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François Ruffin
Question N° 10128 au Ministère de la santé


Question soumise le 18 juillet 2023

M. François Ruffin interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur son plan d'action pour désengorger les urgences. « Il y a un empilement de brancards, on est sur du Tetris » raconte Barbara Coué, ancienne infirmière du service des urgences de l'hôpital Lariboisière, à Paris, dans une enquête récente du magazine « Complément d'enquête » de France 2. C'est elle qui a découvert Micheline Myrtil inanimée lorsqu'elle a pris son service le 18 décembre 2018 à 6 heures du matin. L'ancienne infirmière en reste traumatisée. Car ce matin de décembre 2018, Micheline Myrtil est décédée à 55 ans dans la salle d'attente de son service. Cette patiente y était entrée la veille, souffrant de fièvre et de maux de tête. Elle serait ensuite restée « 5 heures sans prise en charge quelconque », selon le parquet de Paris, qui a demandé un procès pour homicide involontaire. Ainsi, M. le ministre, aujourd'hui, on meurt de la saturation des urgences, en France. Et M. le ministre le sait très bien, lui qui est l'ancien président du syndicat « Samu-Urgences de France ». À l'époque, M. le ministre avait lancé le « no bed challenge » pour dénoncer le nombre de patients attendant des jours entiers sur des brancards, faute de lits disponibles pour les prendre en charge. Aujourd'hui, Marc Noizet, le nouveau président de « Samu-Urgences de France », a carrément lancé un « no dead challenge » pour alerter sur le nombre de personnes qui décèdent aux urgences après « une attente prolongée et faute d'une surveillance rapprochée ou de soins appropriés ». En seulement deux mois, il a recensé 43 décès dans 22 départements. Si tous les départements étaient comptabilisés, ce chiffre serait plutôt à «100 ou 150, au minimum», estime Marc Noizet. Il ajoute : « Honnêtement, je pense que, si on avait l'exhaustivité, le chiffre ferait vraiment froid dans le dos ». Pendant ce temps, M. le ministre indique que la promesse d'Emmanuel Macron de « désengorger tous nos services d'urgence d'ici la fin de l'année prochaine (2024) » n'est pas « irréaliste, ni intenable ». On ne demande qu'à le croire. Mais quel est le plan de M. le ministre ? La dernière évaluation de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) a établi que les fermetures de lits n'ont pas cessé depuis la covid-19 : elles ont même accéléré ! Au cours de l'année 2021, environ 4 400 lits d'hospitalisation complète ont été supprimés, soit une baisse de -1,1 %, contre une baisse moyenne annuelle de -0,9 % entre 2013 et 2019. Dans ces conditions, on voit mal comment les services d'urgences vont réussir à trouver plus de lits « aval » pour éviter l'empilement des brancards. Jusqu'ici, la réponse de M. le ministre est de demander aux malades de moins venir aux urgences. « Avant d'aller aux urgences, il faut appeler le 15 » répéte M. le ministre à longueur d'antenne. Au-delà de l'appel au 15, il lui demande quelles sont les autres mesures de son plan d'action pour remplir la promesse du Président de la République.

Réponse émise le 12 décembre 2023

Les services d'urgences sont absolument essentiels au bon fonctionnement de notre système de santé. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour répondre aux difficultés réelles qui peuvent y être notées, et l'ont notamment été durant l'été. Les urgences ne fonctionnent de façon optimale que lorsque le parcours des patients est fluide. De cela découlent des questions sur le nombre de lits fermés par manque de personnel (avec d'importantes mesures d'attractivité prises pour y répondre), ou encore sur la sécurité des professionnels de santé, avec de nombreuses mesures annoncées par le Gouvernement. Plus largement, la mission flash sur les urgences et les soins non-programmés de l'été 2022 avait conduit à mettre à la disposition des territoires plusieurs dispositifs visant à maintenir la réponse aux urgences vitales et graves dans les établissements de santé et en pré-hospitalier. Ces mesures permettent de garantir l'accès à des soins de médecine d'urgence en 30 minutes, malgré une démographie médicale contrainte, sans s'arrêter aux seules possibilités de régulation à l'entrée et de fermeture temporaire. Il s'agit notamment de permettre : - le maintien d'une ligne de Service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) mutualisée avec les urgences en organisant parallèlement la continuité des soins au sein de l'établissement, notamment pour les établissements à faible activité. Lorsque le médecin urgentiste est mobilisé pour une intervention SMUR, la continuité des soins est assurée par un médecin de l'établissement dans le cadre d'une garde ou par rappel d'astreinte ; - le recours au dispositif des médecins correspondants du Service d'aide médicale urgente (SAMU). Lorsque ce dispositif est mis en œuvre, les médecins correspondants du SAMU, médecins de premier recours formés à la médecine d'urgence, interviennent en parallèle du déclenchement d'un SMUR sur demande de la régulation médicale du SAMU dans les territoires où le délai d'accès à des soins médicaux urgents est supérieur à 30 minutes ; - la possibilité pour le SAMU de solliciter l'intervention d'un équipage SMUR sans médecin. Cette modalité a été permise pour permettre une plus grande gradation de la prise en charge des soins d'urgence. L'équipe paramédicalisée d'intervention est alors sollicitée en fonction de l'état de santé du patient, à la demande et sous la supervision constante du médecin régulateur du SAMU. En parallèle, les services du ministère de la santé et de la prévention travaillent aux solutions de long terme à apporter à cette situation. En particulier, les travaux sur la réforme du droit des autorisations de médecine d'urgence se poursuivent pour apporter de manière pérenne de nouvelles possibilités d'organisations, adaptées à chaque territoire, tout en maintenant les exigences de qualité et de sécurité des soins. Ces travaux impliquent, depuis 2018, les représentants de la profession, pour garantir que les mesures seront pertinentes, adaptées, mises en œuvre rapidement, et donc efficaces. Le paysage des urgences continuera de se transformer dans les prochaines années, pour s'adapter aux besoins de la population.

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