à me battre et à mobiliser. Je ne suis pas contente, mais quand j'ai des raisons de me battre, je continue d'agir. Toutefois, il ne faut pas tout mélanger.

Pour commencer, aucune réserve de précaution n'a jamais permis ni d'investir dans la création de places ni d'aider à réduire la précarité chez les étudiants. Les investissements doivent être fixés au moment de la définition du budget, à l'été. Si des dépenses de guichet imprévues se présentent après la détermination du budget, par exemple parce qu'à ce moment-là nous n'avions pas encore le nombre des boursiers, nous demanderons la réouverture de crédits. S'il s'agit de quelques millions d'euros, nous nous débrouillerons, mais s'il nous faut des crédits importants pour faire face aux conséquences financières de décisions déjà prises, nous demanderons à rouvrir une partie de la réserve de précaution, par exemple pour aider les établissements qui en ont besoin à mettre en œuvre les mesures salariales dites Guerini. Pour 2024, nous avons compensé budgétairement la moitié de cette revalorisation salariale et j'ai obtenu de garder une petite marge financière pour aider, comme nous nous y étions engagés, les établissements les plus en difficulté à ce sujet. Rien de cela n'a à voir avec la réserve de précaution, laquelle permet d'ajuster des financements mais ni des projets d'investissements ni des aides aux étudiants.

La suppression de crédits ne touchera pas, je l'ai dit, les budgets des universités ni des Crous, préservés au niveau prévu dans le budget initial. Des économies semblables ont lieu aux niveaux européen et international ; étant donné le contexte budgétaire global, nous ne sommes pas les seuls dont les budgets sont revus, mais il ne faut pas en rajouter. Remettons les choses en perspective et, en dépit de ce problème budgétaire, rappelons-nous le soutien que nous avons apporté à la recherche. Jamais jusqu'alors une LPR n'avait été définie, assortie d'un investissement de 25 milliards d'euros, et nous ne revenons pas sur les dispositions de cette loi, qu'il s'agisse des ressources humaines, de l'attractivité ou des bourses des doctorants. Jamais, depuis 35 ans que je suis dans le métier, je n'avais vu une telle augmentation de ces bourses, qui atteindront cette année 2 100 euros pour tous les doctorants. De plus, nous ne traiterons pas seulement le flux mais aussi le stock, maintenu. Les bourses de doctorant passeront très bientôt à 2 300 euros – cette mesure n'est pas remise en cause –, au niveau des bourses équivalentes en Europe.

Nous avons aussi ouvert des postes supplémentaires avec les chaires de professeurs juniors, contre lesquelles certains d'entre vous s'étaient prononcés. Cette diversification que l'on observe partout dans le monde universitaire européen et international, cette augmentation des doctorats, leur repyramidage qui permet de promouvoir nos collègues qui donnent beaucoup, toutes ces mesures créées par ce Gouvernement et cette majorité et qui sont maintenues redonnent de l'attractivité à notre enseignement supérieur et à notre recherche qui, effectivement, avait bien baissé, et qui pâtit encore des effets de l'inflation – raison pour laquelle nous n'avons pas encore obtenu que l'État consacre 3 % du PIB à la recherche et au développement. Cependant, je rappelle que dans ces 3 % figurent 2 % de dépense privée et 1 % de dépense publique, et qu'il ne faut pas limiter l'analyse à la dépense – même si, j'en suis d'accord, c'est une donnée pertinente pour l'efficacité de notre recherche – mais prendre aussi en considération l'investissement public. Or, la France est dans le groupe des pays qui en font le plus en ce domaine. Mais il nous faut en effet, tout en gardant un service public de qualité, parvenir à atteindre l'objectif fixé dans la stratégie de Lisbonne de consacrer 3 % du PIB, en financements publics et privés, aux dépenses de recherche et développement.

Je le redis, les économies budgétaires ne touchent pas les ressources humaines. À ce jour, elles ne touchent pas les postes, et nous maintenons les mesures d'attractivité que nous avons mises en œuvre et dont nous voyons commencer d'apparaître les effets bénéfiques sur les doctorants et sur l'attractivité de certains postes. Pour les chaires de professeur junior, on constate que 49 % sont occupées par des docteurs qui reviennent de l'étranger ; auparavant, la moyenne était de seulement 15 % pour les postes équivalents. Nous sommes en train d'évaluer cet effet d'attractivité avant de vous le présenter en détail.

Le discours prononcé par le Président de la République le 7 décembre a été souvent mentionné, mais pas dans son entièreté. Il avait précisé que la LPR était un rattrapage des moyens de la recherche qui n'avait pas eu lieu depuis des années et qui devait être poursuivi pour que la France soit au niveau de l'Europe et du monde, soulignant qu'en parallèle le paysage de la recherche devait se transformer. Cette évolution, et sur ce point nous sommes en désaccord, n'est pas une casse. L'autonomie des universités est un modèle européen et international qui permet aux universités d'être plus responsables et plus performantes. Elle doit s'accomplir sans nuire à leur attractivité ni remettre en cause les financements publics et la subvention pour charges de service public, au bénéfice des personnels et des étudiants. Nous avons besoin d'organismes de recherche ayant une vision nationale ; c'est à quoi concourront les agences de programme. L'évolution demandée par le président de la République s'accompagnera d'un renforcement des moyens globaux de la recherche. Les économies demandées dans un contexte budgétaire difficile en tous lieux peuvent avoir un impact, nous en sommes conscients, mais elles touchent les réserves de précaution, ce qui ne pénalise ni les établissements, ni les aides aux étudiants, ni le budget des Crous, ni les mesures que vous avez citées et qui continueront d'être financées. Les dispositions prises pour renforcer l'attractivité de l'enseignement supérieur et de la recherche et faire cesser la fuite des cerveaux sont maintenues, dans le cadre de la LPR mais aussi par les budgets importants du plan France 2030 pour les projets de recherche et d'innovation.

Monsieur Peu, faire passer les épreuves d'enseignements de spécialité (EDS) en juin visait, en objectivant les dossiers sur Parcoursup au niveau national, à minimiser sinon à gommer « l'effet lycée » auquel vous avez fait allusion, qui peut aussi être bénéfique pour les élèves, puisque Parcoursup n'est pas un algorithme ; ce sont nos collègues de l'enseignement supérieur qui examinent les dossiers avec bienveillance. Peut-être pas tous les dossiers, mais soyons objectifs. Je l'ai fait en qualité de professeur, pour toute une université et toutes les formations. Je peux donc vous dire en détail ce qu'est la réalité de Parcoursup, comment sont traités les dossiers et rappeler qu'avant Parcoursup, les choses, sous une autre appellation, se passaient de la même manière : les critères d'admission sont rentrés par les commissions des vœux, c'est-à-dire par des enseignants et des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur. Il existe bel et bien un outil d'aide à la décision – il est paramétré par les enseignants, ce n'est pas un paramétrage national – ainsi configuré que, par exemple, les étudiants dont le dossier fait état d'une moyenne inférieure à 6 en mathématique ne sont pas pris en licence de mathématiques. Ce paramétrage local a toujours existé, qu'il soit fait manuellement par fichier Excel ou par Parcoursup : c'est une manière de traiter les dossiers. Les fiches de critères doivent être transparentes et tout doit être dit aux étudiants, aux élèves et à leurs familles, mais elles sont légitimes et classiques. Ensuite, les dossiers sont examinés par une commission des vœux, qui réunit des enseignants et des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur. C'est là qu'intervient la référence au lycée d'origine : certains membres de la commission des vœux peuvent y prêter attention et ce peut aussi être avec bienveillance. Mais je ne m'appesantirai pas sur cette question puisque le lycée d'origine n'est pas un critère d'étude de dossier donné globalement.

Les épreuves de spécialités, ayant désormais lieu en mai, elles ne seront plus prises en compte dans le dossier Parcoursup. Avant de travailler à l'anonymisation des lycées d'origine que vous appelez de vos vœux, il faut pouvoir apprécier la réalité des différences de notation du contrôle continu selon les lycées ; nous nous employons donc, avec les recteurs d'académie, à les objectiver pour mesurer si une harmonisation est nécessaire.

J'en viens aux formations privées proposées sur Parcoursup. J'indique en préambule que pour 97 %, l'offre faite aux étudiants est proposée par des établissements publics ou des établissements privés sous contrat, et donc 3 % seulement par des établissements de formation privés hors contrat. En revanche, l'offre privée est plus importante pour l'apprentissage, qui se développe. Aussi, j'annoncerai dans les mois qui viennent le lancement d'un label de qualité. Un étudiant sortant du lycée doit pouvoir choisir parmi ces formations, à condition qu'il y ait transparence dans l'affichage des propositions, que les jeunes fassent un choix éclairé en sachant exactement dans quoi ils s'engagent, qu'il s'agisse du statut, des frais d'inscription ou de la qualité de la formation.

Nous travaillons avec l'école publique, les écoles privées sous contrat et les universités, à établir des critères respectant ces caractéristiques afin que le futur label soit compréhensible par les étudiants et leurs familles et ne complique pas les choses. Nous mettrons en avant le label et ses caractéristiques pour lui donner toute la visibilité utile afin d'expliquer quel impact il aura à l'avenir sur l'affichage des formations sur Parcoursup et les autres plateformes gérées par le ministère. Ce travail devrait aboutir avant l'été. Je recevrai le 12 mars Mmes Descamps et Folest, que je remercie pour leurs travaux.

À ce jour, la nouvelle plateforme Cnae a été saisie plus de 400 fois de questions de santé mentale des étudiants et de violences sexuelles et sexistes et les redirections en vue d'aide sont efficaces. Des sessions de formation de formateurs et formatrices ont été lancées dans les établissements et nous professionnalisons la lutte contre les violences sexuelles et sexistes en créant dans tous les rectorats des postes de personnes ressource spécialisées. Ce maillage territorial est en cours.

De manière générale, pour les types de violences évoquées par M. Raux, il importe de ne pas intervenir en direct quand il y a des élections, aux Crous ou ailleurs. Mais mon cabinet et mon ministère interviennent presque quotidiennement pour faire des signalements au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, demander que les mesures disciplinaires ou juridiques nécessaires soient prises et, plus généralement, donner les outils juridiques permettant qu'aucune violence de caractère antisémite, raciste ou autre perdure sur un campus ni ne reste sans suite et que les victimes soient dûment accompagnées. J'ai écrit des courriers en ce sens, je continuerai de m'exprimer avec force contre ces agissements et d'accompagner les établissements. J'ai demandé aux présidents d'établissements d'utiliser tous les outils à leur disposition sur les campus, dont les débats contradictoires, respectueux de toutes les opinions politiques et religieuses, pour lutter contre les violences de tout type. Je m'exprimerai autant que nécessaire à ce sujet et j'accompagnerai les présidents et les directeurs de nos établissements pour que cessent ces actes inadmissibles.

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