Intervention de Richard Ramos

Réunion du lundi 13 mars 2023 à 15h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ramos, rapporteur :

Nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre de la protection des consommateurs et de leur droit à l'information. Cette question peut sembler technique, elle est en réalité hautement politique.

A l'heure actuelle, vous le savez, les maladies chroniques liées à l'alimentation ont explosé, et 53 % de la population européenne est en surpoids. Un avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments publié le 19 avril 2022 alertait aussi sur les apports alimentaires excessifs en acides gras saturés, en sodium et en sucres chez la plupart des populations européennes, notamment chez les jeunes. C'est face à ce constat qu'a émergé la question de la protection de la santé des consommateurs et de leur droit à l'information.

Ce rapport a été porté par trois convictions profondes. La première est que sans information et sans éducation adéquates des consommateurs, c'est la « malbouffe » qui s'impose, au détriment de la santé de nos concitoyens et notamment des plus jeunes. La deuxième conviction est que la protection de la santé des consommateurs et celle de la production agricole de nos terroirs ne sont pas incompatibles. La troisième et dernière conviction est que l'accès à une alimentation saine, équilibrée et de qualité est un droit fondamental qui doit être garanti par la puissance publique et qui ne doit pas dépendre de notre pouvoir d'achat ou notre catégorie socio-professionnelle. L'absence d'information nutritionnelle, qu'est-ce que c'est ? C'est la « malbouffe » et l'inégalité sociale dans l'assiette. L'absence d'obligations harmonisée, c'est aussi la concurrence déloyale en Europe pour nos produits traditionnels et les géants de l'agro-industriels qui gagnent.

Dans le cadre de la stratégie « de la ferme à la table », présentée en mai 2020, et du « plan européen pour vaincre le cancer » de 2021, la Commission européenne s'était engagée à déployer plusieurs outils pour faciliter l'adoption de régimes alimentaires sains et améliorer l'environnement nutritionnel dans l'Union européenne.

Toutefois, à l'approche des européennes, et si nous devons dresser le bilan des actions entreprises, force est de constater que la plupart des engagements en matière de protection des consommateurs de denrées alimentaires ne seront finalement pas honorés.

Tout d'abord, la stratégie « de la ferme à la table » de protection des consommateurs de denrées alimentaires prévoyait un système d'étiquetage nutritionnel obligatoire, simplifié et harmonisé qui a été reporté sine die faute d'accord entre les États, et du fait d'un lobbying intense de certains industriels. En l'état du droit, seules les initiatives basées sur le volontariat sont autorisées, telles que le Nutri-score, qui a d'ailleurs été largement porté par la France et l'Institut national de santé et de recherche médicale et a fait ses preuves en termes de santé publique. Mais il reste facultatif, n'existe que dans 6 pays européens et de grands groupes comme Coca-Cola ou Lactalis refusent d'y participer. En l'absence de caractère obligatoire, ces initiatives ne peuvent jouer leur rôle de levier de transformation de l'offre alimentaire. La France a porté des positions volontaristes pour améliorer l'information des consommateurs, aux côtés de cinq autres États membres. Mais les négociations sur l'étiquetage nutritionnel harmonisé se sont enlisées, entraînant l'abandon du projet au détriment de la protection de la santé des consommateurs. Je vous renvoie au détail de mon rapport mais je regrette que la balance ait penché davantage du côté des intérêts économiques des grands groupes industriels plutôt que du côté de la santé des européens. Je précise également que je propose d'exclure les produits signé de qualité de l'étiquetage des produits.

Par ailleurs, le projet d'un étiquetage nutritionnel obligatoire ne dispense pas d'une réflexion plus globale sur l'environnement nutritionnel et l'éducation culinaire. Dans son « plan européen pour vaincre le cancer », la Commission européenne encourage les États membres à réduire la pression publicitaire pour les enfants et les adolescents. L'impact sur les enfants de la publicité pour les aliments de faible qualité nutritionnelle est si bien documenté qu'on peine à s'expliquer l'inaction publique en la matière. C'est un sujet auquel j'accorde une importance particulière, nous devons mieux éduquer et informer la jeunesse pour éviter des désastres sanitaires dans le futur. La France et l'Europe doivent davantage s'engager en matière de régulation de la publicité adressées aux enfants et aux jeunes.

Le rapport formule dix propositions pour améliorer la santé des consommateurs autour du tryptique : information ; éducation ; droit à une alimentation équilibrée pour tous. Elles sont toutes guidées par la conviction qu'un tropisme excessif en faveur des intérêts des grandes groupes agro-industriels fragilise la politique de santé publique européenne mais aussi les producteurs.

Sur l'information des consommateurs, les États membres doivent promouvoir un étiquetage des produits qui informe les consommateurs sur le degré de transformation des aliments. Il pourrait par ailleurs être envisagé de faire évoluer l'algorithme et l'affichage du Nutri-score afin de mieux prendre en compte les aliments ultra-transformés. Enfin, il conviendrait de mettre à l'étude la possibilité d'un étiquetage « national » des produits, à la condition que 90 % de ces produits proviennent bien du pays en question.

Sur le volet éducation, la France pourrait inviter la Commission européenne à accroître le budget alloué au programme consacré à la promotion chez les enfants de la consommation de fruits, de légumes et de lait, et à consacrer au moins 10 % des fonds à des mesures éducatives, et à revoir la liste des aliments éligibles. Il faut aussi dresser le bilan de la campagne « HealthyLifestyle4All », lancée en septembre 2021, dont l'objectif était de promouvoir des modes de vie sain en associant sport et alimentation saine. Enfin, à l'échelle européenne, il est urgent de plaider pour l'interdiction de tous supports publicitaires à destination des moins de 16 ans pour des aliments classés D ou E sur l'échelle du Nutri-Score, ainsi que pour l'interdiction des dispositifs marketing ludiques. Nous devons cependant faire une exception pour les produits sous signes de qualité qui protègent nos savoir-faire et nos produits du terroir, tels que la bonne charcuterie ou nos fromages.

Enfin, sur le volet de l'égalité d'accès à une alimentation saine, je propose que l'on expérimente un chèque alimentation durable ciblant les ménages les plus modestes pourrait être expérimenté dans plusieurs départements au niveau national et sa mise en œuvre proposée à l'échelle européenne. La santé du consommateur doit être garantie qu'il soit riche ou pauvre, quel que soit son pouvoir d'achat. Nous le savons, avec la montée de l'inflation, les habitudes alimentaires de certaines catégories socio-professionnelles ont changé, parfois pour le pire pour les humbles. C'est inacceptable.

Malgré les ambitions affichées, de trop nombreuses occasions ont été manquées ces dernières années d'améliorer l'information et l'éducation des consommateurs au sein de l'Union européenne. Les recommandations formulées par ce rapport visent à garantir le droit à des produits de qualité tout en préservant nos traditions alimentaires. Je fais le vœu que la France porte au niveau européen ces propositions et cette voie d'équilibre et veille à ce que les intérêts économiques des grandes groupes agro-industriels ne priment pas sur la santé des consommateurs.

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