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Philippe Latombe
Question N° 12060 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 10 octobre 2023

M. Philippe Latombe alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le choix des licences Oracle. Depuis plusieurs années, les controverses se multiplient concernant la société Oracle. Cette entreprise américaine est notamment accusée de tactiques prédatrices parce qu'elle modifie ses conditions d'abonnement afin de contraindre ses clients à payer plus cher pour se servir d'un même logiciel. L'éditeur est aussi accusé de manier l'arme de l'audit pour pousser ses clients à lui acheter de nouvelles licences. En 2015, la 3e chambre du TGI de Paris écrivait à ce sujet : « L'usage répété par la société Oracle France de la pratique de l'audit précédant les appels d'offres démontre que celle-ci fait pression sur son interlocuteur pour obtenir de nouveaux contrats et à défaut use de l'action en justice pour obtenir paiement de sommes importantes ». Le Cigref, dont font partie de grandes entreprises et administrations publiques françaises et son homologue européen EuroCIO, a lui-même dénoncé les comportements commerciaux agressifs de cet éditeur. Par ailleurs, en 2022, l'organisation du Conseil irlandais pour les libertés civiles (ICCL ou Irish Council for Civil Liberties) attaquait Oracle, l'accusant devant les tribunaux californiens d'avoir accumulé des dossiers sur des milliards de personnes. Pour toutes ces raisons, les licences Oracle peuvent être qualifiées de « pièges technologiques ». Alors que le ministère de l'éducation nationale vient de lancer un appel d'offres pour l'achat de licences Oracle pour un montant de 67 millions d'euros, il s'étonne d'une telle décision et lui demande s'il serait possible d'étudier une solution alternative à ce choix qui enferme.

Réponse émise le 5 décembre 2023

Le marché « Fourniture licence Oracle ou équivalent et prestations services associées » est un marché qui concerne un groupement de commande constitué de trois ministères (éducation nationale et jeunesse, enseignement supérieur et recherche, sports jeux Olympiques et Paralympiques) et de 259 établissements supérieurs de formation, d'enseignement et de recherche. Le marché comprend deux lots. Un lot pour la fourniture de licences Oracle ou équivalent et prestations de support technique associées et un lot de réalisation de prestations d'assistance et de formation sur les solutions retenues. À ce titre, il importe de noter que, conformément à l'article R. 2111-7 du code de la commande publique, qui stipule que « les spécifications techniques ne peuvent pas faire (…) référence à une marque (…). Toutefois, une telle mention ou référence est possible si elle est justifiée par l'objet du marché ou, à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de l'objet du marché n'est pas possible sans elle et à la condition qu'elle soit accompagnée des termes "ou équivalent" » ; le marché indique une marque de manière non exclusive puisque son intitulé est « Oracle ou équivalent » et concerne donc un revendeur de solution « Oracle ou équivalent ». La société Oracle ne vend pas directement ses licences à ses clients mais via des distributeurs logiciels ou des intégrateurs. L'appel d'offre indique les fonctionnalités requises pour les différents domaines des solutions souhaitées (système de gestion de bases de données, intergiciel, Cloud interne) et des alternatives peuvent être proposées. Les solutions technologiques de l'éditeur sont utilisées par les membres du groupement pour maintenir des applications et services qui sont le résultat d'investissements historiques en volume, en formations et en temps, qui ont conduit à la production, la maintenance et l'exploitation de milliers de procédures et lignes de code. Ces applications qui, actuellement, outillent des processus métiers ou des services au grand public doivent impérativement pouvoir être maintenues afin d'assurer la continuité du service public principalement dans les établissements d'enseignement supérieur et de recherche où les outils de gestion des ressources humaines, scolarité, gestion financière et comptable reposent sur ces solutions. Les coûts et les raisons évoqués dans la question ont incité, de longue date, le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse à abandonner pour tout nouveau projet le recours à cet éditeur. En effet, ces solutions ne figurent pas dans le cadre de cohérence technique qui sert à structurer l'architecture des nouveaux projets conduits en interne. Par défaut, sont privilégiés les logiciels libres répertoriés dans le SILL (socle interministériel des logiciels libres), référentiel que le ministère a largement contribué à écrire et faire évoluer au regard de ses retours d'expérience sur les 20 dernières années. De même, et en fonction de la capacité à faire, les refontes d'applications ou de services numériques sont autant d'occasions de réinterroger la technologie de base de données utilisée et d'abandonner les solutions de l'éditeur Oracle. Les solutions de bases de données ont ainsi été remplacées par des logiciels libres (PostgreSQL, mongoDB) dans l'intégralité des projets récents de refonte. Plusieurs projets de refonte d'applications ou de services, actuellement en cours, permettront de solder le recours à différentes solutions de cet éditeur. Par ailleurs, il est à souligner que le ministère l'éducation nationale et de la jeunesse contribue à l'évolution de logiciels libres. Lors du salon open source expérience, les « Acteurs du Libre » ont décerné à la direction du numérique pour l'éducation, le prix du « service public engagé » pour son service de visio-conférence et de classes virtuelles, également mis à disposition de tous les agents au niveau interministériel sous le nom « webinaire de l'État ». Dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'autonomie des établissements leur confère le choix des solutions. L'on peut néanmoins observer que lorsque des grands projets de refonte sont lancés, la même approche que celle décrite plus haut pour l'éducation nationale est adoptée. Ainsi, la rénovation des logiciels de scolarité du projet PC-SCOL porté par les universités, les écoles, l'AMUE (agence de mutualisation des universités et des écoles) et l'association Cocktail s'appuie sur les logiciels libres, alors que les solutions actuelles sont adossées sur les bases de données Oracle et qu'il faut maintenir le temps de construire et déployer les solutions de remplacement. Enfin, le montant de 67 millions d'euros est le montant maximum du marché. Le montant réel, cumul des commandes de l'ensemble des bénéficiaires, devrait se situer sur 4 années à la moitié de ce chiffre, essentiellement généré par les établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

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