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Alexis Corbière
Question N° 13095 au Ministère auprès du ministre de la transition écologique


Question soumise le 21 novembre 2023

M. Alexis Corbière interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement, sur la pénurie de logements sociaux en France. Le 83e congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH) s'est tenu début octobre 2023 à Nantes et a rassemblé sur trois jours les acteurs du monde de l'habitat social. Un constat clair est ressorti de ce congrès, celui d'une crise profonde liée au manque de logement social en France. Pourtant, pouvoir se loger, qui plus est dignement, est un droit inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 : « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». La loi « Quilliot » de 1982 rappelle aussi que ce droit est fondamental. Le répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux (RPLS) indique qu'il y a en France 5,3 millions de logements locatifs sociaux, dont 4,8 millions sont gérés par les organismes d'habitat à loyer modéré (HLM). Au total, ce sont plus de 10 millions de personnes qui y vivent. En 2022, 425 000 familles ont emménagé dans un logement à loyer modéré, soit 20 000 de moins que l'année passée. L'USH alerte sur le besoin de construire de nouveaux logements alors que, fin 2022, 2,42 millions de ménages étaient encore en attente d'une attribution. Ainsi, la fondation Abbé Pierre révèle que 330 000 personnes sont actuellement sans domicile, soit 30 000 personnes de plus que l'année passée. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, on compte seulement une attribution pour 12 demandes. Au total, ce sont 126 000 demandes actuellement formulées sur le département. En 2021, la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (DRIHL) révèle dans une étude que le délai médian d'attente en Seine-Saint-Denis est de 2 ans et 9 mois. De plus, 26 % des ménages ayant obtenu un logement en 2021 ont attendu au minimum 5 ans. L'article 55 de la loi « solidarité et renouvellement urbain » (SRU) prévoit que les communes de plus de 1 500 habitants en région parisienne et 3 500 habitants dans le reste de la France doivent compter 25 % de logements sociaux d'ici 2025. Pourtant, cette réglementation n'est pas respectée par toutes les communes qui ont notamment été sanctionnées financièrement pour ne pas atteindre le nombre requis de logements sociaux. La ville de Boulogne par exemple, affiche 15,3 % de logements sociaux en 2022, loin des 25 % indiqués par la loi SRU. Les amendes n'ont, par conséquent, pas l'effet dissuasif escompté. En 2020, 1 100 communes se trouvaient encore en déficit de logement social. En effet, plus de deux locataires sur cinq ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté national. Sur l'ensemble des personnes logées au sein d'un habitat social, 2,4 millions bénéficient ainsi d'une aide personnelle au logement. En 2023, le ministère du logement a indiqué que 85 000 logements allaient être mis en chantier alors que l'USH affirme dans une étude publiée la même année, qu'il faudrait en construire au moins 198 000 par an pour résorber la crise. Ainsi, selon les projections de la Banque des territoires, c'est en moyenne 66 000 nouveaux logements par an qui sont prévus à partir de 2030. Cela s'explique par un taux de livret A maintenu à 2 % en 2027 mais aussi par le besoin de rénover un certain nombre de logements considérés comme des passoires thermiques. L'Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) indique que 9,5 % du parc locatif social possède un diagnostic de performance énergétique (DPE) de G et F, soit 460 000 logements. Or à partir de 2025, les habitations classées G ne pourront, a priori, plus être louées par les bailleurs et celles classées F interdites à la location en 2028. Les bailleurs sociaux vont par conséquent devoir limiter la construction de logements dans le but de rénover les logements existants. Pour rappel, l'Assemblée nationale avait voté en octobre 2022 un amendement permettant de débloquer 12 milliards d'euros pour la rénovation des passoires thermiques. Cet amendement a été supprimé par l'utilisation de l'article 49.3. En 2016, après avoir déclaré sa candidature à la présidentielle de 2017, Emmanuel Macron avait mis en avant sa volonté de construire davantage de logements, notamment sociaux. Six ans plus tard, la crise du logement est bien réelle, les acteurs de l'habitat social alertent sur l'augmentation à la fois des demandes de logement mais aussi du délai d'attente. Les perspectives d'avenir ne semblent pas aller dans le sens d'une résorption de la crise du logement, au contraire. Il lui demande quelle politique concrète il compte mener afin d'assurer aux demandeurs que les délais d'attentes seront raisonnables et qu'ils pourront être logés dans des conditions décentes.

Réponse émise le 26 décembre 2023

Face à une crise multifactorielle, le Gouvernement propose une réponse multifactorielle, car il n'existe pas de mesure miracle de court terme quand une industrie cyclique est soumise à une multiplication par 3 des taux d'intérêt. La priorité structurelle du Gouvernement est de refondre les règles de la politique du logement pour éviter la reproduction de la crise, en donnant des outils et des responsabilités aux collectivités locales par une réforme de décentralisation, car elles connaissent les besoins et les contraintes mieux que l'État central. Et, dans l'intervalle, le Gouvernement agit pour offrir le cadre d'une relance des parcours résidentiels des Français. Pour les Français qui travaillent, pour les jeunes, le Gouvernement souhaite développer le logement locatif intermédiaire, qui donne accès à des logements à loyers décotés proches des transports dans les villes grandes ou moyennes. 16 000 ont été produits en 2022, et le Gouvernement créera de nouveaux outils pour accroître ce développement, en loi de finances ou par le reclassement flash de 209 communes au titre du zonage ABC le 2 octobre 2023. Pour les Français qui souhaitent s'ancrer dans un territoire, dans un projet familial, qui commencent une retraite, le Gouvernement souhaite maintenir le prêt à taux zéro pour le neuf dans les zones tendues et l'ancien en zones détendues, dans lesquelles la résorption de la vacance est une priorité. Le Gouvernement travaille aussi à faciliter l'accès au crédit : il y a encore aujourd'hui 70 000 crédits attribués par mois, c'est plus que dans beaucoup d'autres pays européens, grâce à un système robuste, et le Gouvernement continue à travailler avec les banques pour maintenir cette dynamique. Et, pour les Français qui ont besoin d'un logement à un loyer abordable, avec un taux d'effort adapté à leurs ressources, le Gouvernement augmente la capacité d'investissement des bailleurs sociaux en signant avec l'ensemble du Mouvement HLM un document d'engagements qui a été unanimement salué. Cet accord prévoit 1,2 Md€ sur 3 ans pour rénover près de 400 000 logements sociaux. Il prévoit aussi 650 M€ de bonifications d'intérêt pour 8 Md€ de prêts : après la limitation du taux du livret A à 3 %, qui évite une charge de 1,4 Md€ pour les bailleurs sociaux, c'est près de 650 M€ par an qui seront redonnés aux bailleurs qui investissent dans la rénovation ou dans la production. La reconquête des friches urbaines constituant également un enjeu majeur d'aménagement durable des territoires, le fonds Friches sera pérennisé de manière pluriannuelle au sein du Fonds vert afin d'accompagner les collectivités locales en finançant des opérations de recyclage de friches et la transformation de foncier déjà artificialisé, notamment pour produire du logement. Il convient également de favoriser la relance de la construction en levant les freins à la délivrance des autorisations d'urbanisme en zone tendue, mais aussi de fluidifier les différentes étapes du parcours résidentiel, que ce soit au niveau de la location (développement du logement intermédiaire, doublement des bénéficiaires de la garantie Visale) ou de l'acquisition (prolongation et transformation du prêt à taux zéro et développement du bail réel solidaire). Le Gouvernement est conscient de l'ampleur de la crise, de sa complexité, et du besoin de redonner de la confiance au secteur et surtout aux Français : face à la multiplicité des attentes, il choisit résolument la multiplicité des réponses et la confiance aux collectivités locales.

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