Intervention de Bruno Cabrol

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 15h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Bruno Cabrol, membre de la Confédération paysanne du Tarn :

Je suis en contact avec Atosca, c'est-à-dire avec NGE, du fait de la procédure d'expropriation. Dans ces moments de négociation, si on est tout seul, on va au clash ou plutôt on se fait avoir car même si nous sommes dans nos droits, il est difficile d'obtenir quoi que ce soit, et mieux vaut être accompagné par un expert foncier.

Je vois des gens du chantier, mais ils font du BTP et moi de l'agronomie, et nous ne parlons pas toujours le même langage. Ainsi, à la suite d'une erreur de tracé, ils avaient creusé des fosses archéologiques dans mon champ. Je leur ai donc demandé de réparer ce dommage en y mettant de la terre végétale. La terre de mes champs, où j'avais piégé du carbone, contenait 3 % à 4 % de matière organique, mais parce qu'il fallait faire très vite, elle avait été déplacée dans des conditions très humides, en janvier, et la matière organique que j'avais mis des dizaines d'années à piéger est partie en quelques mois sous forme de CO2 ou, pire, à en juger par la puanteur de la terre, en méthane. En termes de gaz à effet de serre, il n'est pas très bon de manipuler de la terre en zones humides dans des conditions difficiles.

Quant à la temporalité des compensations écologiques, je ne peux pas parler de celles qui me concernent, mais à côté de chez moi, tout va bien sur le papier – les réunions et la consultation de l'Office français de la biodiversité ont eu lieu – mais la question se pose toujours de savoir quand intervenir en fonction de la météo. Quand on broie un taillis dans des conditions très humides, avec de gros engins de 15 tonnes, on dégrade le terrain en le tassant. N'importe quel agriculteur vous dira que c'est irréel. La taille a eu lieu en novembre et, parvenus désormais au printemps, on ne voit ni fleurs ni plantes : ce qui est censé être une compensation écologique n'est qu'un terrain artificiel, avec de la terre nue. Cette année, les oiseaux et les chauves-souris iront voir ailleurs et j'ignore s'il y aura quelque chose au printemps prochain.

J'ai parlé d'enclavement car, pour pratiquer une agriculture écologique visant la création d'écosystèmes dans cette zone périurbaine – pour ma part, je pratique les pâtures en prairie – on a besoin d'une ferme regroupée. Pour nous préparer à cette urbanisation galopante, nous avons voulu voir loin en plantant 3 000 arbres, afin de créer un écosystème et de préparer le futur, mais nous constatons que cela ne suffit pas pour préserver les terres face à l'urbanisation. Nous essayons par tous les moyens de préserver ce que nous mettons quinze ou vingt ans à construire mais, face à un projet de maisons ou de zone industrielle, c'est absolument impossible. Que nous ayons des tritons, des chauves-souris, des espèces de plantes protégées ou des zones humides, rien ne peut nous protéger.

Quant au remembrement, il n'est tenu aucun compte des écosystèmes que nous nous efforçons de constituer, et un hectare que nous avons regroupé sur notre site n'équivaut pas, même si la terre y est meilleure, à un hectare situé à deux kilomètres plus loin. Il est aujourd'hui plutôt rare de trouver dans la campagne des haies, des mares et des écosystèmes.

S'agissant de l'eau, le volume de 120 000 mètres cubes demandé me semble très minimisé. Sans compter celle qui est utilisée dans les centrales pour fabriquer le béton, l'eau est employée dans les remblais pour la chaux, et pour éviter la poussière ou la boue en hiver. Si le problème ne se pose guère en hiver, la consommation est importante pour retenir la poussière. En 2022, où il a fait sec pendant six mois, du 1er mai au mois d'octobre, avec des interdictions de pompage agricole, la consommation d'eau a été très largement supérieure à 120 000 mètres cubes. À titre de comparaison, nous apportons, pour l'irrigation des plantes, 5 millimètres par jour, et il en faut beaucoup plus pour protéger un chemin de terre de la poussière par vent d'autan et par 31 degrés en octobre.

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