Intervention de David Assouline

Réunion du jeudi 14 mars 2024 à 9h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

David Assouline, ancien sénateur, ancien rapporteur de la commission d'enquête sur la concentration des médias en France :

Cette reconnaissance est impossible sur la TNT, qui est une ressource rare. Elle nécessite des candidatures et une autorité, émanation de la puissance publique, qui doit attribuer ces canaux. Pour que le pluralisme soit préservé, il faudrait que toutes les opinions puissent avoir leur chaîne, ce qui est impossible. Je précise qu'il ne s'agit pas d'une liberté d'expression bafouée dans la mesure où une chaîne d'opinion peut se développer sur l'internet. Si CNews est une chaîne d'opinion, elle peut très bien migrer.

Nous devons revenir aux fondements. La liberté de la presse est totale, même si le barrage financier existe et que nous nous sommes toujours battus pour qu'il soit démocratisé socialement. Tout le monde peut diffuser son opinion, en restant dans le cadre de la loi. Le moment le plus clair du modèle français a été la Libération, avec un foisonnement de la presse quotidienne, avec plusieurs titres par département, représentant toutes les nuances politiques de la Résistance – démocrates-chrétiens, socialistes, communistes, républicains, etc. Cette presse d'information et de politique avait une déontologie. Le pluralisme existait par la diversité de l'offre.

La situation est identique sur l'internet, où l'espace est infini. Par contre, avec la TNT, la ressource est rare, avec une trentaine de chaînes, dont quatre chaînes d'information, ce qui a fait l'objet de nombreux débats, certains estimant que le service public ne devait pas en avoir au risque de raréfier encore plus l'audimat. Le but n'est pas d'exprimer le pluralisme d'opinion, mais d'instituer une compétition sur la recherche d'information et différents regards.

L'Arcom a une responsabilité sur ce point. La décision du Conseil d'État, que je salue car historique, lui confère des moyens et un soutien plus important pour juger ce que va signifier l'expression pluraliste, qui ne peut pas se limiter qu'aux représentants des partis politiques. L'application sera toutefois délicate.

En revanche, dans cette décision, nous avons glissé de chaîne d'information à chaîne de débat. Or, ce n'est pas le cadre de la convention avec l'Arcom. Sur une chaîne d'information, la dominante doit être l'information, ce qui nécessite un certain nombre de cartes de presse, d'aller chercher cette information et que dans la programmation, elle ne soit pas écrasée par le commentaire.

Or ce n'est pas le sujet avec CNews qui est une chaîne d'opinion. Vincent Bolloré est dans un jeu assez cynique. Il se moque de tout le monde, tranquillement et avec brio. Dès qu'il aborde concrètement la question de l'avortement, on perçoit bien le fond idéologique. Dans notre pays, nous avons une extrême droite qui, sur des questions culturelles, a une opinion, que ce soit sur le danger que pourrait représenter l'immigration, sur les questions liées aux religions, y compris sur le rapport de la religion catholique à la laïcité, sur la conception même de ce qu'est la culture et l'histoire de France.

Sur cette question de la chaîne d'opinion, Laurent Lafon partageait mon point de vue. Si toutes les nuances politiques du pays avaient une chaîne d'information, le tollé serait général. Serions-nous favorables à donner une chaîne à une gauche radicale, à une gauche non radicale, au courant écologiste, où tous feraient valoir leur fondement politique et idéologique ? Nous sommes dans le faux-semblant. Tout le monde sait que dans ce groupe, Europe 1, I-Télé, Journal du Dimanche, dès qu'un média passe sous la coupe de Vincent Bolloré, il prend une connotation repérable dans le champ du débat politique. Elle est nette et dépasse la question du pluralisme sur ces chaînes.

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