Intervention de Ludovic Haye

Réunion du jeudi 4 avril 2024 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Ludovic Haye, sénateur, rapporteur :

. – Les États-Unis sont le pays qui tient l'inventaire le plus à jour et ils ont de bons échanges avec la France et l'Europe. Si nous avons besoin d'information sur l'existence de tel ou tel satellite, nous l'obtenons bien plus facilement d'eux que d'autres pays. Une harmonisation est nécessaire, mais il est malaisé de demander à tous les pays de faire preuve d'une réelle transparence sur leur politique spatiale.

En matière de défense, l'encombrement de l'espace et la maîtrise des satellites, donc de l'inventaire, nous intéressent au premier chef. Il est nécessaire de connaître le nombre de satellites déjà envoyés, pour mieux analyser certains phénomènes d'approche. Il n'est pas rare qu'un satellite soit suivi à la trace durant quelques jours par un autre, pas toujours d'un pays ami, qui retrouve son orbite initiale une fois sa mission d'espionnage terminée.

Pour être capable d'observer, il faut disposer non seulement de radars et de moyens d'observation, mais aussi d'un inventaire. Si vous ne savez pas identifier, par son numéro de code, le pays qui est derrière un satellite en approche, cela perd tout intérêt. L'inventaire est indispensable non seulement pour mesurer les risques d'encombrement, mais aussi pour avoir la maîtrise des satellites déjà lancés et connaître le rôle de chacun d'entre eux.

Le premier jour de la guerre en Ukraine, le satellite KA-SAT a subi une cyberattaque après qu'il est apparu que l'armée ukrainienne en utilisait une partie pour obtenir des informations sur la mobilité des troupes. On l'attribue à la Russie qui, pour ce faire, a utilisé un serveur terrestre. Si, comme le disait Jean-Luc Fugit, ce qui se passe sur Terre se joue dans l'espace, c'est l'inverse pour les cyberattaques. Une attaque par déni de service a été menée sur ce satellite pour le saturer artificiellement et le rendre ainsi inopérant. On s'en est rendu compte quand 800 éoliennes allemandes commandées par le satellite sont tombées en panne en même temps. Une activité civile a fait les frais de l'activité militaire visée. On sait détruire un drone au moyen d'un rayon laser, mais on n'en est pas encore là dans l'espace.

Il est urgent d'intervenir, car il faut à la fois être capable de construire de nouveaux satellites et de gérer l'existant – ce qui est presque plus difficile pour les satellites ou les étages de fusées anciens qui, construits pour durer, tombent dans l'atmosphère sans se désintégrer totalement. Il faudrait pour ainsi dire faire du biodégradable, établir systématiquement pourquoi on envoie un satellite et quelle est sa durée de vie, afin qu'il puisse se désintégrer grâce à l'emploi de matériaux qui le permettent. Il faut, dès le départ, prévoir une construction vertueuse.

Compte tenu de l'envoi de 540 satellites en 2003, 900 en 2013 et 9 000 aujourd'hui, nous appelons l'attention sur l'urgence de légiférer sur l'origine, la nature et les modalités des lancements. Heureusement, comme le ministre des armées l'a redit récemment, nous avons de bons lanceurs en Europe. Mais, comme ils sont très coûteux, leur envoi est le plus possible mutualisé. Les États-Unis n'ont pas ce problème, car les géants du numérique envoient eux-mêmes des satellites sans avoir besoin de l'État. Heureusement qu'on ne peut pas encore en envoyer au rythme que l'on voudrait, car l'espace serait un vrai capharnaüm.

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