Intervention de Jean-Jacques Gaultier

Réunion du mardi 26 mars 2024 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Gaultier :

Ma chère collègue, je loue votre engagement et partage une bonne partie de vos objectifs. Mais je n'approuve pas les moyens. Ce texte modifie deux lois de liberté, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et celle du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, ce qui peut, quand même, poser un problème constitutionnel. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a toujours confirmé dans sa jurisprudence le principe de la liberté pour l'employeur du choix de ses collaborateurs, au nom de la liberté d'entreprendre.

Actuellement, la loi ne prévoit aucune situation dans laquelle les salariés d'une entreprise doivent être directement consultés par un vote avant la nomination d'un responsable. Cette procédure d'agrément poserait d'ailleurs la question de l'exercice de la responsabilité pénale, qui est consacrée par la loi de 1881, pour des personnes qui ne seraient pas approuvées par l'actionnaire. Cela pourrait dissuader les investissements dans nos médias, qui en ont grandement besoin, et cela viendrait figer des rédactions, entraver toute mobilité, toute évolution, tout profil différent, au nom d'un certain entre-soi qui me paraît préjudiciable.

Du reste, ce texte est loin d'être demandé par toute la profession, qui est déjà protégée et encadrée. Les journalistes disposent de clauses de conscience et de cession, et d'un droit d'opposition. On a d'ailleurs vu récemment l'efficacité d'une motion de défiance au sein de la rédaction de La Provence. L'épisode du JDD me paraît aujourd'hui dépassé, après la création de La Tribune Dimanche.

Enfin, cette proposition de loi associe deux sujets radicalement différents aux règles radicalement différentes : la presse et l'audiovisuel. La presse, c'est beaucoup de titres et un pluralisme externe – une presse d'opinion est possible. L'audiovisuel, c'est la rareté de la ressource, les fréquences, ce qui implique un pluralisme interne, ainsi qu'un contrôle et une régulation par l'Arcom, avec des cahiers des charges et des conventions signées par les chaînes privées. Du reste, l'audiovisuel public ne serait pas concerné par votre proposition de loi, ce qui viendrait renforcer les asymétries avec les médias privés.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la proposition de loi, dont l'objectif est louable mais qui m'apparaît comme une fausse bonne idée.

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