Intervention de Marina Ferrari

Séance en hémicycle du mercredi 10 avril 2024 à 14h00
Sécuriser et réguler l'espace numérique — Présentation

Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique :

Tout à fait ! Le renforcement de notre arsenal judiciaire permettra aux magistrats de prononcer désormais une peine de bannissement numérique, en cas de condamnation pour haine en ligne, cyberharcèlement ou pour d'autres infractions graves.

Avec ce projet de loi, nous offrirons aussi à nos enfants un espace numérique beaucoup plus sûr. II y a quelques mois, un rapport sénatorial nous dévoilait « l'enfer du décor » de certaines pratiques de l'industrie pornographique et nous alertait sur la nécessité absolue de renforcer notre cadre législatif face aux sites pour adultes qui exposent les mineurs à des contenus pornographiques en ne vérifiant pas sérieusement l'âge de leurs visiteurs. Ce projet de loi est une réponse directe et concrète à ces abus. Demain – j'insiste sur ce point – les sites pornographiques qui persisteront à violer la loi, en refusant de mettre en place un vérificateur d'âge fiable et sans fichage, seront sanctionnés par un blocage et un déréférencement, ou par une amende qui pourra s'élever à 4 % de leur chiffre d'affaires mondial, voire 6 % en cas de récidive. Force doit rester à la loi et force restera à la loi, si vous adoptez ce texte. De plus, une formation renforcée jusque dans l'enseignement supérieur aidera nos jeunes concitoyens à mieux maîtriser leurs usages et à mieux appréhender les risques de l'espace numérique.

Le projet de loi Sren aidera les collectivités et les entreprises, trop souvent prisonnières des pratiques commerciales déloyales de la part d'une poignée d'acteurs qui dominent le marché du cloud et abusent de leur position dominante. Les fournisseurs de cloud ne pourront désormais octroyer de crédits cloud que pour une durée limitée et ne pourront plus imposer à leurs clients des frais de transfert de données. Ils devront, en outre, assurer les conditions de portabilité de leurs services avec des offres tierces. Les entreprises utilisatrices migreront ainsi plus facilement leurs données sur des offres plus compétitives et plus diversifiées. Je tiens ici à remercier la députée Anne Le Hénanff pour son travail constructif et exigeant, visant à réduire la dépendance de nos entreprises aux fournisseurs de cloud et à protéger les acteurs français, mais aussi leurs données.

Grâce à ce projet de loi et aux apports de l'examen parlementaire, nous protégerons mieux les données de santé de nos concitoyens et les données sensibles de l'État et de ses opérateurs contre tout risque d'ingérence. En vertu de l'article 10 bis A du texte, par symétrie avec la circulaire « cloud au centre », les administrations et opérateurs de l'État devront en effet héberger leurs données sensibles sur des solutions souveraines, certifiées SecNumCloud. La plateforme des données de santé – le Health Data Hub (HDH) – a été intégrée au champ de cet article, lors des travaux de la CMP.

Le Gouvernement s'attache à ne pas entretenir de confusion entre les certifications nationales relatives à la protection des données hébergées dans des services cloud, notamment entre le référentiel hébergeur de données de santé (HDS) et le référentiel SecNumCloud, qui poursuivent chacun des finalités spécifiques et légitimes qu'il serait hasardeux de vouloir mélanger. Je prends néanmoins acte de l'intégration du HDH au sein de l'article 10 bis A et de la conséquence logique de cette intégration : son basculement, à terme, vers une offre de cloud labellisée SecNumCloud. Le Gouvernement en avait pris l'engagement et a commandé plusieurs études techniques très concrètes pour le rendre opérationnel et permettre aux acteurs de préparer les futurs appels d'offre.

En complément, nous poursuivons une stratégie nationale ambitieuse pour le cloud, visant à accompagner les entreprises vers la qualification SecNumCloud et à accroître la diversité et les performances de leurs offres. Je compte particulièrement sur le dernier appel à projets de cette stratégie, que j'ai dévoilé le 22 mars dernier à Strasbourg, pour nous faire franchir une étape supplémentaire vers la disponibilité suffisante en offres SecNumCloud qui intègrent des briques logicielles de dernière génération, notamment en matière de plateforme de gestion de données, d'analyse de données et d'intelligence artificielle.

Enfin, grâce à ce projet de loi et à l'action résolue de la majorité, nous prouvons de nouveau que notre pays sait être aux avant-postes des questions de régulation et qu'il sait créer des régimes équilibrés, ambitieux et protecteurs pour accompagner le développement des technologies émergentes. Je pense bien sûr à la création d'un cadre expérimental pour les jeux à objets numériques monétisables, les fameux Jonum. Ce nouveau type de jeux vidéo repose sur les technologies Web3, qui génèrent de fortes opportunités de développement dans ce secteur où notre pays est très bien positionné. Cependant, notre législation n'était pas adaptée à ces nouveaux jeux, qui empruntent des caractéristiques tant aux jeux de loisirs – le gaming – qu'aux jeux d'argent – le gambling –, et remettent en question la pertinence des catégories actuelles ainsi que la sécurité juridique offerte aux acteurs du secteur. Le régime expérimental prévu par ce texte, auquel Paul Midy, en tant que rapporteur général du texte, puis rapporteur de la CMP, et Denis Masséglia en tant que rapporteur spécial ont beaucoup œuvré, permettra un développement encadré de ces offres innovantes, tout en donnant à l'Autorité nationale des jeux (ANJ) les moyens de mieux les identifier et les superviser, et de protéger nos concitoyens contre les risques qu'ils présentent.

Avec ce texte, nous vous proposons donc de reprendre le contrôle sur l'intégralité de notre espace numérique. Nous vous proposons de rappeler à leurs obligations et à leurs responsabilités les géants du numérique. Nous vous proposons de ne plus laisser seules les victimes de leurs dérives ou de harcèlement en ligne, ni laisser impunis ceux qui les utilisent pour violer nos lois et notre contrat social. Nous vous proposons, dans un monde percuté par les crises, de nous donner les moyens de bâtir une vraie souveraineté numérique à la française. Nous vous proposons, tout simplement, d'affirmer un principe simple : dans l'espace numérique, la loi s'applique à tous. J'espère que vous utiliserez le bon bouton !

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