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Ugo Bernalicis
Question N° 12887 au Ministère du ministère de la justice


Question soumise le 14 novembre 2023

M. Ugo Bernalicis appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les moyens de réduire la population carcérale dans les prisons françaises. En effet, au 1er octobre 2023, la France a enregistré encore une fois un nombre de personnes détenues en hausse dans ses centres pénitentiaires : soit 74 342 personnes pour 60 850 places opérationnelles. Il est important de rappeler que 26,7 % de ces personnes détenues sont prévenues, c'est-à-dire présumées innocentes et en attente de leur procès. La surpopulation carcérale devenue endémique arrive à des taux inacceptables en maisons d'arrêt de l'ordre de 122,3 % en moyenne sur le territoire français et ce sont 141 établissements ou quartiers qui ont une densité supérieure à 100 %. Dans ces conditions, cela fait des années que le contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) témoigne du profond décalage entre les normes applicables et la réalité quotidienne des conditions de vie des personnes détenues et observe les conséquences dramatiques de la surpopulation carcérale sur les droits fondamentaux. Le CGLPL estime qu’ « il est inutile d'attendre que la prison puisse réinsérer quiconque dans une situation qui rend infernal également, le travail du personnel pénitentiaire ». En détention, les maux se multiplient et accablent les personnes détenues : altération des conditions d'accueil dans les établissements, banalisation du recours au matelas au sol, atteintes à l'intimité et à l'hygiène des personnes détenues, obstacle à la délivrance de soins de qualité, obstacle à l'accès aux activités, clé de la réinsertion, conditions de détention insalubres, aggravation de la vétusté des locaux, multiplication des incidents et des rixes, etc. S'ajoute un mal-être persistant chez le personnel pénitentiaire de surveillance et d'insertion et de probation, qui subit également les conséquences de la dégradation des établissements. Toutes les précédentes réformes visant à la limitation de la population carcérale, mais se fondant uniquement sur un changement des pratiques des magistrats ont fait la démonstration de leur échec jusqu'à ce jour. De même l'augmentation continuelle du parc pénitentiaire n'a jamais permis de lutter contre la surpopulation carcérale au contraire. Comme l'a constaté le Conseil de l'Europe dans sa recommandation du 30 septembre 1999 : « l'extension du parc pénitentiaire devrait être plutôt une mesure exceptionnelle puisqu'elle n'est pas, en règle générale, propre à offrir une solution durable au problème du surpeuplement ». La lutte contre la surpopulation carcérale et les conséquences qu'elle entraîne sur toutes les politiques pénitentiaires impose un ensemble de mesures structurelles et désormais nombreux sont les professionnels, associations et experts qui prônent la mise en place d'une politique publique de déflation carcérale, par la mise en place d'un mécanisme de régulation carcérale. C'est pourquoi il lui demande comment il entend lutter contre la surpopulation carcérale et ainsi améliorer les conditions de détention et favoriser la réinsertion des détenus.

Réponse émise le 27 février 2024

Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin de lutter contre la surpopulation carcérale et d'améliorer les conditions de détention. L'ambitieux programme immobilier de livraison de 15 000 places supplémentaires de prison, décidé par le président de la République, doit permettre d'atteindre un taux d'encellulement individuel de 80 % sur la totalité des établissements du parc pénitentiaire. Les établissements sont implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants, à savoir principalement dans les grandes agglomérations. Au 1er janvier 2024, 19 établissements ont été livrés représentant 6 076 places brutes, soit 4 103 places nettes, une fois prises en compte les fermetures d'établissements. Parmi les derniers établissements livrés, trois l'ont été en 2022 pour un total de 360 places, et dix l'ont été en 2023 pour un total de 1 662 places nettes. En 2024, la moitié des établissements du programme 15 000 sera opérationnelle.  Ce programme se caractérise par une typologie diversifiée d'établissements pénitentiaires pour mieux adapter les régimes de détention au profil des personnes détenues selon leur parcours, leur peine et leur projet de réinsertion : des maisons d'arrêt à sécurité adaptée, mais également des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS). Ces établissements ont vocation à accueillir des personnes condamnées dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans et proposent un régime de détention adapté, orienté autour de la responsabilisation de la personne détenue, afin de préparer efficacement son retour à la vie libre et d'éviter la réitération de son comportement délinquant. Enfin, trois établissements tournés vers le travail dénommés Inserre (insérer par des structures engendrant la responsabilisation et la réinsertion par l'emploi) seront également livrés. Outre la création de nouvelles places, les récentes évolutions législatives sont intervenues afin de favoriser le recours aux alternatives à l'incarcération, qui constituent des leviers de régulation des effectifs en milieu fermé. Elles permettent également de mieux prévenir la récidive et de favoriser la réinsertion des personnes placées sous-main de justice. Les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ont pour objectif de renforcer le sens et l'efficacité des peines prononcées en limitant le recours aux courtes peines d'incarcération, en favorisant les aménagements de peine ab initio pour les peines inférieures ou égales à 1 an et en prohibant les peines d'emprisonnement inférieures à un mois. Dans la continuité, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire est venue réaffirmer le principe selon lequel la détention provisoire doit demeurer exceptionnelle. Ses dispositions visent à favoriser le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique. Elle introduit également une mesure de libération sous contrainte de plein droit pour les personnes détenues en fin de peine, applicable depuis le 1er janvier 2023. Cette mesure d'exécution de peine, sous réserve de disposer d'un hébergement, permet une sortie à 3 mois de la fin de peine pour les peines inférieures à deux ans. Les personnes ainsi libérées sont suivies et contrôlées en milieu ouvert par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). Cette mesure a pour principal objectif de lutter contre les sorties sèches des personnes détenues qui favorisent la récidive. Un travail de fond a également été engagé afin de favoriser le recours à la peine de travail d'intérêt général (TIG). Plusieurs modifications du cadre normatif ont été successivement opérées, dans le but d'élargir les possibilités de recours au TIG et d'en simplifier les modalités d'exécution. Le nombre de places de TIG est ainsi passé de 18 000 en janvier 2023 à plus de 36 000 à la fin de l'année 2023. De plus, un plan d'actions ayant pour but de promouvoir le TIG, portant tant sur la meilleure connaissance des dispositifs que sur les modalités d'organisation des services, a été déployé. Sa mise en œuvre est en cours depuis le début de l'année 2023. La loi d'orientation et de programmation pour la Justice de 2023-2027, définitivement adoptée par le Parlement le 11 octobre 2023, prévoit dans ce cadre de renforcer le prononcé du TIG, notamment grâce à l'accueil au sein des structures privées de l'économie sociale et solidarité, des personnes condamnées à cette mesure. Par ailleurs, le ministère de la Justice veille au maintien du dialogue entre les acteurs judiciaires et pénitentiaires. Un outil de pilotage destiné à nourrir les échanges entre les chefs de cours et les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires a, à cette fin, été élaboré afin de poursuivre l'accompagnement des juridictions dans la mise en œuvre des dispositions de la loi de programmation pour la justice et de favoriser les alternatives à la détention lorsque cela est possible. Entre l'été 2022 et l'automne 2023, les directeurs de l'administration pénitentiaire, des affaires criminelles et des grâces ainsi que des services judiciaires ont rencontré l'ensemble des chefs de cour et de juridictions de chaque direction interrégionale des services pénitentiaires, afin d'échanger notamment sur la surpopulation carcérale et d'identifier les leviers existants pour lutter contre cette problématique. Conformément à la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre 2022, le dialogue entre les acteurs judiciaires et pénitentiaires s'est, en outre, intensifié dans les cadres institutionnels prévus, tels que les commissions régionales d'application des peines ou les commissions d'exécution des peines, qui ont notamment permis d'aboutir à la conclusion de protocoles locaux. Enfin, la direction de l'administration pénitentiaire, particulièrement vigilante à la régulation des effectifs des établissements les plus surencombrés, mène une politique volontariste d'orientation des personnes détenues vers les établissements pour peine, y compris lorsqu'elles ont de faible reliquat de peine.

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