Intervention de Guillaume Kasbarian

Réunion du mercredi 3 avril 2024 à 17h00
Commission des affaires économiques

Guillaume Kasbarian, ministre délégué :

Premier sujet : la location touristique, évoquée par M. Girardin sous l'angle du rééquilibrage nécessaire des règles en matière de DPE. La proposition de loi d'Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif va dans ce sens. Ce texte, que j'ai cosigné et qui a déjà été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, contient trois éléments importants : l'extension de l'obligation de réaliser des travaux de rénovation aux locations touristiques ; le rééquilibrage des mesures fiscales, jusqu'alors plus favorables aux locations touristiques, ce qui est anormal ; et le plus large accès des maires aux outils de régulation des meublés touristiques. J'ai bon espoir qu'il soit bien reçu fin mai au Sénat, où il est attendu par tous les groupes – il y a d'ailleurs fait l'objet d'une question au Gouvernement de la part du groupe Les Républicains.

S'agissant des congés frauduleux, Madame Battistel, j'ai bien lu la proposition de loi de M. Inaki Echaniz. Avant d'envisager une nouvelle législation, je voudrais rappeler les règles existantes. Un propriétaire ne peut rompre le bail d'un logement pour n'importe quel motif, il doit se fonder sur l'une des trois raisons légitimes suivantes : il veut en faire sa résidence principale ou celle de l'un de ses proches ; il veut le vendre ; il veut y entreprendre des travaux d'ampleur. J'invite chacun à veiller au respect de la loi. Les propriétaires doivent respecter les clauses du bail et ne pas le résilier pour n'importe quel motif. Les locataires doivent faire valoir leurs droits – l'Agence nationale pour l'information sur le logement est à leur disposition pour leur fournir toutes les informations nécessaires. S'ils supputent une résiliation abusive du bail, qu'ils fassent valoir leurs droits en justice – nous avons sans doute les baux les plus sécurisants au monde.

En ce qui concerne les expulsions, Monsieur Martinet, je ne défends ni les riches, ni les pauvres, mais le respect de la loi. Vous avez tendance à considérer qu'un propriétaire est forcément riche et qu'un locataire est forcément pauvre. La réalité est un peu plus complexe que cela. Une expulsion intervient après des mois, voire des années de procédure, au cours desquelles le juge prend d'ailleurs en compte les situations particulières et peut accorder jusqu'à douze mois de délai supplémentaire à une personne en situation d'impayés. Depuis l'adoption de la loi Kasbarian visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, les services de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions sont d'ailleurs saisis dès le premier impayé de loyer pour tenter de résoudre le problème.

En cas donc de jugement définitif d'expulsion, j'appelle au respect de la loi. Autant, en cas de rupture abusive de bail, le locataire doit faire valoir ses droits, autant, quand le juge ordonne une expulsion, il faut l'exécuter. Je connais nos divergences idéologiques sur le sujet, Monsieur Martinet, pour avoir déjà débattu avec vous des expulsions ainsi que du respect de la propriété privée et des décisions de justice.

Monsieur Marchive, le sujet du logement social prête effectivement parfois à des discours un peu hypocrites. On rappelle que 70 % des Français y sont éligibles et on conseille aux gens de déposer un dossier, mais en sachant pertinemment qu'il n'y a que 5 millions de logements sociaux – sur 33 millions de résidences principales – et que 2,6 millions de personnes font déjà la queue. Les commissions d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements (Caleol) organisent les files d'attente en fonction de priorités bien légitimes. Dans les publics prioritaires se trouvent en effet les personnes : en situation de handicap ; sortant d'un appartement de coordination thérapeutique ; mal logées ou défavorisées ; hébergées ou logées temporairement dans un établissement ou un logement de transition ; reprenant une activité après une période de chômage de longue durée ; exposées à des situations d'habitat indigne ; victimes de violences au sein d'un couple ; victimes de viols ou d'agressions sexuelles ; dans un parcours de sortie de prostitution ; victimes de l'une des infractions de traite des êtres humains ; qui ont à leur charge un enfant mineur ; dépourvues de logement ; menacées d'expulsion sans relogement ; concernées par les services de l'aide sociale à l'enfance. Et j'en passe !

Une fois que l'on a répondu à ces personnes dont on reconnaît bien volontiers l'urgence de la demande, combien de places reste-t-il pour la classe moyenne, pour des gens qui perçoivent un salaire médian, ou moyen, aux alentours de 2 000 euros mensuels ? Depuis des années, on leur a dit qu'ils étaient éligibles et qu'ils pouvaient déposer un dossier, qu'on leur répondrait un jour. Ce sont ces personnes qui viennent dans vos permanences dire qu'elles n'ont toujours rien obtenu et qu'elles doivent encore redéposer leur dossier. Voilà pourquoi nous voulons non seulement construire plus de logements sociaux, car nous en avons besoin, mais aussi construire des logements intermédiaires pour ces personnes des classes moyennes dont nous savons pertinemment qu'elles n'auront jamais accès au logement social.

La réforme de la loi SRU qui est envisagée correspond à cette volonté de construire à la fois plus de logements sociaux et plus de logements intermédiaires. Au passage je tiens à rassurer ceux qui s'inquiètent, à l'instar de Mmes Buffet, Sebaihi et Sabatini : il ne s'agit pas d'accorder un blanc-seing aux élus qui voudraient arrêter de construire des logements sociaux – nous maintenons nos objectifs en la matière –, mais d'autoriser les communes déficitaires en logements sociaux à intégrer des LLI dans le panel d'options à leur disposition, pour qu'elles construisent davantage. Au final, il y aura plus de LLI pour répondre aux demandes de la classe moyenne, et aussi plus de logement social puisque, comme je l'ai dit, plus de projets sortent de terre lorsqu'ils ont une part de LLI. C'est un beau produit qu'il faut encourager. Je n'oppose pas les logements entre eux. Puisque nous avons besoin de plus de logements, qu'ils soient sociaux, intermédiaires ou libres, l'objectif du projet de loi est d'accroître l'offre sous toutes ses formes.

Madame Sebaihi, je dénonce en effet cette expression de maires délinquants qui ignore tous les maires qui ont hérité d'une situation très dégradée dont ils ne sont pas responsables. Certains ont trouvé à leur élection des taux de logements sociaux de 3 ou 4 % dans leur commune ! Même s'ils font le maximum pour construire, ils peuvent se heurter à des contraintes qui rendent l'objectif difficile à atteindre. Nous ne donnons pas un blanc-seing aux maires – oui, il faut construire plus de logements et atteindre les objectifs du plan triennal – mais, de grâce, ayez un peu de mesure dans vos propos. Certains de ces maires sont de bonne volonté et voudraient construire davantage. Nous allons les encourager à le faire par la modification de la loi SRU. Les débats au Sénat puis à l'Assemblée nationale nous permettront d'aboutir au dispositif le plus efficace possible pour répondre aux attentes de nos concitoyens.

J'en viens à votre question sur la territorialisation de la production de logements, Monsieur Dumont, qui correspond à une double préoccupation : construire en fonction de besoins locaux et mener une politique de l'aménagement du territoire. C'est en effet Dunkerque que nous avons sélectionné comme Territoire engagé pour le logement. Cela étant, je suis à la disposition de l'EPCI (établissement public de coopération intercommunale), chargé de définir les besoins du territoire, pour réexaminer la situation. Nous pouvons discuter avec les élus locaux de la possibilité de mettre en place un accompagnement supplémentaire et de faire évoluer la zone retenue. Je vais suivre personnellement chacun des territoires engagés : je compte m'y déplacer et signer les conventions d'ici à la fin mai. Le but est de favoriser la production de logements et de répondre aux besoins des bassins de vie plus que de points précis du territoire. Dans votre cas, les besoins sont liés à la réindustralisation. Chez M. Jumel, ils le sont aux réacteurs de type EPR en construction à la centrale de Penly.

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