Intervention de Danielle Simonnet

Réunion du mercredi 3 avril 2024 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Simonnet :

Monsieur le ministre des expulsions et du mal-logement, vous êtes aussi le ministre de l'aggravation de la crise du logement. Dans ce domaine, vous battez d'ores et déjà tous les records. En 2023, 21 500 ménages ont été expulsés par recours à la force publique. Ce nombre a augmenté de 23 % en un an, doublé en dix ans et presque triplé en vingt ans ; on sait par ailleurs qu'il est sous-estimé, et on attend encore le bilan de votre loi qui a facilité les expulsions et criminalisé les locataires et victimes de la crise du logement.

Ces dizaines de milliers de ménages expulsés vont rejoindre les 330 000 sans-abri que compte déjà notre pays. Ils vont rejoindre les 93 000 ménages prioritaires au titre du droit au logement opposable (Dalo) en attente du logement digne que l'État, hors-la-loi, est pourtant tenu de leur accorder. Ils vont rejoindre les 2,6 millions de demandeurs en attente d'un logement social. À Paris, des familles avec des enfants de 3 ou 4 mois ont dormi la nuit dernière sur le parvis de l'Hôtel de ville. Je salue l'ensemble des solidarités associatives et citoyennes, les associations comme Utopia 56, les parents d'élèves et enseignants du collectif Jamais sans toit et tant d'autres, qui cherchent à pallier votre incurie.

Aux expulsions pour impayés, aggravées par deux années consécutives de hausses des loyers, s'ajoutent les expulsions illégales pour congé opérées par des propriétaires qui veulent rentabiliser leurs biens immobiliers en profitant des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) pour les mettre en location touristique sur Airbnb. Aberration supplémentaire : des travailleurs essentiels aux JOP sont menacés d'expulsion pour laisser place aux touristes venus pour les Jeux.

Face à tout cela, que faites-vous ? Rien, et même pire que rien : votre feuille de route consiste à casser la loi SRU en intégrant dans les objectifs de logements sociaux les logements intermédiaires, dont les planchers de revenus sont pourtant bien plus hauts que ce que touchent les 2,6 millions de demandeurs de logement social. Les maires qui enfreignent la loi SRU pourront facilement continuer à ne pas faire de logement social, mais les locataires qui n'arrivent pas à payer leur loyer et les victimes du mal-logement sont expulsées et criminalisées. Forts avec les faibles et faibles avec les forts, vous prévoyez aussi de vous attaquer au « tabou des APL » que le gouvernement précédent a déjà ponctionnées. En matière de lutte contre la vétusté, vous faites pire que rien en diminuant de 1 milliard les crédits destinés à MaPrimeRénov' en 2024.

Pendant ce temps, le marché locatif privé est à l'arrêt. À Paris, on compte 270 000 logements vides et résidences secondaires. Qu'attendez-vous pour les taxer davantage et appliquer la loi de réquisition ? Il faut remettre des logements sur le marché.

Il faudrait 200 000 logements sociaux par an. La Fondation Abbé Pierre évalue les besoins à 400 000 logements, tout compris, par an, et vous nous en annoncez 30 000 pour les trois prochaines années ! De quel montant d'aides à la pierre les collectivités pourront-elles bénéficier ? Faire prévaloir le droit au logement devrait être la priorité absolue. Il est urgent d'investir massivement dans le logement social, d'interdire les expulsions sans relogement et les congés pour vente ou relocation frauduleuse via Airbnb, d'encadrer strictement les loyers à la baisse dans les zones tendues, de s'atteler enfin à l'encadrement des prix du foncier, de renforcer la loi SRU, d'imposer une trêve olympique pour les expulsions – bref, de faire appliquer le droit au logement et non le droit de spéculer sur le logement et d'expulser sans trêve ni règles.

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