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Yannick Monnet
Question N° 11717 au Ministère du ministère de l’économie


Question soumise le 3 octobre 2023

M. Yannick Monnet interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les pratiques abusives de certaines compagnies de location avec option d'achat (LOA) de véhicules. La résiliation irrévocable du contrat est, dans certains cas, imposée après seulement 3 mensualités impayées (quelques centaines d'euros le plus souvent) et cela même après plusieurs années de versements mensuels. Le règlement immédiat de l'ensemble de la créance restante est alors exigé (plusieurs milliers d'euros dans la plupart des cas), avec comme seule alternative la vente aux enchères du véhicule, à un prix bien souvent inférieur au montant de la créance exigée, ce qui conduit le client à devoir payer la différence. Même en cas de retour à bonne fortune, la reprise des prélèvements mensuels est parfois refusée aux clients, ainsi que le paiement de l'arriéré : des difficultés très temporaires liées à un accident de vie ponctuel conduisent ainsi à la rupture définitive du contrat, sans possibilité de « retour à la normale ». Si les intérêts des compagnies de location avec option d'achat doivent bien évidemment être préservés, la suspension définitive du contrat après 3 mensualités impayées semble une mesure particulièrement sévère, a fortiori quand les difficultés rencontrées sont temporaires et qu'une régularisation de la situation peut être envisagée par un accord amiable. Il lui demande ce qu'il compte faire pour encadrer plus strictement les pratiques des compagnies de location avec option d'achat, dans un contexte où de très nombreux citoyens peuvent être confrontés à des problèmes financiers ponctuels qui ne justifient pas ce genre de mesures « couperet » et qui ajoutent encore aux difficultés rencontrées.

Réponse émise le 28 mai 2024

Dans un contexte marqué par l'inflation des prix des produits et services, les consommateurs se tournent de plus en plus vers des offres de location avec option d'achat qui leur permettent d'utiliser immédiatement un bien en qualité de locataire puis, le cas échéant, de l'acquérir en fin de contrat en levant l'option prévue dans la convention. En France, ces contrats sont assimilés à des opérations de crédit [1], soumises au code de la consommation. Transposant la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative aux contrats de crédits aux consommateurs, la loi Lagarde du 1er juillet 2010 a mis fin aux modèles-types de contrats de crédits autrefois imposés par la loi Scrivener du 10 janvier 1978, autorisant ainsi une plus grande liberté rédactionnelle des offres proposées par les établissements de crédit. Cette liberté contractuelle se trouve toutefois limitée en pratique, dans la mesure où les établissements de crédit doivent respecter la réglementation relative aux clauses abusives, issue de la directive n° 93/13/CEE du 5 avril 1993 [2] et transposée en droit français aux articles L. 212-1 et suivantes du code de la consommation, lorsqu'ils établissent leurs contrats de crédits. Ainsi, les établissements de crédit doivent s'abstenir d'insérer dans leurs contrats des clauses ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, sous peine qu'elles soient reconnues comme abusives. L'appréciation du caractère abusif d'une clause s'apprécie notamment en se référant à toutes les circonstances qui entourent la conclusion du contrat ainsi qu'à toutes les autres clauses du contrat [3]. S'agissant des locations avec option d'achat, en cas de défaillance de l'emprunteur dans le paiement des mensualités dues au titre du contrat, l'article L. 312-40 du code de la consommation autorise le bailleur à exiger la restitution du bien loué, le paiement des loyers échus et non réglés ainsi que le paiement d'une indemnité. Cette indemnité est égale à la « différence entre, d'une part, la valeur résiduelle hors taxe du bien stipulée au contrat augmentée de la valeur actualisée, à la date de la résiliation du contrat, de la somme hors taxe des loyers non encore échus et, d'autre part, la valeur vénale hors taxe du bien restitué »[4].  Cependant, les clauses qui imposent au locataire de restituer le véhicule loué immédiatement ou sans délai à compter de la résiliation du contrat prononcée par le bailleur ont été jugées abusives [5], en ce qu'elles empêchent le consommateur de mettre en œuvre la faculté impérativement ouverte par l'article D. 312-18 du code de la consommation, de présenter au bailleur un acquéreur. En outre, à la suite d'une démarche d'actualisation et de synthèse des précédentes recommandations relatives aux crédits à la consommation, la commission des clauses abusives a fait le constat, parmi l'ensemble des contrats étudiés, de l'existence d'un grand nombre de clauses présentant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans les contrats de location avec option d'achat : ce ne sont pas moins de 18 clauses communes à tous les types de contrats de crédits étudiés (y compris location avec option d'achat) et 14 clauses spécifiques aux contrats de location avec option d'achat qui ont été identifiées comme abusives dans la recommandation n° 21-01 du 10 mai 2021. À cet égard, les services d'enquêtes de la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) sont pleinement mobilisés et diligentent, de façon régulière, des enquêtes visant à s'assurer de la loyauté et la conformité des contrats proposés aux consommateurs par les opérateurs intervenant dans ce secteur. En particulier, une enquête portant spécifiquement sur les contrats de location avec option d'achat et la détection éventuelle de clauses abusives est actuellement en cours. Enfin, en parallèle des travaux de transposition de la nouvelle directive relative aux contrats de crédits aux consommateurs, formellement adoptée par le Conseil le 9 octobre 2023, le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique pourra, le cas échéant, conduire une réflexion sur l'encadrement des pratiques des établissements proposant des contrats de location avec option d'achat. [1] Article L. 312-2 du code de la consommation [2] Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs [3] Article L. 212-1 du code de la consommation [4] Article D. 312-18 du code de la consommation [5] Cour de cassation, 1ère chambre civile, 10 avril 2013, pourvoi n° 12-18169

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