Intervention de Stéphane Travert

Réunion du lundi 4 mars 2024 à 21h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Travert, président :

Notre commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, sur le rapport pour avis de M. Antoine Armand. Si nous sommes contraints de nous réunir un lundi, en soirée, c'est bien sûr en raison de l'organisation d'un Congrès à Versailles cet après-midi, mais c'est surtout parce que notre commission n'est saisie que pour avis : le projet de loi a en effet été renvoyé à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire (CDDAT), qui débutera son examen demain à seize heures trente.

Le renvoi du texte à cette commission se situe dans la lignée du choix opéré par le Sénat, où le texte a été déposé. Nos collègues de la commission des affaires économiques du Sénat ont revendiqué avec force leur compétence au fond mais n'ont pas été entendus. Je regrette également que le texte n'ait pas été renvoyé à notre commission : la sûreté nucléaire ayant un rôle déterminant sur nos capacités de production de l'électricité, elle participe pleinement de notre compétence exclusive et intégrale en matière d'énergie. Nous avons pu le constater avec l'arrêt d'un grand nombre de nos réacteurs nucléaires du fait de problèmes de corrosion sous contrainte.

Sur le plan juridique, notre compétence dans ce domaine a été consacrée par la loi du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, qui attribue à la commission compétente en matière d'énergie le pouvoir d'émettre un avis sur la nomination du président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Je reviens sur la question du renvoi du projet de loi essentiellement car notre compétence pour donner un avis sur la personnalité pressentie pour la présidence de l'ASN est remise en cause par le texte. Je compte sur votre soutien pour maintenir le cadre juridique actuel en la matière.

Notre commission s'est saisie pour avis de l'ensemble du projet de loi, lequel, après son adoption par le Sénat, comporte vingt-cinq articles. Cependant, par un courrier du 4 février, M. Jean-Marc Zulesi, président de la CDDAT, a sollicité l'avis de la commission des affaires économiques sur sept de ces articles – les articles 2 ter, 12, 16, 17, 17 bis, 17 ter et 18. Cette procédure prévue à l'article 87, alinéa 2 du règlement équivaut à nous attribuer une délégation au fond sur ces articles, ainsi que sur les articles additionnels qui auraient un lien avec lesdits articles.

Nous avons ainsi pleinement compétence sur les cinq articles constituant le titre II relatif à l'adaptation des règles de la commande publique aux projets nucléaires. Il nous revient aussi de donner notre avis sur le titre Ier, qui constitue la question politique majeure de ce texte, à savoir la création d'une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, résultant de l'intégration de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au sein de l'Autorité de sûreté nucléaire.

Cette proposition de réforme avait surgi dans le débat public en mars 2023 à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dites « loi sur le nouveau nucléaire ». Le Gouvernement avait alors fait adopter en commission deux amendements portant articles additionnels : l'un élargissant les compétences de l'ASN à l'expertise et à la recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ; l'autre prévoyant le transfert des contrats de travail des salariés de l'IRSN. En séance, le premier avait été totalement réécrit et le second, supprimé. La commission mixte paritaire ne les avait pas retenus.

Depuis lors, le Gouvernement s'est efforcé de convaincre les parlementaires et les personnels de l'ASN et de l'IRSN de l'importance de cette réforme de notre sûreté nucléaire dans une période où de nouveaux réacteurs vont être mis en chantier et où la prolongation du fonctionnement de centrales plus anciennes sera étudiée et mise en œuvre. Une majorité de sénateurs ont été convaincus, puisque le texte a été adopté assez largement au Sénat, par 228 voix pour et 98 contre.

Nous aurons 94 amendements à examiner. Un amendement, le CE61 de M. Gérard Leseul, a été jugé irrecevable en vertu de l'article 40 de la Constitution. J'ai également considéré deux amendements comme des cavaliers législatifs. Je rappelle à cet égard que l'appréciation du lien direct ou indirect d'un amendement ne peut être effectuée eu égard au titre du projet de loi, mais uniquement en s'appuyant sur le contenu des articles. En l'occurrence, ceux-ci ne portaient nullement sur les modes d'exploitation des installations nucléaires de base produisant de l'électricité. Je n'ai donc pu retenir ni l'amendement CE8 de Mme Delphine Batho concernant la nature de l'exploitant, ni le CE56 de Mme Marie-Noëlle Battistel prévoyant une loi quinquennale sur les objectifs et les priorités d'action de la politique d'approvisionnement et de gestion des matières et déchets radioactifs. Ils ne se rattachaient manifestement ni aux articles du titre Ier du projet de loi concernant l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, ni à ceux du titre II sur la commande publique.

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