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Jean-Luc Bourgeaux
Question N° 12586 au Ministère de la santé


Question soumise le 31 octobre 2023

M. Jean-Luc Bourgeaux appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la pénurie du médicament dont pâtissent les officines et aussi les patients. Force est de constater que chaque jour le nombre de médicaments mis à la disposition des pharmaciens diminue et les contingentements augmentent. Il est nécessaire pour ces professionnels de la santé de déployer une énergie considérable pour pouvoir honorer les ordonnances et sans cesse devoir se résoudre à ne pas pouvoir assurer la complète délivrance des médicaments prescrits. Les pharmaciens ne sont nullement responsables de cette situation et doivent faire face en permanence à cette pénurie. Ainsi, dans certaines officines, une personne à temps plein s'occupe exclusivement de « chercher les médicaments » pour les patients et cette situation ne cesse de s'aggraver. Il y a un an déjà, l'article 30 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 visait à donner à l'État le droit d'influer sur les achats de médicaments génériques entraînant ainsi une baisse considérable des marges pour les officines, les privant de leur libre arbitrage concernant leurs achats. Aujourd'hui, l'État semble vouloir avoir un regard sur les stocks et rajouter du rationnement au rationnement. Arrêter les ventes directes pour avoir la main sur les grossistes-répartiteurs. La volonté de contrôler leurs stocks et leur activité par des personnes qui ignorent tout de cette profession ne peut être que préjudiciable pour tous. Il lui demande de lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour soutenir les officines face à une situation qui fragilise la prise en charge des patients, ces professionnels de la santé ne pouvant pas continuer à soigner la population sans médicaments.

Réponse émise le 7 novembre 2023

Comme l'ensemble des pays industrialisés, la France connaît des tensions d'approvisionnement sur certains médicaments. Elles sont liées pour partie à la conjoncture internationale ainsi qu'à une augmentation générale de la consommation de médicaments. Compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée, une feuille de route a été développée sous la coordination de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), pour anticiper, minimiser les risques et résoudre au plus vite les situations de tension. Elle s'inscrit dans le prolongement de la précédente feuille de route 2019-2022 qui a permis des avancées majeures (plan de gestion des pénuries pour les médicaments d'intérêts thérapeutiques majeurs, obligation de détention de stocks de sécurité…). En outre, une liste de 450 médicaments dits essentiels a été établie sur la base des recommandations des autorités scientifiques. A partir de cette liste évolutive, publiée le 13 juin 2023, des travaux sont engagés pour mieux garantir la disponibilité des médicaments (suivi renforcé sur les capacités d'approvisionnement, analyse des pratiques de prescription et des tendances d'achat, cartographie et renforcement des chaînes de production, mise en œuvre de solutions de production de secours, actions de prévention…). L'ANSM, en lien avec la Direction générale de la santé, a également établi un plan de préparation des épidémies hivernales pour anticiper d'éventuelles tensions et renforcer notre capacité à faire face à des pics saisonniers de consommation de médicaments. Ce plan hivernal inclut une phase d'anticipation qui vise : à sécuriser les approvisionnements afin de garantir la couverture des besoins, à améliorer la mise à disposition des données, et à communiquer sur les gestes barrières et les règles de bon usage des médicaments dans un esprit de responsabilisation collective de l'ensemble des acteurs du soin et des assurés. Enfin, un « plan blanc » reste activable en cas de situation exceptionnelle qui conduirait à devoir prendre des mesures spécifiques pour sécuriser la prise en charge des assurés. Concernant la constitution des stocks, le Gouvernement a travaillé avec les industriels du secteur à : un moratoire sur les baisses de prix des génériques stratégiques sur le plan industriel et sanitaire, des hausses de prix ciblées sur certains génériques stratégiques produits en Europe, en contrepartie d'engagements sur une sécurisation de l'approvisionnement du marché français. Le Président de la République a en outre annoncé le 13 juin 2023, la relocalisation de la production de 25 médicaments stratégiques. De plus, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit de nouvelles mesures pour lutter contre les tensions d'approvisionnement notamment : l'obligation, sous peine de sanction financière, pour les laboratoires pharmaceutiques de chercher un repreneur en cas d'arrêt de commercialisation d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur et la création d'un statut de préparations officinales spéciales permettant aux pharmaciens de pallier à des pénuries, la généralisation de la délivrance à l'unité par les pharmaciens d'officines des médicaments concernés par une rupture d'approvisionnement, l'interdiction de prescription en téléconsultation de certains médicaments, en priorité les antibiotiques, ou encore la systématisation pour les antibiotiques du recours à des ordonnances conditionnant la délivrance de médicaments à la réalisation d'un test rapide d'orientation diagnostique (TROD). Le débat parlementaire a par ailleurs déjà permis de faire émerger de nouvelles idées, notamment en matière de pouvoirs de police sanitaire de l'ANSM. Enfin, de nombreuses actions sont menées au niveau européen. La France s'est très tôt associée, avec 18 autres pays, à la proposition portée par la Belgique de Critical Medicines Act, pour adapter à ces médicaments essentiels la stratégie adoptée pour les métaux rares. Le règlement (UE) n° 2022/123 du 25 janvier 2022 qui a introduit des dispositions visant à prévenir et gérer les pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques, en renforçant le rôle de l'Agence européenne des médicaments, est par ailleurs entré en application. Il s'agit là d'une première étape visant à mettre en place un cadre renforcé pour la notification et la surveillance des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux lors d'urgences de santé publique ou d'événements majeurs dans l'Union européenne. De même, dans le cadre du projet de révision de la législation pharmaceutique présenté par la Commission européenne, des mesures visant à anticiper et réduire les tensions d'approvisionnement sont prévues, reprenant les dispositions françaises (obligation d'avoir des plans de gestion des pénuries pour les laboratoires, liste de médicaments critiques, déclaration des ruptures notamment). Pour faire le point sur l'ensemble de ces enjeux, le ministre de la Santé et de la Prévention réunira très prochainement l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament.

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