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Joël Giraud
Question N° 12344 au Ministère des ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires


Question soumise le 24 octobre 2023

M. Joël Giraud appelle l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'interdiction envisagée de nouvelles chaudières à gaz pour le secteur du bâtiment. Les récents investissements débloqués pour la filière nucléaire tournent résolument la France vers l'électricité décarbonée. Mais, dans l'attente d'un plein retour de ces investissements, le passage rapide au tout électrique questionne les acteurs civils, notamment dans le bâtiment. L'augmentation de la production de gaz vert français, aujourd'hui appelé à représenter 10 % de la consommation de gaz en France d'ici 2030, va également dans le sens d'une utilisation plus vertueuse de l'énergie et d'un gaz plus propre. L'interdiction des chaudières à gaz, si elle est nécessaire pour parvenir à termes aux engagements climatiques de la France, inquiète dans sa mise en œuvre et cela notamment dans les territoires ruraux. Aussi, il souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement souhaite mettre en place pour accompagner le secteur du bâtiment pour une transition adaptée sur le sujet.

Réponse émise le 30 janvier 2024

Dans le cadre de la planification écologique et pour atteindre nos objectifs ambitieux fixés en matière climatique, tous les secteurs seront mobilisés pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre. En dépit des efforts réalisés sur la dernière décennie, nous devons encore doubler le rythme de réduction d'ici 2027. A cet égard, le secteur des bâtiments, qui représente 18 % des émissions en France, devra donc contribuer à l'accélération de la décarbonation du pays, au même titre que les transports ou encore l'industrie. Nous devons donc interroger tous les leviers disponibles : pérennisation des efforts de sobriété énergétique, accentuation de la dynamique d'isolation et accélération du rythme de sortie des énergies fossiles. Vous avez voulu attirer en particulier notre attention sur l'évolution possible de la réglementation régissant l'installation de nouvelles chaudières fonctionnant au gaz dans le bâtiment. Cet enjeu renvoie à la problématique de sortie progressive des énergies fossiles, pour laquelle un certain nombre de jalons ont déjà été posés. En effet, depuis le début de l'année 2022, la réglementation environnementale RE2020 impose le recours à une part importante d'énergie décarbonée pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les logements neufs. Cette première échéance s'est imposée aux maisons individuelles et s'étend progressivement aux logements collectifs en 2025 et dans les bâtiments tertiaires. Par ailleurs, certaines aides tirent déjà les conséquences de cet impératif de sortie progressive des énergies fossiles : ainsi MaPrimeRénov', principale aide à la rénovation énergétique des logements, ne subventionne plus l'installation de nouvelles chaudières au gaz depuis fin 2022 et il ne sera plus possible d'obtenir des Certificats d'Économie d'Énergie pour la pose d'une chaudière gaz à partir du 1er janvier 2024. Les solutions existent : il s'agit par exemple de recourir aux réseaux de chaleur ainsi qu'aux énergies renouvelables ou de récupération (pompes à chaleur, géothermie de surface, systèmes solaires ou biomasse). Les chaudières à gaz hybridées avec des pompes à chaleur ou des systèmes solaires thermiques, qui permettent de réduire d'au moins 70 % la consommation de gaz, seront également des solutions qui auront une place dans le mix de solutions de chauffage bas-carbone. Même si elles peuvent représenter un coût d'investissement plus élevé, les solutions de chauffage bas-carbone sont compétitives en coût complet en tenant compte des coups de fonctionnement, et permettront de réduire l'impact carbone des bâtiments construits. C'est aussi un enjeu de souveraineté, auquel vous serez sensible, dans la mesure où ces installations alternatives décarbonées ne reposent pas sur une énergie massivement importée comme le gaz. L'impact sur le réseau électrique de l'accélération de la décarbonation des bâtiments a fait l'objet d'une étude approfondie dans le Bilan prévisionnel 2023 de RTE publié le 20 septembre 2023, reposant sur de multiples variantes et intégrant des principes de prudence. Selon ce rapport, « Accélérer le développement des pompes à chaleur ne conduit pas à augmenter sensiblement la consommation d'électricité » et « Une réduction rapide de l'usage du gaz fossile dans le secteur du bâtiment conduit nécessairement à augmenter la pointe électrique, mais sans mettre en danger la sécurité d'approvisionnement ». Il indique par ailleurs qu'une « accélération du remplacement des chaudières au gaz par des pompes à chaleur contribue fortement à l'amélioration de la souveraineté énergétique de la France et à la diminution des émissions de gaz à effet de serre ». Ces changements structurels s'engagent progressivement, afin de donner de la visibilité et le temps de l'adaptation à tous les acteurs, et en concertation avec l'ensemble des filières. Il est clair que le recours aux énergies décarbonées est générateur de nouvelles perspectives pour les entreprises qui s'engagent dans ces solutions d'avenir, et le Gouvernement accompagne la formation et la transition des filières industrielles du chauffage vers des énergies bas carbone. Actuellement, 30 à 60% de la valeur ajoutée du marché de la fabrication des Pompes à Chaleur air/eau est générée en France, et toute la chaîne de valeur en aval (distribution, installation, entretien) est française et non délocalisable. Le Gouvernement vient de lancer un plan d'actions pour renforcer encore cette industrie française et cibler, d'ici 2027, un million de ces pompes à chaleur fabriquées en France. Cet objectif a été confirmé par le Président de la République et pourrait conduire à la création de 47 000 nouveaux emplois associés à la conception/fabrication et à l'installation/maintenance de ces équipements qui font l'objet d'échanges avec les filières. Plusieurs outils sont déployés par ailleurs par l'Etat pour accélérer la transition et soutenir les ménages, les entreprises et les collectivités : le renforcement des aides au raccordement aux réseaux de chaleur ; le Fonds chaleur et le Plan géothermie ; les aides MaPrimeRénov' et Certificats d'économies d'énergie, en particulier le Coup de pouce chauffage, dans les maisons individuelles, et le Coup de pouce chauffage des bâtiments résidentiels collectifs et tertiaire. Les énergies décarbonées sont ainsi de plus en plus matures et deviendront le standard pour la rénovation des maisons individuelles et des chaufferies collectives. Dans certaines configurations de bâtiment, de l'innovation ou du temps de développement sera toutefois nécessaire pour développer de nouveaux produits qui permettent de répondre aux contraintes de place, de nuisances sonores ou esthétiques : ce sujet est au cœur de la concertation avec les parties prenantes et les dispositions prises sont adaptées pour en tenir compte. Les mesures d'accompagnement permettront également de favoriser les systèmes les plus efficaces, en écartant notamment le chauffage électrique à effet joule peu performant. Enfin, s'agissant du biogaz, énergie décarbonée qui n'est pas utilisée seulement dans le secteur des bâtiments, son développement doit être encouragé. Néanmoins, voici un rappel des ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 430 TWh de gaz en 2022 et nous avons actuellement une capacité d'injection dans le réseau de 11 TWh de biogaz. L'objectif de développement du biogaz sera fixé prochainement avec la révision de la stratégie française énergie – climat, il sera fortement rehaussé mais doit tenir compte d'un gisement de biomasse qui restera limité et fortement sollicité par ailleurs, y compris par l'industrie de la chimie ou pour décarboner des secteurs qui n'ont que peu d'alternatives comme les engins de chantier ou agricoles, l'aviation ou le maritime. Réduire notre consommation globale de gaz, notamment dans les bâtiments, n'est donc pas incompatible avec un développement fort du biogaz, au service des secteurs où les alternatives au gaz sont limitées. Nous devons faire les deux afin de sortir au plus vite des énergies fossiles.

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