Intervention de Caroline Parmentier

Réunion du mardi 9 avril 2024 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Parmentier :

Le 14 mars dernier, la délégation aux droits des enfants, dont je suis membre, a auditionné l'actrice Judith Godrèche qui a porté plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour viol sur mineure. Elle avait 14 ans au moment des faits. Judith Godrèche a été directement victime de la « familia grande » du cinéma – et bien au-delà –, qui s'est protégée et continue de le faire.

Avec les réalisateurs qu'elle a dénoncés, Judith Godrèche a probablement vécu la pire époque, celle issue du libertarisme post-soixante-huitard, lorsque l'on ne souffrait aucune barrière ni interdit – très bien décrite précisément dans le livre La familia grande de Camille Kouchner. C'est aussi l'époque, dans les années 1970, où l'on pétitionnait en une de Libération pour défendre des pédophiles poursuivis par la justice ou dans Le Monde, en 1977, pour défendre les relations sexuelles entre les adultes et les enfants.

C'est un extrait d'un documentaire très complaisant sur Benoît Jacquot, réalisé par Gérard Miller – aujourd'hui mis en cause par plus de cinquante femmes pour violences sexuelles –, qui a décidé Judith Godrèche à prendre la parole. Le cinéma va-t-il devoir déboulonner ses propres films cultes, ses propres monuments, ses héros et ses « psy » fétiches ?

Judith Godrèche nous a clairement alertés lors de son audition sur les risques que continuent à courir les mineurs au sein de l'industrie du cinéma, à la fois dans le cadre des castings mais aussi sur les plateaux et lors des tournages. Selon elle, il n'y a actuellement aucune protection ni garde-fou pour protéger les mineurs qui se présentent pour un rôle et qui peuvent être le jouet d'un véritable système de prédation. Elle a évoqué devant notre délégation des abus psychiques, psychologiques et physiques.

Lorsque l'on demande à une actrice ou à un acteur en herbe de raconter sa vie sexuelle, de livrer son intimité à un jury d'observateurs, c'est déjà un abus caractérisé. La protection des enfants qui évoluent dans le milieu artistique ne peut pas et ne doit pas échapper à la loi.

Si je salue la demande de création d'une commission d'enquête, j'appelle votre attention, chers collègues, sur son périmètre. Une commission d'enquête consacrée à la situation des mineurs dans les industries du cinéma, du spectacle vivant et de la mode me paraît trop large. Sa mise en chantier ne doit pas rester un vœu pieux. Je préfère que l'on conserve l'axe spécifique des violences sexuelles commises dans l'industrie du cinéma. J'ai déposé avec mes collègues du Rassemblement national une proposition de résolution en ce sens, qui est ouverte à la cosignature de l'ensemble des députés. Je souligne au passage le fait que nous avons été écartés de la cosignature de la présente proposition de résolution, d'une manière particulièrement minable alors que nous avons auditionné ensemble Judith Godrèche, au sein de la délégation aux droits des enfants. Cette cuisine de basse politique de votre parti, qui refuse d'associer le premier groupe d'opposition de l'Assemblée nationale alors que nous avons déposé une proposition de résolution similaire, n'est pas à la hauteur du sujet qui nous occupe aujourd'hui. Vous n'êtes pas à la hauteur de ce que les victimes attendent du Parlement.

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