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Jean-Philippe Nilor
Question N° 10431 au Ministère auprès du ministre de l’intérieur


Question soumise le 25 juillet 2023

M. Jean-Philippe Nilor alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer, sur les pressions sur le patrimoine foncier dans les territoires ultramarins. Outre la vie chère, le transport aérien inaccessible pour la majorité de la population, une justice souvent expéditive, etc., autant d'inégalités entretenues au fil des années par des politiques inadaptées mais répétées. Maintenant, on constate, dans les territoires, une pression spéculative paroxysmique, sur le patrimoine foncier, exercée par des agences immobilières, opérant en réseaux d'influence redoutable, encouragés par le silence complice des autorités et avec l'appui sans faille des banques locales. Les mêmes qui refusent les crédits aux compatriotes qui se portent acquéreurs. Ils font main basse sur le foncier en pratiquant un dumping immobilier agressif. Des biens sont mis en vente depuis l'Hexagone à des tarifs prohibitifs et en circuit fermé. Ils sont accaparés par ces prédateurs peu scrupuleux, Les prix flambent et les populations sont purement et simplement écartées de l'accès à la propriété. Selon l'Insee, en 2013, 55 % des Martiniquais sont propriétaires occupants de leur logement, contre 59 % en Guadeloupe et 58 % dans l'Hexagone. Alors qu'en 1999, ils étaient 58 %. 11 % des ménages sont accédants à la propriété contre 20 % dans l'Hexagone. La difficulté d'accès au crédit freine considérablement l'acquisition d'un bien immobilier. Seuls 43 % des propriétaires occupants ont acheté leur bien à crédit. En Guadeloupe, ils sont 49 % et dans l'Hexagone 79 %. La spéculation foncière actuelle vient accroître les risques déjà élevés de paupérisation et d'exclusion des compatriotes de leur pays, à cause d'inégalités majeures qui inhibent leur épanouissement, notamment : un parc immobilier atrophié et des habitats indignes ; des familles réduites à l'indivision pour avoir un toit, etc. En décalage avec les réalités locales, les mécanismes favorisant l'accès à la propriété stimulent les spéculations et accélèrent la perte du patrimoine foncier. Les populations d'outre-mer refusent d'être minoritaires sur leur sol ou de finir dans des réserves. Il lui demande s'il va renforcer enfin leurs droits à demeurer chez eux en stoppant ces pratiques scandaleuses qui les mettent à genoux et signent leur extinction comme d'autres peuples l'ont vécue, à une certaine époque de l'histoire de l'humanité.

Réponse émise le 5 décembre 2023

La pression foncière, dans l'ensemble des territoires ultramarins, est un obstacle auquel sont confrontés de nombreux projets de développement et d'aménagement. En dépit de cette conjoncture, l'Etat a mis en place plusieurs dispositifs visant à améliorer les conditions d'habitat et d'accès à la propriété. En 2022, plus de 35 millions d'euros ont ainsi été engagés en Martinique pour soutenir des opérations en faveur de l'habitat telles que la construction et rénovation de logements sociaux, mais également la résorption de l'habitat indigne ainsi que les aides à l'amélioration du parc privé et à l'accession à la propriété.  Inscrite au titre du plan logement outre-mer 2019-2023, la politique en faveur de l'accession sociale à la propriété s'est traduite par une refonte des aides de l'Etat pour aider les plus fragiles à devenir propriétaires et pour lutter contre le parc dégradé, indigne et vacant. Ainsi, l'arrêté du 27 mars 2023 relatif aux aides de l'État à l'amélioration et à l'acquisition-amélioration de l'habitat à vocation sociale dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution a révisé les régimes d'aide avec la création d'une aide à un taux de 50 % pour les propriétaires occupants « modestes » pour l'aide à l'amélioration de l'habitat (AH) et une révision des plafonds de subvention pour l'aide à l'acquisition-amélioration de l'habitat (AAH) qui permet de faire progresser le financement des opérations. Par ailleurs, afin d'encourager les propriétaires bailleurs les plus modestes à engager des travaux lourds de réhabilitation de logements dégradés, l'ANAH a augmenté en 2023 le taux maximal de subvention de l'Etat à 50% au lieu de 35% dans tous les DROM. Par conséquent, l'accompagnement financier des ménages "modestes"et"très modestes" a été significativement renforcé. De plus, les fonds de garantie à l'habitat social qui constituent une composante de la politique d'accession sociale et très sociale à la propriété ont été récemment revus. Institués en application de l'article 11 de l'arrêté du 29 avril 1997 relatif aux aides de l'Etat pour l'accession très sociale en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte, ces cinq fonds de garantie départementaux ont pour objet de garantir des prêts intervenant en complément d'aides à l'accession sociale ou très sociale à la propriété et à l'acquisition-amélioration des logements. Pris pour l'application de l'article 160 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, le décret n° 2022-1450 du 22 novembre 2022 vise à simplifier le dispositif de garantie des prêts à l'accession sociale à la propriété afin de rendre le financement bancaire plus accessible pour les particuliers. Enfin, conscient des désordres fonciers majeurs dont souffrent certains territoires d'outre-mer et qui empêchent les occupants de terrain de se voir reconnaître un titre de propriété légitime, le Gouvernement a décidé lors du comité interministériel des outre-mer du 18 juillet 2023 de prolonger jusqu'au 31 décembre 2038 la durée d'application de la loi du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie d'indivision successorale et de lancer une expertise visant à simplifier cette procédure. De nouveaux outils juridiques destinés à accélérer la résorption du désordre foncier seront également définis. Ainsi, afin de restaurer le droit de propriété et prendre en compte la réalité des situations individuelles, le délai de prescription pour devenir propriétaire sera ramené de 30 ans à 10 ans jusqu'en 2038.

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