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Mireille Clapot
Question N° 10719 au Ministère des ministère de l’Europe et des affaires étrangères


Question soumise le 1er août 2023

Mme Mireille Clapot appelle l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur des éclaircissements à apporter à la stratégie de diplomatie féministe de la France. Le Quai d'Orsay a mené, entre 2018 et 2022, une politique très ambitieuse en matière de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la participation de ces dernières à la vie publique. À titre d'exemple, en 2020 puis en 2022, le ministère communiquait sur l'engagement croissant des femmes dans notre corps diplomatique. C'est un succès qu'il faut saluer. Symbole du chemin parcouru, le Forum Génération Égalité, dont la France et le Mexique ont été à l'initiative en 2021, a lancé une dynamique qui s'est conclue par la « Génération Égalité », un programme d'action sur cinq années pour accélérer les progrès à l'échelle mondiale. La première stratégie de la diplomatie féministe de la France a débuté en 2018 et s'est clôturée en 2022. Elle n'a pas encore été prolongée, si ce n'est sur le volet concernant les droits et santé sexuels et reproductifs. Mme la députée souhaite savoir s'il faut comprendre que ceux-ci représentent désormais la priorité du Gouvernement ? Le ministère a-t-il prévu de publier un nouveau cadre global pour la diplomatie féministe de la France ces prochaines années ? Si tel est le cas, est-ce qu'il définira un cadre précis de la diplomatie féministe « à la française » ? Concernant les champs d'action du MEAE en matière de diplomatie féministe, le Haut-Commissariat à l'égalité (HCE) souligne, dans un rapport publié le 3 juillet 2023, que tous les aspects de la politique étrangère sont concernés mis à part les enjeux de sécurité. Est-ce qu'il est envisageable de les inclure ces prochaines années ? Par ailleurs, pour reprendre une des six coalitions d'action sur lesquels les pays du Forum Génération Égalité sont tombés d'accord : qu'a mis en place le Quai d'Orsay ou que prépare-t-il quant aux technologies et aux innovations comme leviers de l'égalité entre les femmes et les hommes, notamment sur les réseaux sociaux ? Enfin, selon les rapports d'ONU Femmes, le suivi de l'engagement des États semble faire quelque peu défaut. Seuls 60 % des engagements parmi ceux des pays qui ont accepté de faire suivre leurs progrès sont encourageants. La France a eu un rôle indéniable ces dernières années pour impulser une dynamique en faveur des droits des femmes et de l'égalité à l'échelle internationale. Mme la députée demande donc à Mme la ministre si elle avait pour ambition de remobiliser les partenaires engagés depuis 2021 dans cette dynamique et, si tel est le cas, de quelle manière. Ce manque de financement s'accompagne, selon le rapport du HCE une nouvelle fois, d'un portage politique insuffisant. Quel rôle pourraient occuper les parlementaires pour porter ces questions et ces valeurs autant dans le débat public que dans leurs relations avec leurs homologues à l'étranger ? Et comment l'administration pourrait-elle incarner cette doctrine ? Serait-il possible, par exemple, de nommer une ambassadrice pour la diplomatie féministe ? Elle souhaite avoir des réponses à ces questions.

Réponse émise le 20 février 2024

La troisième stratégie internationale de la France pour l'égalité entre les femmes et les hommes adoptée en 2018 est arrivée à échéance en 2022. La quatrième stratégie internationale de la France a été lancée au mois de juillet par la Ministre de l'Europe et des affaires étrangères et constitue un nouveau cadre stratégique pour la diplomatie féministe de la France portée depuis 2019. Elle vise notamment à : - donner un cadre, une ambition et un portage politique à la diplomatie féministe et inscrire dans la durée le changement de pratique de notre politique étrangère ; - renforcer l'intégration transversale du genre dans toutes les politiques internationales de la France (climatiques, commerciales, de défense et sécurité notamment) ; - poursuivre la formation de l'ensemble du réseau diplomatique. Le lancement et la dynamique de construction de la stratégie ont été salués par les parties prenantes. Les réunions de travail vont se poursuivre jusqu'à la fin de l'année 2023. Un comité de pilotage multi-acteurs est en cours de formation pour suivre l'élaboration de la stratégie. Les droits et santé sexuels et reproductifs sont une priorité de notre diplomatie féministe, comme en témoignent, notamment, les engagements de la France dans le cadre du Forum génération égalité (FGE) en 2021. La France honore ses engagements financiers depuis 2021 et nos contributions pour l'année 2023 sont en cours de finalisation. L'ensemble de ces engagements politiques, programmatiques et financiers sont repris dans la nouvelle stratégie dédiée, lancée par la ministre de l'Europe et des affaires étrangères à l'occasion du 8 mars 2023, pour la période 2023-2027. La France est pleinement mobilisée pour intégrer les enjeux de genre dans l'ensemble de sa politique extérieure, y compris en matière de paix et de sécurité. Elle appelle l'ensemble des Etats membres des Nations unies à adopter des plans nationaux d'action pour mettre en œuvre les dix résolutions composant l'Agenda « Femmes, paix et sécurité », qui vise à renforcer la participation des femmes aux processus de paix et à protéger les femmes des violences sexuelles en temps de conflit. La France met en œuvre son 3e plan national d'action (2021-2025), qui contribue à la mise en œuvre de l'Agenda « Femmes, paix et sécurité » dans toutes ses dimensions. Elle agit pour accroître le nombre de femmes sur les théâtres d'opérations de paix, en prenant des mesures pour renforcer la féminisation de ses armées, en finançant la formation d'officiers féminins et de conseillers sur les questions de genre dans les opérations de maintien de la paix, et en développant des actions de coopération sur le sujet avec des Etats partenaires. Elle se mobilise pour renforcer la participation des femmes dans les processus de paix et de décision. La ministre a annoncé une contribution d'un million d'euros en 2023 via le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour appuyer de façon ciblée la mise en œuvre de l'Agenda « Femmes, paix et sécurité ». La France a également appelé les Nations unies à nommer un ou une émissaire pour accélérer les progrès en matière de participation des femmes à la vie politique et aux processus de décisions. La France lutte contre l'impunité des auteurs de violences sexuelles et se mobilise notamment au Conseil de sécurité pour les mettre sous sanctions. Dans le contexte de la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine et des violences sexuelles perpétrées par les troupes russes, la France a renforcé son aide à la police ukrainienne chargée d'enquêter sur les viols commis, via le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP). La France se tient aux côtés des victimes de violences sexuelles. En plus d'une contribution de 4 millions d'euros en 2022 pour financer les soins aux victimes de violences sexuelles en Ukraine via le FNUAP, elle a porté son soutien financier à 8,2 millions d'euros (2020-2022) au Fonds mondial pour les survivantes de violences sexuelles liées aux conflits, co-fondé par les Prix Nobel de la paix Nadia Murad et le docteur Denis Mukwege. Elle finance des projets favorisant l'émergence de personnalités de premier plan, actrices du changement et de la prise de décisions. Dans le cadre du Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF), un montant de 10 millions d'euros est alloué aux associations féministes œuvrant à la mise en œuvre de l'Agenda « femmes, paix et sécurité » dans dix pays, en Afrique et au Moyen-Orient. D'autre part, les enjeux liés à l'environnement numérique sont une priorité de la diplomatie féministe de la France. Les nouvelles technologies sont à la fois porteuses d'un fort potentiel d'émancipation et de développement socio-économique pour les femmes et les filles, et un espace où s'exercent de nouvelles formes de violences qui s'inscrivent dans le continuum des violences fondées sur le genre. La France s'est mobilisée à l'occasion de la 67e session de la Commission sur la condition de la femme (CSW) tenue à New York en mars 2023 et consacrée à l'égalité femmes-hommes à l'ère des nouvelles technologies. La France y a promu sa vision d'un espace numérique mondial sécurisé, libre et ouvert, respectueux des droits de ses utilisatrices, et a rejoint la coalition d'action du FGE « technologies et innovation ». La France a rejoint, en juin 2023, le Partenariat mondial pour l'action contre le harcèlement et les abus en ligne fondés sur le genre, qui vise à renforcer le niveau d'ambition dans les négociations internationales en matière de droits des femmes dans l'environnement numérique. Ces dernières années ont vu une mobilisation sans précédent du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et de son réseau pour assurer la montée en puissance de notre plaidoyer politique et de nos financements dédiés à l'égalité de genre. L'ensemble des directions, du réseau diplomatique et les opérateurs déploient aujourd'hui de nombreuses actions pour mettre en œuvre la diplomatie féministe, notamment à travers le réseau des 239 référents et référentes égalité que compte le ministère. Les moyens alloués à la diplomatie féministe ont été en constante augmentation sur la période de mise en œuvre de la stratégie (2018-2022) passant de 16,8 millions d'euros en 2018 à plus de 300 millions d'euros en 2023 alloués à cette politique transversale. La mobilisation financière inédite pour les organisations féministes de 134 millions d'euros s'est avérée supérieure à celle initialement annoncée de 120 millions d'euros. Ce résultat a été possible grâce à la mise en place du FSOF, qui positionne la France comme premier pays financeur d'organisations féministes dans les pays vulnérables à ce jour. L'aide publique au développement (APD) en faveur de l'égalité femmes-hommes a plus que doublé en cinq ans, pour atteindre 47 % en 2021. L'objectif d'atteindre 50 % en 2022 a été rehaussé, dans la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, à 75 % de l'APD bilatérale devant avoir l'égalité de genre comme objectif significatif ou principal, dont 20 % devant l'avoir comme objectif principal. Depuis 2020, la France a également doublé sa contribution globale à ONU Femmes et quadruplé celle au FNUAP. Le 8 mars 2023, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères a fait plusieurs annonces en faveur de la diplomatie féministe, y compris financières, et confirmé le renouvellement du FSOF pour un nouveau cycle. 250 millions d'euros seront consacrés, sur les 5 prochaines années, aux organisations féministes des pays partenaires. Plus récemment, la secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux a annoncé la déclinaison de ce renouvellement en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, alors qu'elle participait, le 18 septembre dernier, au bilan à mi-parcours du FGE. Au-delà de ces engagements, la ministre porte la diplomatie féministe au quotidien, lors de chacun ses déplacements, dernièrement au Brésil, en Inde, en Afrique du Sud et en Côte d'Ivoire, et au sein des instances multilatérales, comme lors du Conseil des droits de l'Homme en février 2023. La France a coparrainé, en juin 2023, une réunion des femmes ministres des affaires étrangères, avec la Mongolie et l'Allemagne, qui a permis de promouvoir les droits des femmes, et leur rôle dans la lutte contre le changement climatique, l'insécurité alimentaire et dans les processus de paix. Les positions fortes de la France en matière d'égalité de genre sont également portées par l'ensemble des agents et agentes, à tous les niveaux, dans toutes les enceintes multilatérales et les relations bilatérales que la France entretient avec ses partenaires. Pour compléter notre action dans le champ de la diplomatie multilatérale, la France portera les enjeux de l'égalité femmes-hommes à l'occasion XIXe Sommet de la Francophonie, en coordination étroite avec l'Organisation internationale de la Francophonie, et travaillera aux côtés des réseaux d'organisations féministes francophones dans cette perspective. L'ambassadrice Delphine O, Secrétaire générale du FGE, représente la France dans de multiples évènements qui font partie intégrante de la diplomatie féministe française. La secrétaire générale, Anne-Marie Descôtes, présidente du comité de pilotage de la stratégie internationale, porte également la diplomatie féministe et la Haute fonctionnaire à l'égalité des droits, également directrice des Amériques et des Caraïbes, en a fait une priorité de la diplomatie française sur le continent. La semaine de haut niveau de la prochaine Assemblée générale des Nations unies a constitué également un temps fort de la diplomatie féministe française. La France est intervenue à l'événement à mi-parcours du FGE et poursuivra les échanges avec les pays dotés d'une diplomatie faisant de l'égalité une de leurs premières priorités lors d'un événement dédié qu'elle co-parraine. Afin d'encourager une plus grande appropriation du concept, des priorités et des objectifs par les ministères déployant une action internationale, ces derniers sont étroitement associés au processus de renouvellement de la stratégie. Les parlementaires peuvent jouer un rôle clé, en relayant la nouvelle stratégie une fois développée et en promouvant l'action internationale de la France pour l'égalité de genre et ses initiatives phares telles que le FSOF, que ce soit dans le débat public, auprès des citoyens et citoyennes ou dans le dialogue avec leurs homologues à l'étranger. Les parlementaires peuvent notamment plaider pour la ratification universelle de la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe, ou se positionner contre la Déclaration du Consensus de Genève, document anti-avortement soutenu par de nombreux Etats depuis 2020.

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