Intervention de Sabrina Sebaihi

Séance en hémicycle du vendredi 28 octobre 2022 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabrina Sebaihi :

Les territoires ultramarins sont des joyaux de la République, mais nos compatriotes ultramarins souffrent : pauvreté, pollution, chômage, services publics dégradés, jeunesse désespérée. Tous les maux qui incarnent les inégalités et les injustices y sont amplifiés. Je pourrais vous citer des chiffres : les 38 % du taux de chômage à Mayotte ; le record du taux de pauvreté, qui se monte à 50 % en Guyane ; le taux de décrochage scolaire, deux fois plus élevé qu'en métropole, ou les chiffres de la mortalité infantile, dont l'écart avec l'Hexagone est bouleversant.

Mais la langue des chiffres est si peu de chose au regard des vies abîmées par la misère, apeurées par les désordres du climat, maltraitées par le délabrement continu des mécanismes de solidarité et de protection républicaine qui fondent notre contrat social.

Je veux vous parler d'Olivia, qui témoignait sur le réseau social TikTok, il y a quelques mois. En faisant ses courses en Martinique dans un hypermarché qui affichait une comparaison avec les prix de l'Hexagone, elle constatait que, à chaque fois, le différentiel était de 100 % ! Depuis, la flambée des prix a rendu la vie encore plus chère, sans que les salaires suivent.

Je veux vous parler de Jade, qui témoignait sur Guadeloupe La Première de l'aide qu'elle apporte à sa mère avec son salaire d'apprentie : « J'essaie de faire de mon mieux pour ne pas que ma mère pleure. Tous les jours, c'est compliqué, mais on essaie quand même. » Sa mère, dans le même reportage, répondait : « On ne fait pas des enfants pour qu'ils subissent ça. »

Je veux vous parler d'Annaëlle, 28 ans, guadeloupéenne également, qui déclarait dans Slate : « J'ai passé mes concours dans le paramédical avec le CHU de Pointe-à-Pitre. J'ai eu 19,52 sur 20, et je n'ai pas eu de place. Ça m'a dégoûtée et je suis partie. »

Monsieur le ministre délégué, chers collègues, la République, c'est un territoire multiple, c'est une constitution et des lois, c'est une histoire et des symboles, mais surtout c'est, et cela doit être, une promesse : celle de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Cette devise est devenue un slogan creux dans le quotidien de tant de nos compatriotes, notamment et massivement dans les territoires ultramarins.

On n'est pas libre quand on a faim, quand on subit les pollutions et les maladies qu'elles engendrent. On n'est pas égaux quand on subit plus qu'ailleurs le poids des injustices et de l'inaction climatique. Il n'y a pas de fraternité possible quand le contrat social est disloqué par le recul des services publics et des solidarités.

Comment peut-on tenir la promesse républicaine quand l'eau courante manque pour la moitié des Polynésiennes et des Polynésiens, quand elle est contaminée au mercure en Guyane ou quand son prix s'élève à 5,40 euros le mètre cube en Martinique ?

Comment peut-on tenir la promesse républicaine lorsque la seule perspective pour les jeunes en Guyane, c'est d'être sur liste d'attente pour faire la mule ?

Comment peut-on tenir la promesse républicaine quand votre réponse à la jeunesse en quête de liberté et d'autonomie est un service militaire adapté ? Voilà une vision pour le moins paternaliste, ringarde et déconnectée.

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