Intervention de Alexandre Portier

Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Portier :

En cette année d'inflation historique, l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche est un mirage puisque, pour près de moitié, elle sert à compenser la hausse du point d'indice. C'est aussi un trompe l'œil, car la hausse annoncée de 4,37 % est inférieure à l'inflation prévue pour s'établir entre 5 et 6 %. En vérité, tout indique qu'à la fin de l'année 2023 l'Université française se sera appauvrie. Appauvrissement dû au coût de l'énergie qui pourrait être de quatre à cinq fois supérieur au coût constaté en 2022, ce qui a conduit le président de l'Université de Strasbourg, dès le 19 septembre, à décider de fermer ses portes durant deux semaines. Appauvrissement dû aussi au fait qu'aucune compensation du point d'indice n'est prévue pour la période qui court de juillet à décembre 2022, si bien qu'il reviendra aux universités d'assumer seules cette charge supplémentaire ; à ce sujet, pourriez-vous nous indiquer si, en 2023, les heures supplémentaires indexées sur le point d'indice seront elles aussi compensées ?

En matière de recherche, le service de communication du ministère annonce avoir « l'ambition de consolider et améliorer le positionnement de la production scientifique française ». Le problème est que vos chiffres contredisent vos discours : dans les « bleus budgétaires », tous les indicateurs montrent une chute progressive entre 2020 et 2025 de la part française de la production européenne et mondiale. Une chose est sûre, ces chiffres dénotent un manque d'ambition ; est-ce du réalisme ou du renoncement ?

S'agissant des conditions de vie étudiante, votre politique plurielle doit être saluée. Pour notre groupe, deux points sont d'importance majeure : le logement et l'alimentation des étudiants. Pour le logement, nous attendons que le ministère se projette dans une stratégie d'aménagement du territoire véritable ; je vous en avais parlé lors de votre visite à Lyon où nous avons inauguré des résidences étudiantes. L'enseignement supérieur doit consolider les pôles d'équilibre, c'est-à-dire la France des préfectures et des sous-préfectures. C'est un enjeu de qualité de vie pour nos étudiants et d'irrigation de nos territoires. Pour l'alimentation, nous sommes d'accord avec la poursuite des repas à 1 euro, mais il faut aussi faciliter le travail des étudiants. Á ce sujet, nous ne partageons pas l'avis selon lequel un étudiant qui travaille rate toujours ses études ; je peux vous assurer que qui paye soi-même une partie de ses études se bat davantage encore pour les réussir.

En matière de réussite étudiante, vous êtes peu prolixe sur l'insertion professionnelle ; c'est pourtant l'essentiel. L'enjeu n'est pas de diplômer plus mais d'insérer plus. Or, faute de réformer en profondeur le système d'orientation, des formations continuent d'accepter plus d'étudiants qu'elles ne le peuvent. C'était le cas, en 2021, de 1 331 formations, et cela se traduit par la dégradation de l'enseignement dispensé aux étudiants. Globalement, on assiste depuis dix ans à une chute dramatique du budget par étudiant. La dernière fois où il a augmenté, c'était sous la présidence de Nicolas Sarkozy – croyez-en Thomas Piketty. Pendant ce temps, l'enseignement supérieur privé voit ses effectifs augmenter de 10 %. Le dire n'est pas une critique mais un constat qui appelle des choix importants : que fait l'État pour contrôler la qualité du secteur privé lucratif, dont les pratiques sont plus ou moins sérieuses ? Que fera l'État pour soutenir le privé non lucratif qui mérite de l'être ?

Enfin, la faiblesse de l'effort consenti en faveur de la rénovation du patrimoine immobilier de l'enseignement supérieur et de la recherche, premier parc immobilier de l'État, est une grave déception.

Je ne saurais conclure sans souligner le décalage entre le budget présenté et la situation réelle de nos universités. La lecture du budget 2023 donne l'impression que l'enseignement supérieur et la recherche sont considérés comme une variable ajustée au gré de la crise énergétique et économique plutôt que d'être valorisés comme une clé de résolution fertile de cette crise, comme il se devrait. Nous le regrettons.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion