Intervention de Soumya Bourouaha

Réunion du mardi 26 mars 2024 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSoumya Bourouaha :

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose, dans son article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » La loi du 29 juillet 1881 consacre, dans son article 1er, le principe de la liberté de l'imprimerie et de la librairie, dont la valeur constitutionnelle a été affirmée par la cour d'appel de Paris en 1992.

Pourtant, la liberté de la presse et la qualité de l'information qui en découle sont constamment mises à l'épreuve par la liberté d'entreprendre, laquelle se manifeste par une croissante ingérence de l'actionnariat dans le travail des rédactions. La nomination de Geoffroy Lejeune à la tête du Journal du dimanche a été un point de bascule pour une grande part de la société française, qui y a vu l'exemple flagrant d'un pouvoir économique prêt à négliger toute exigence déontologique pour faire de l'information une marchandise générant des profits.

Dans ce contexte de mobilisation, les journalistes du Journal du dimanche ont été à l'initiative de propositions visant à renforcer l'indépendance des journalistes. Dans une lettre ouverte adressée à la ministre de la culture d'alors, Mme Rima Abdul-Malak, les membres de la rédaction ont rappelé la demande qu'ils lui ont présentée : « Porter une évolution de la législation pour assurer l'indépendance réelle des rédactions et protéger l'exercice de notre métier dans le respect des règles déontologiques. » L'objectif principal est d'instaurer une forme de droit de veto ou d'approbation sur la nomination des directeurs de rédaction.

La protection de la liberté éditoriale des journalistes a fait l'objet d'évolutions législatives récentes. En 2016, afin de renforcer les garanties déontologiques entourant l'exercice du métier, la loi « Bloche » a instauré un droit d'opposition individuel. Les rapporteurs de la mission d'évaluation de cette loi ont constaté qu'il demeure général : « Les termes choisis demeurent assez vagues et laissent aux journalistes le soin d'apprécier ce que serait une pression ou un acte contraire à leur intime conviction professionnelle. »

La proposition de loi que nous examinons remédie aux défaillances du cadre juridique en conditionnant le versement des aides à la presse et l'usage des fréquences publiques à l'instauration d'un droit d'agrément sur la nomination de tout directeur de rédaction pour les journalistes employés. Nous devons saluer le travail réalisé par notre collègue Sophie Taillé-Polian, qui a le mérite non seulement de proposer une véritable garantie de protection aux journalistes des médias sollicitant des aides de l'État, mais aussi d'ouvrir le débat sur les facteurs participant à l'affaiblissement de la liberté éditoriale de ces derniers.

Il est urgent que le pouvoir législatif affronte les problèmes cruciaux de la concentration des médias, du financement de l'audiovisuel et de la précarisation de la profession des journalistes, pour garantir le pluralisme et la qualité de l'information ainsi qu'un statut protecteur pour tous les travailleurs du secteur. Nous espérons qu'il ouvre la voie à une réforme profonde de la loi du 30 septembre 1986.

Le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES votera le texte.

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