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Alexis Corbière
Question N° 11450 au Ministère auprès de la ministre du travail


Question soumise le 19 septembre 2023

M. Alexis Corbière alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le phénomène du non-recours aux prestations sociales. En cette rentrée 2023, seuls 42 % des enfants placés en foyer ou en famille d'accueil, devenus majeurs en 2016, ont reçu leur allocation de rentrée scolaire. Par conséquent, plus de la moitié des bénéficiaires, comme le définit le cadre de la loi, de cette allocation de 885 euros ne la perçoivent pas. En faute, différents obstacles ne permettant pas aux personnes de faire valoir leurs droits. Dans le cas exposé précédemment, cette aide est pourtant vitale pour ces jeunes adultes. Ainsi, 19 millions d'euros se trouvent encore dans les caisses des dépôts et consignations car ils ne sont pas distribués. Ce non-recours aux prestations sociales n'est pas un phénomène méconnu, au contraire, les chiffres sont publics. Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évolution et des statistiques (DRESS) publiée en 2022, le taux de non-recours en France est estimé à 34 %. La DRESS évoque un « phénomène d'ampleur qui peine à susciter le débat ». Pour exemple, le taux de non-recours au revenu de solidarité active (RSA) est de 34 %. Le taux de non-recours à la prime d'activité est de 39 %, lorsque celui de la complémentaire santé solidaire (CSS) est estimé à 44 %. L'Observatoire du non-recours aux droits et services (ODENORE) estime pour sa part que 25 à 42 % des salariés éligibles à l'assurance-chômage ne la perçoivent pas. La DRESS, dans une étude publiée en 2023, indique ainsi que 4 personnes sur 10 (sur 4 000 interrogés) considèrent le manque d'information comme principal facteur du non-recours. 23 % affirment de leur côté que les démarches sont bien trop complexes et longues. En mai 2023, Gabriel Attal, alors ministre du budget, lance son plan de lutte contre la fraude sociale et déclare vouloir « garder le contrôle sur notre modèle social ». Dans la foulée, la DRESS alerte sur l'augmentation du non-recours, notamment en raison de la place importante de la fraude sociale dans le débat public. En réalité, il existe une fraude aux prestations sociales, qui cristallise les débats et une fraude aux cotisations sociales, qui concerne notamment les entreprises et les employeurs. Selon l'association ATTAC, la fraude aux prestations sociales est comprise entre six et huit milliards d'euros par an. La fraude aux cotisations sociales, qui est pourtant pointée du doigt par le Gouvernement, est estimée à 2,3 milliards d'euros annuels. D'autre part, la fraude à l'assurance maladie s'élève à 4,5 milliards d'euros, mais 70 % de cette fraude est commise par des professionnels de santé ainsi que des entreprises. De plus, la fraude fiscale, phénomène de plus grande ampleur ne fait pas l'objet du même intérêt et du même contrôle que celui de la fraude sociale. Le premier syndicat de la direction générale des finances publiques (DGFIP) indique que cette fraude est estimée au minimum à 80 milliards d'euros et qu'elle pourrait monter jusqu'à 100 milliards. La gestion de ces deux types de fraudes pose question, lorsqu'on sait notamment que le même nombre de personnes vont au pénal, que ce soit pour de la fraude sociale ou de la fraude fiscale. Les sommes ne sont pourtant pas les mêmes. Quand une personne est jugée pour fraude sociale, le montant est en moyenne de 6 000 euros, contre plus de 100 000 euros pour fraude fiscale ! Bien que le plan du ministre Attal concerne la fraude sociale et fiscale, il est utile de rappeler que l'administration fiscale a perdu 4 000 emplois en 15 ans dans les services de contrôle. Le ministère du budget a quant à lui indiqué qu'en 2022, le recouvrement de la fraude fiscale était de 14,6 milliards d'euros, se félicitant ainsi d'une augmentation par rapport à l'année passée. Le montant du recouvrement de la fraude à la TVA n'est lui que de 2,2 milliards d'euros quand la fraude est estimée à près de 25 milliards d'euros. Malgré ces chiffres qui donnent à voir l'ampleur de la fraude fiscale et sa gestion insuffisante, la lutte contre la fraude sociale semble rester le sujet principal du Gouvernement alors même que cette lutte tend à renforcer le non-recours. Gabriel Attal avait notamment déclaré que la fraude sociale était « un impôt caché sur les Français qui travaillent », stigmatisant un peu plus les personnes éligibles aux prestations sociales. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793 dispose que « La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister ». La sécurité sociale est un droit inaliénable qu'il est nécessaire de respecter et ce, pour chaque citoyen qui peut en bénéficier. M. le député demande à M. le ministre ce qu'il compte faire pour lutter contre ce phénomène du non-recours qui, M. le député le rappelle, empêche 34 % des personnes éligibles de percevoir leur prestation sociale. Il est nécessaire de prendre en compte la mesure du manque d'information qui se trouve être la raison principale du non-recours. Il lui demande ce qu'il prévoit pour mieux informer les personnes mais aussi pour faciliter les démarches.

Réponse émise le 21 mai 2024

La lutte contre le non-recours aux prestations sociales et aux droits d'une manière plus générale est une priorité du Gouvernement. Annoncée par le Président de la République dans son programme de campagne de 2022 et comptant parmi les projets prioritaires du Gouvernement, la réforme de la solidarité à la source ambitionne de simplifier l'accès aux prestations sociales pour lutter contre ce phénomène de non-recours aux droits. Cette réforme se déploiera en plusieurs étapes autour de deux piliers : la lutte contre le non-recours aux droits et la simplification de l'accès aux prestations sociales et des démarches des usagers. La lutte contre le non-recours aux prestations se fondera d'une part sur la rénovation des campagnes d'accès au droit au moyen, notamment, de l'usage des données à disposition des caisses, d'autre part en réfléchissant à la simplification et l'harmonisation des conditions d'éligibilité au Revenu de solidarité active (RSA) et à la prime d'activité en cohérence avec les propositions formulées par le Conseil d'Etat le 8 juillet 2021 dans son rapport « Conditions de ressources dans les politiques sociales, plus de simplicité, plus de cohérence ». Cette réforme vise également la simplification des démarches de Déclarations trimestrielles de ressources (DTR) et de demandes de RSA et de prime d'activité au moyen de leur pré-remplissage automatisé, sans toutefois que ne soit remis en question le principe fondamental de quérabilité de ces prestations. Ce pré-remplissage automatisé est rendu possible par l'exploitation des données du Dispositif de ressources mensuelles (DRM), déjà exploité pour d'autres usages (aide au logement, C2S) et qui permettra d'automatiser le recueil des informations relatives aux principaux revenus des demandeurs permettant, par là même,  l'allègement de leur charge déclarative, la fiabilisation des données exploitées et la sécurisation des droits versés et la facilitation du travail en gestion pour les caisses qui versent les prestations. En complément de la Solidarités à la Source, le Gouvernement entend accentuer son engagement dans l'amélioration de l'accès aux droits et la lutte contre le non-recours à travers le Pacte des Solidarités, via plusieurs mesures. Il s'agit d'abord d'augmenter les moyens affectés à la domiciliation, afin que les personnes sans domicile stable puissent disposer d'accéder à leurs droits civiques, ainsi qu'aux aides et prestations sociales auxquelles elles peuvent prétendre. Alors que la précédente stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a apporté un premier soutien à la domiciliation par le financement de 7,5 M€ par an aux associations agréées, 10 millions d'euros ont été inscrits en loi de finances 2024 au titre du soutien et de l'accompagnement à la structuration de la politique publique de domiciliation. L'objectif de la mesure est de sécuriser cette étape essentielle de l'accès aux droits, notamment grâce à une amélioration de l'accompagnement social. Le Pacte des Solidarités poursuit ce soutien, à travers : - la pérennisation de ces crédits pour permettre aux organismes agréés de bénéficier de crédits pour se structurer et rendre un service plus adapté aux besoins des usagers (amplitude horaire, transmission par SMS…) et centré sur l'accompagnement social (accès aux aides et prestations sociales, recherche de solutions d'hébergement…). En effet, l'absence de financement fait peser un risque sur la pérennité de l'activité de ces structures, ainsi que sur leur capacité à offrir le meilleur accompagnement social à leurs usagers ; - l'expérimentation du financement direct de Centre communal d'action sociale (CCAS) et Centre intercommunal d'action sociale (CIAS) pour répondre aux difficultés des communes et des CCAS/CIAS à répondre à la demande de domiciliation dans certains territoires (file active élevée, accessibilité, nombre d'hébergés…) ; - l'accroissement, à partir de 2025, des moyens des associations agréées dans les territoires en tension. Il s'agit également de financer l'expérimentation « territoires zéro non-recours », qui se voit prolongée et étendue dans le cadre du Pacte par rapport aux 10 territoires expérimentateurs prévus par la loi : des crédits seront mobilisés sur la période 2024-2027 pour financer 39 territoires expérimentateurs de cette démarche qui vise à développer les actions envers les publics les plus éloignés des prestations et les plus atteints par le non recours, instaurer ou renforcer le travail transversal et partenarial entre les différents acteurs de l'accès aux droits sur les territoires, accompagner le changement ou consolider les pratiques professionnelles et favoriser les échanges et croisements de données, et les évaluer afin de mesurer leur efficacité et d'en tirer tous les enseignements utile pour développer les mesures pertinentes pour réduire le non recours à une plus large échelle. Au-delà de cette expérimentation, les contrats locaux des solidarités signés entre l'Etat et les conseils départementaux d'une part, et les métropoles d'autre part, sur la période 2024-2027 ont comme objectif prioritaire la lutte contre la grande exclusion grâce à l'accès aux droits. Cofinancés entre l'Etat et les collectivités, ces contrats portent, notamment, des objectifs relatifs à l'accès aux droits sociaux et de santé pour prévenir la bascule dans la pauvreté : développement de l'aller-vers, amélioration de la coordination des acteurs de l'accueil social tout en garantissant le maillage complet en accueils de proximité, formation des professionnels pour assurer l'évolution de leurs pratiques. La démarche de contractualisation permettra aussi de développer la prévention des expulsions locatives, l'accompagnement des personnes en bidonville et sans domicile et l'accompagnement des personnes vieillissantes en situation de précarité.  Dans le cadre du Pacte et de la Convention d'objectifs et de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) signée en 2023 est en outre prévu le soutien aux centres sociaux et espaces d'animation de la vie sociale, dans une dynamique d'accès aux droits, via le soutien à l'existant, le renfort des centres sociaux itinérants, mais aussi via la création de nouvelles structures d'animation de la vie sociale dans les zones non pourvues, notamment dans les Outre-Mer et en zones rurales. Enfin, la création de 30 nouvelles structures itinérantes France Services permettra de compléter les 141 dispositifs mobiles déjà déployés en 2021 et 2022. S'agissant du dispositif de consignation de l'Allocation de rentrée scolaire (ARS), celui-ci a été mis en place en 2016 au bénéfice des jeunes placés à l'Aide sociale à l'enfance (ASE), afin de constituer un pécule récupérable à la majorité.  Ce dispositif s'avère générateur d'inégalités entre les jeunes placés à l'ASE qui n'y sont pas tous éligibles. Les sommes auxquelles ont droit les jeunes à leur majorité diffèrent selon leur situation (en fonction du statut juridique, de l'âge de l'enfant, de la durée de son placement et des dispositions existantes dans le code de la sécurité sociale). De plus, le système nécessite l'intervention de nombreux acteurs (CAF, caisse des dépôts et consignations, conseils départementaux, enfants, parents, juges, etc…) qui rencontrent par conséquent des difficultés à obtenir les informations pertinentes à chaque étape du processus. Des travaux sont d'ores et déjà engagés avec les administrations concernées dont la CNAF et la Banque des Territoires, afin de renforcer le taux de versement du pécule aux bénéficiaires.

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