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Paul-André Colombani
Question N° 12031 au Ministère auprès du ministre du travail


Question soumise le 10 octobre 2023

M. Paul-André Colombani attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion au sujet de la décision de la baisse globale de 5 % des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage et des répercutions qu'elle pourrait avoir pour l'apprentissage dans l'artisanat. En effet, le 17 juillet 2023, le conseil d'administration de l'opérateur France compétence a adopté une proposition en faveur d'une baisse globale de 5 % des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage, avec une entrée en vigueur prévue pour septembre 2023. Celle-ci ayant été confirmée par le Gouvernement dans le décret n° 2023-858 du 6 septembre 2023. Le président de la Chambre des métiers et de l'artisanat (CMA) de la région Corse fait part de ses fortes inquiétudes quant à cette décision ; il alerte sur les conséquences de cette décision pour la formation par apprentissage, pour les centres de formation des apprentis (CFA) et plus largement pour le secteur de l'artisanat. Il faut souligner que la politique de soutien à l'apprentissage mise en œuvre depuis 2018 est un succès auquel le réseau des CMA et les entreprises artisanales ont largement contribué. Aujourd'hui, les 137 CFA des CMA forment 112 500 apprentis par an, ce qui en fait le premier formateur par apprentissage dans le pays. Au regard des enjeux concernant la formation des jeunes et le niveau de l'emploi pour nombre de métiers en tension dans l'artisanat, il apparaît essentiel que les évolutions budgétaires soient décidées à l'aune des objectifs de la politique d'apprentissage comme de l'évaluation de ses effets réels sur l'offre et la qualité de la formation. Il convient donc de prendre en compte les spécificités de l'apprentissage dans l'artisanat et ainsi adapter la baisse du niveau de prise en charge des contrats d'apprentissage en marquant notamment une différence entre l'apprentissage dans l'enseignement supérieur et celui dans les CFA, qui nécessite manifestement des coûts supérieurs inhérents aux caractéristiques des formations délivrées et des publics visés. La méthode de calcul récemment entrée en vigueur ne semble pas prendre en compte ces coûts supportés par les CFA. D'autant plus que ces coûts ont drastiquement augmenté en raison de la hausse des prix de l'énergie et des matières premières. La méthode et le calendrier appliqués aujourd'hui par France compétences ne paraissent donc pas satisfaire aux exigences d'une vision stratégique destinée à répondre aux objectifs d'insertion professionnelle des jeunes, ni aux besoins des métiers en tension de l'artisanat, ni même aux besoins des entreprises dans les territoires. La méthode de calcul des niveaux de prise en charge des contrats appliquée dès ce début de septembre 2023 fait peser une menace bien réelle sur les CFA du secteur de l'artisanat et remet en question très clairement la qualité des formations dispensées. En l'état de la décision de baisse des niveaux de prise en charge, plusieurs des CFA situés en Corse pourraient devoir fermer à court ou moyen matière des sections de formation. En effet, les CMA les plus affectées par cette baisse de la prise en charge des contrats d'apprentissage seront les CMA composées de petites structures, comme c'est le cas en Corse avec environ 1 500 jeunes apprentis. Cela signifie concrètement que des artisans ne seront plus formés à certains métiers et pourrait par exemple mettre en péril la reprise d'entreprises artisanales qui seraient dans l'impossibilité de trouver un repreneur formé dans ces métiers. Par conséquent, M. le député demande à M. le ministre la révision de ce décret compte tenu des difficultés financières et des risques de fermetures de sections de formation que pourraient rencontrer les centres de formation des apprentis suite à la baisse des NPEC des contrats d'apprentissage. Il lui demande également s'il va instaurer une concertation sur le financement de l'apprentissage afin de définir des niveaux qui soient à la fois soutenables et conformes aux objectifs stratégiques précisés par les branches professionnelles et par l'État.

Réponse émise le 7 novembre 2023

L'apprentissage constitue une réponse efficace et concrète aux tensions de recrutement que rencontrent de nombreuses entreprises partout sur le territoire, y compris dans le secteur de l'artisanat, historiquement porté sur cette voie d'entrée dans les métiers.  Depuis 2018, le Gouvernement a considérablement favorisé son développement, en lui consacrant des moyens exceptionnels. D'abord pour les jeunes bien sûr, à travers la garantie d'une formation gratuite et de qualité, mais également pour toutes les entreprises, notamment les TPE-PME, à travers la création d'une aide à l'embauche d'alternants, qui permet de maintenir une dynamique d'entrée en apprentissage importante dans notre pays.  Conformément à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l'Etat, grâce à son opérateur France compétences, est chargé d'assurer un travail de régulation des niveaux de financement de l'apprentissage, afin d'en assurer la pérennité et de garantir un usage efficient des fonds mutualisés des entreprises. Ce travail de régulation repose sur l'analyse annuelle des données de la comptabilité analytique des Centres de formation d'apprentis (CFA), qui permet de déterminer les coûts réels de formation, afin d'en adapter le niveau de financement. A ce titre, il est de la responsabilité des pouvoirs publics, et notamment de la mission de régulation de France compétences, de garantir un juste niveau de financement au regard des coûts réels constatés.  La baisse des niveaux de prise en charge ne s'inscrit donc pas dans une logique stricte d'économie mais bien dans une démarche de fixation du juste prix, en responsabilité vis-à-vis de nos finances publiques.  De fait, la méthode de régulation mise en place lors de cet exercice prend en compte les effets de l'inflation (de 5,2 % en 2022 selon l'Insee), puisqu'afin de fixer sa valeur maximale recommandée, France compétences a appliqué à l'ensemble des coûts moyens de formation constatés dans les CFA et par certification, une hausse de 10 %. Aucune baisse n'est intervenue en dessous de cette valeur. A cette première garantie quant à la préservation des équilibres économiques des CFA est venue s'ajouter une seconde garantie, puisqu'il a été acté que, pour les niveaux de prise en charge définis par les branches, l'Etat n'imposerait aux branches aucune baisse au-delà de 10 % pour une formation donnée, et ce même si pour certaines formations, les écarts constatés excédaient largement ce taux. Dans le respect de ces principes, le référentiel de France compétences organise une diminution de 5% en moyenne des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage conclus à compter du 8 septembre 2023. En complément, le Gouvernement a souhaité préserver la capacité de l'appareil de formation à former des apprentis sur les métiers transverses, sur lesquels les branches professionnelles avaient été peu nombreuses à proposer des valeurs, et auxquelles étaient appliquées les valeurs de carence, dont certaines accusaient des baisses importantes. Parce que ces métiers sont essentiels au développement économique de nombreuses entreprises [dont celles de l'artisanat], le Gouvernement a réhaussé les valeurs de carence en limitant la baisse au maximum à 10 % par rapport aux valeurs de 2022.  De surcroît, le Gouvernement est conscient que la complexité que revêt le système de régulation budgétaire de l'apprentissage ne favorise pas une prévisibilité et une stabilité optimale pour le développement de l'appareil de formation en apprentissage. C'est en ce sens que celui-ci est ouvert au dialogue avec les acteurs de l'apprentissage dont les réseaux représentants des CFA, et notamment les chambres des métiers et d'artisanat, afin d'envisager les pistes d'amélioration de ce processus. Une large consultation sera organisée en ce sens à la fin de l'année 2023.  Ainsi, le Gouvernement maintient-il son engagement majeur en faveur de l'apprentissage, tout en conduisant des mesures en faveur de la rationalisation du fonctionnement des centres de formation des apprentis qui participent à l'objectif de soutenabilité budgétaire du système de financement de l'alternance, gage de sa pérennité, avec pour objectif d'atteindre un million de nouveaux apprentis par an dans notre pays d'ici la fin du quinquennat.

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