Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 16h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Je suis ravie de me présenter devant votre commission ; j'ai la certitude que nous pourrons, ensemble, améliorer le système éducatif de notre pays et rendre concrète la promesse selon laquelle l'école est la fabrique des possibles.

Environ six semaines après mon arrivée rue de Grenelle, quatre axes majeurs orientent mon travail – à ce stade, ce ne sont bien sûr que de grandes directions. Le premier, c'est la réussite des élèves, pour laquelle il faut tout mettre en œuvre afin de redonner à l'école son rôle d'ascenseur social – je n'ignore pas les contestations dont ce terme fait parfois l'objet, mais c'est à mes yeux une notion pertinente. Le deuxième, c'est l'accompagnement de nos professeurs et des personnels de l'éducation, dont le travail quotidien doit être salué et reconnu. Le troisième, c'est le refus de toute ségrégation au sein de l'école. Le quatrième, c'est la promotion d'une école de l'avenir, qui permette à tous nos élèves de s'adapter aux situations diverses qu'ils rencontreront à l'âge adulte.

Le Président de la République, le Premier ministre et moi-même considérons la réussite des élèves comme une priorité – comme, j'en suis sûre, chacun d'entre vous. Les mesures contenues dans le plan d'ensemble autour de la maîtrise des savoirs fondamentaux et du choc des savoirs s'appliqueront à partir de la rentrée prochaine. Vous avez fait allusion aux groupes de besoins, en français et en mathématiques, en sixième et en cinquième : il s'agit de travailler en groupe, avec une pédagogie différenciée, sur des séquences pédagogiques que les professeurs auront à construire ensemble. Nous donnerons ainsi les meilleures chances à tous les élèves, en fonction de leurs besoins. Cela représente évidemment un travail très important pour les équipes pédagogiques. J'ai eu l'occasion de dire que je ne souhaitais pas d'assignation de tel ou tel élève à un statut particulier au sein du collègue : des temps de brassage permettront en conséquence de recomposer ces groupes en fonction des séquences pédagogiques abordées. Je souhaite que cette mesure soit applicable au plus près du terrain et des spécificités pédagogiques de chaque établissement.

Je n'ignore pas l'importance de la question des remplacements. Les moyens en faveur de la suppléance et du remplacement ont augmenté ces dernières années. Pour les remplacements longs, le taux d'efficacité est maintenant de 94,5 % – ce sont évidemment les 5 % restants que les familles relèvent, de façon tout à fait justifiée, et nous devons progresser encore. Pour les remplacements courts, le travail conduit sur la base du pacte enseignant, auquel un nombre important de nos professeurs ont adhéré, a permis d'améliorer significativement la situation, sans que nous soyons au bout de nos efforts ou de nos possibilités.

Le travail sur l'orientation, c'est-à-dire sur un accompagnement de l'élève tout au long de son parcours scolaire, méritera également toute mon attention.

Le deuxième axe porte sur l'accompagnement des personnels. En effet, sans enseignants, sans personnels de la communauté éducative dans son ensemble motivés et désireux d'exercer leur mission, nos élèves ne sauraient vraiment réussir. Nous ne pouvons pas nier l'existence d'une certaine désaffection vis-à-vis du métier d'enseignant ; c'est un point sur lequel j'ai déjà eu l'occasion d'échanger avec les organisations syndicales, que j'ai rencontrées dès mon arrivée rue de Grenelle.

Il faut rappeler les avancées importantes accomplies grâce à la majorité au cours de ces dernières années : entre 2020 et 2024, 7,7 milliards d'euros ont été investis pour revaloriser les personnels du ministère. Cet effort colossal a permis d'améliorer l'entrée dans la carrière des professeurs, des conseillers principaux d'éducation (CPE) ou encore des psychologues de l'éducation nationale, qui commencent désormais leur carrière à plus de 2 000 euros net par mois.

Nous agissons aussi en faveur des personnels non enseignants : accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), personnels de santé scolaire et assistants sociaux. Ainsi, l'indemnité liée aux fonctions, aux sujétions et à l'expertise (IFSE) a progressé entre 2020 et 2022 d'environ 3 500 euros par an pour les assistants de service social. Nous avons recruté de nombreux AESH pour faciliter l'intégration des enfants en situation de handicap : plus de 400 000 de ces enfants sont accueillis, grâce à près de 140 000 AESH.

Au-delà des questions de rémunération, nous travaillons aussi à une réforme de la formation initiale des enseignants, afin d'accroître l'attractivité de la profession grâce à des filières spécifiques et des concours repensés. Nous espérons ainsi que les étudiants seront plus nombreux à se diriger vers les métiers de l'enseignement. Nous avons également lancé une réflexion sur la formation continue, levier indispensable pour renforcer l'efficacité de nos personnels et enrichir leurs parcours professionnels.

La sécurité est au cœur de nos préoccupations. Je viens de recevoir, avec le Premier ministre, le proviseur du lycée Maurice-Ravel où une élève de BTS a refusé d'ôter son voile – c'est ce qui est à l'origine de mon retard, pour lequel je vous présente mes excuses. J'ai réaffirmé, avec l'ensemble des services académiques, le caractère essentiel du respect de la laïcité : c'est le fondement de la République, c'est le fondement de notre école, c'est notre socle commun et nous devons absolument faire respecter ce principe.

Je retiens que l'école est de plus en plus le réceptacle des violences de notre société, et que nous devons tout faire pour la protéger. Mais je retiens aussi que lorsque nos personnels disposent d'une certaine sécurité matérielle et d'une formation qui leur permet de réagir dans des situations de crise ou d'urgence, nous pouvons éviter des drames : c'est ce qui s'est passé à Chenôve, où je me suis rendue après qu'une principale a été agressée par un jeune armé d'un couteau. Nous allons tout faire pour progresser sur ces points. Le Premier ministre m'a demandé, ainsi qu'à mes collègues Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti, de recevoir les préfets, les recteurs et les procureurs généraux afin de sécuriser mieux encore les établissements, territoire par territoire.

La sécurité, c'est aussi la nécessité d'être exigeants et clairs sur le respect de l'ensemble des principes républicains. Je ne reviens pas sur la laïcité, sauf pour préciser que nous avons déployé des équipes académiques Valeurs de la République qui accompagnent les professeurs et les établissements, et sont immédiatement disponibles. Tous nos futurs chefs d'établissement et CPE reçoivent des formations spécifiques.

Je continuerai également à lutter avec fermeté contre le harcèlement. C'est le thème que j'ai choisi pour mon premier déplacement, à Reims. Les dispositifs de prévention et de traitement font leurs preuves, notamment le numéro de téléphone dédié, le 3018, qui est tout à fait efficace. Je ne peux que m'en féliciter. Je le dis clairement ici : le « pas de vagues », c'est terminé. Nous n'en voulons plus dans l'éducation nationale.

Le troisième axe de mon action portera sur le refus de la ségrégation scolaire. Ce sont des grands mots, mais c'est crucial : je souhaite que nous confortions l'accès de tous à l'école, quelle que soit la situation de chacun, quel que soit le territoire concerné. C'est l'objet de la politique Une école pour tous, que je n'ai pas le temps de détailler ici. Des directions ont été fixées par le Président de la République à l'occasion de la Conférence nationale du handicap qui s'est tenue en avril 2023. Nous agissons en ce sens depuis 2017. C'est un défi majeur pour notre école et je serai très mobilisée. C'est aussi un sujet interministériel : je devrai travailler avec mes collègues chargés de la santé comme du handicap. Je les ai rencontrés afin que nous puissions donner corps à l'idée d'école inclusive, au-delà de tous les efforts déjà consentis. Je me suis rendue vendredi dernier dans une école du Plessis-Robinson qui accueille une Ulis – unité localisée pour l'inclusion scolaire : j'y ai rencontré des enseignants très motivés, très investis dans la prise en charge de ces élèves en situation de handicap. Les résultats sont tout à fait probants et c'est ce que nous devons accomplir dans l'ensemble de nos établissements.

Sur la présence de l'école dans les territoires, nous travaillons selon deux axes. S'agissant de la ruralité, les chiffres montrent que nous lui consacrons beaucoup plus de postes que la démographie, en baisse, ne l'exigerait. Mais ce n'est pas une question mécanique : nous devons donner aux élus et à nos écoles une visibilité sur trois ans au moins, comme la Première ministre Élisabeth Borne s'y était engagée dans le plan pour la ruralité.

Nous allons également travailler, comme l'exige la lettre de mission que le Premier ministre m'a adressée, sur la question des REP – réseaux d'éducation prioritaire – et de l'éventuelle évolution de leur cartographie.

Je souhaite également travailler sur l'offre scolaire, notamment dans la ruralité. Il faut éviter une autocensure des jeunes, qui opéreraient des choix d'orientation par défaut.

Je souhaite conduire une véritable politique de mixité scolaire en prolongeant les réflexions déjà menées sur les questions d'affectation et de sectorisation, comme sur tous les dispositifs qui nous permettront de concrétiser cette volonté politique. Je connais la difficulté de ce dossier, c'est pourquoi je reste très prudente, mais je m'y attacherai.

Le quatrième axe, c'est celui de l'école de demain – mots qui peuvent sonner comme un slogan, mais qui signifient que nous voulons travailler sur le bien-être des enfants comme des personnels de l'éducation nationale pour garantir les meilleures conditions de transmission des savoirs. Cela peut concerner des choses très matérielles, comme les petits-déjeuners gratuits qui ont profité à près de 250 000 élèves par an, les repas à 1 euro ou encore les aides aux devoirs, qui ont bénéficié à un tiers des collégiens en 2022. Nous sommes également en lien étroit avec les collectivités territoriales. J'ai récemment reçu des présidents de conseils départementaux – en l'occurrence, celui de Seine-Saint-Denis – et de régions, pour travailler sur l'amélioration du bâti scolaire. Nous devons offrir aux élèves des écoles rénovées, confortables et respectueuses de l'environnement. Nous devons sur ce point progresser dans le dialogue avec les associations d'élus.

Dans cette optique de l'école de demain, je souhaite aussi travailler sur les évaluations. Elles influent sur la pratique de l'enseignement comme sur le ressenti des différents acteurs. Elles permettent aux enseignants de comprendre les évolutions des élèves. Mais il faut en avoir un usage adapté.

Je souhaite également travailler sur l'orientation et l'adaptation à des changements professionnels qui seront inévitables pour les élèves d'aujourd'hui. Il faut donc tenir compte des comportements psycho-sociologiques ainsi que des enjeux environnementaux et numériques.

Dans ce cadre, je me félicite du succès du Conseil national de la refondation (CNR), qui, au sein de l'école, est une méthode de dialogue engagée par le Président de la République et qui permet aux acteurs concernés, au plus près des territoires et des écoles, de proposer des solutions concrètes sur les transformations à venir. C'est un travail en profondeur qui laisse aux initiatives pédagogiques locales, auxquelles je suis très attachée, la possibilité de se déployer et ainsi de renforcer les liens entre l'institution scolaire, les parents, les associations et les autres acteurs de la société civile. Cela peut permettre, par exemple, de refondre le projet d'établissement et d'apporter des soutiens précieux à des projets pédagogiques qui, tous, doivent viser la réussite de nos élèves. Je souhaite donc intensifier ce travail.

Voilà, rapidement dressé, le tableau de mon ambition pour l'école : il s'agit de faire réussir tous nos élèves, autour de professeurs considérés, engagés, respectés. C'est ce qui fonde notre pacte républicain. Ce que je voudrais pour chacun de nos élèves, c'est que l'école change sa vie.

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