Intervention de Jacques Thomas

Réunion du mercredi 13 mars 2024 à 15h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Jacques Thomas :

Lorsqu'un bureau d'étude s'engage sur un projet, il doit faire preuve de sincérité et mobiliser les moyens nécessaires pour répondre aux demandes de son client. Or, Biotope n'a pas mis en place les moyens requis pour se prononcer sur cette gestion des zones humides. J'ignore quel était le contenu du cahier des charges, ou encore quel accord Atosca et Biotope ont pu établir. J'ignore également sur quelles bases et à partir de quelles consignes Biotope a pu formuler son offre. Ces questions ne me regardent pas. En revanche, j'observe que les moyens techniques nécessaires à cette étude n'ont pas été réunis.

Cette situation résulte d'un problème plus général en France, qui excède largement le cadre de l'autoroute A69. Ce problème affecte l'autonomie et la sincérité des bureaux d'étude. Dans le cadre d'une étude d'impact, il appartient au pétitionnaire de solliciter les services d'un bureau étude. Celui-ci va donc rémunérer le bureau, et in fine rédiger et signer le rapport. Par conséquent, une entreprise de grande taille qui souhaite alimenter son chiffre d'affaires sera nécessairement tentée d'écouter les recommandations de son client.

Il existe donc un problème de sincérité, dû à la dépendance du bureau d'étude par rapport à son pétitionnaire. Dans d'autres pays, la relation financière entre les pétitionnaires et les bureaux d'études est gérée par de tierces personnes ou de tiers organismes.

Lorsque j'ai été nommé pour travailler sur le dossier de Notre-Dame des Landes, je devais rendre des comptes à un panel de scientifiques réunis en conseil par le préfet de région. J'étais alors rémunéré par Vinci et par l'État. Cependant, Vinci ne pouvait pas influencer mon travail, qui pendant un an consistait à passer l'équivalent de trois soutenances de thèse devant ce conseil scientifique. Je disposais donc d'une certaine autonomie, et je pouvais partager mes positions avec Vinci en toute transparence. Dans le même temps, j'étais contraint d'être le plus honnête possible vis-à-vis de ce conseil, qui réunissait notamment certains de mes anciens professeurs. Mon maître d'ouvrage était alors obligé d'honorer sa commande.

J'identifie en outre un autre problème. Lorsqu'un projet fait l'objet d'un très grand nombre d'avis réservés, par exemple de la part de l'Autorité environnementale, du CNPN, de la Dreal ou encore de la DDT, je ne comprends pas qu'une réunion de consensus ne soit pas organisée. Le pétitionnaire devrait s'expliquer sur le contenu du projet, sur ses lacunes et sur la manière avec laquelle il a été construit. Ainsi, je pense que nous progresserions en efficacité sur la gestion des grands sites. Si nous disposions de cette capacité à écouter les services de l'État, nous éviterions également l'apparition de conflits potentiels. Ces services qui sont tout à fait compétents seraient alors en mesure d'améliorer les projets.

J'appelle donc les députés à envisager cette possibilité, c'est-à-dire l'organisation de réunions de consensus en cas d'avis réservés. Un tiers de confiance pourrait être désigné pour assurer un rôle d'intermédiaire entre les bureaux d'études et les décisionnaires. Ce rôle pourrait par exemple être confié à la Caisse des dépôts et consignations.

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