Intervention de Philippe Pradal

Réunion du mercredi 10 avril 2024 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Pradal :

Je salue le travail du rapporteur, qui se penche d'ailleurs sur cette question depuis l'examen de la loi d'orientation et de programmation de la justice 2022-2027. Il est heureux que l'Assemblée se saisisse de ce sujet, alors que le Sénat vient d'adopter une proposition de loi similaire du sénateur Horizons Louis Vogel.

L'adoption d'un dispositif de legal privilege nous semble indispensable pour protéger les entreprises françaises. Il ne s'agit en aucun cas de créer une nouvelle profession réglementée ou d'affaiblir le secret professionnel de l'avocat.

Les entreprises évoluent dans un monde économique international dans lequel les obligations de conformité sont de plus en plus importantes ; elles ont besoin pour leurs opérations quotidiennes d'un nombre croissant d'avis juridiques. La question de la confidentialité de ces avis et de leur protection vis-à-vis des tiers – concurrents comme autorités – est donc posée. Rappelons que la France est l'un des seuls pays européens au sein desquels les avis des juristes d'entreprise ne sont pas protégés, ce qui rend notre pays vulnérable face aux demandes d'information ou de pièces provenant de parties étrangères à la recherche d'informations confidentielles, ou d'autorités d'autres pays qui useraient de lois à portée extraterritoriale – je pense notamment aux États-Unis.

Les juristes d'entreprise sont dans une situation paradoxale : ils sont soumis au secret professionnel au même titre que les avocats, alors même que les avis qu'ils rédigent ne bénéficient pas de la même protection que ceux des avocats. Protéger leurs avis, c'est protéger les entreprises françaises, qui subissent une concurrence inégale, défavorable, je l'ai dit ; c'est par là renforcer l'attractivité économique du territoire français, à l'heure où les entreprises préfèrent recruter des directeurs juridiques non français, notamment des avocats américains ou britanniques, ou encore délocaliser tout ou partie de leurs directions juridiques afin qu'elles bénéficient de la protection offerte à l'étranger.

Il ne s'agit pas, je le redis, de concurrencer la profession d'avocat : la confidentialité des avis des juristes d'entreprise ne doit pas être confondue avec le secret professionnel des avocats, qui n'a pas le même objet et n'est pas soumis au même régime. La confidentialité n'est pas un secret absolu lié à la qualité de juriste d'entreprise, mais liée à un avis spécifique, identifié, traçable : elle n'est pas in personam mais in rem. Des conditions strictes sont prévues : le rédacteur de l'avis devra être identifié et remplir des conditions de qualification et de formation exigeantes ; le destinataire ne pourra être que le représentant de l'entreprise, son organe de direction, d'administration ou de surveillance, ou ceux de ses filiales ; une mention obligatoire devra être apposée sur le document concerné, et celui-ci fera l'objet d'un archivage spécifique dans les dossiers de l'entreprise.

Afin qu'aucune confusion ne soit possible, nous soutenons la suppression de la référence à une quelconque déontologie dans ce texte.

Certains ajustements votés au Sénat, notamment les dispositions transitoires applicables aux juristes actuels en matière de diplôme et de formation ou encore la clarification de la procédure de levée de la confidentialité, nous semblent pertinents ; nous espérons qu'ils seront intégrés à la présente proposition de loi.

Le groupe Horizons et apparentés votera cette proposition de loi, améliorée par les amendements de M. le rapporteur.

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