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Raphaël Gérard
Question N° 14610 au Ministère du ministère de la justice


Question soumise le 30 janvier 2024

M. Raphaël Gérard attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les enjeux liés à la lutte contre les discriminations et les violences subies par les personnes intersexes, c'est-à-dire des personnes qui présentent des caractéristiques sexuées qui ne répondent pas aux définitions standards des corps masculin et féminin. D'après les résultats de l'étude publiée en mai 2023 par l'ILGA Europe et l'OII Europe (Organisation Intersex International Europe) sur la situation des personnes intersexes en Europe, près de 27,98 % des répondants estiment avoir été discriminés lors de la recherche d'un emploi au cours des 12 derniers mois. Près de 34,04 % ont signalé avoir expérimenté des difficultés pour se loger. 43 % des personnes interrogées affirment également avoir été victimes de discriminations de la part de professionnels de santé. En France, le collectif Intersexe Activiste pointe l'existence de phénomènes de discrimination ciblant spécifiquement les personnes intersexes, à l'instar des refus d'accès au dossier médical. En outre, il souligne la crainte exprimée par ces personnes quant à la révélation de leur intersexuation en milieu professionnel qui est susceptible de provoquer des actes de rejet de discrimination, raison pour laquelle la majorité d'entre elles font le choix de rester dans le placard. De fait, le vécu social et médical des personnes intersexes illustre le fait que les caractéristiques sexuées peuvent être une source autonome de violences et de discrimination. Or le droit de la non-discrimination actuel ne prévoit pas de motif explicite visant à réprimer d'éventuelles différences de traitement discriminatoires au sens de l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations à l'encontre des personnes intersexes. Néanmoins, comme le souligne le rapport national sur les crimes de haine anti-LGBT en France, élaboré en lien avec la DILCRAH et le Conseil de l'Europe publié en janvier 2023, plusieurs institutions considèrent que les différences de traitement réservé aux personnes intersexes pourraient être considérées comme des discriminations fondées sur le sexe, en tant que sexe assigné à un individu dès sa naissance. Au plan européen, l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne estime que les personnes intersexes devraient être protégées par l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui interdit entre autres toute discrimination sur le sexe, tout en soulignant qu'aucune législation ou contentieux ne se fonde actuellement sur ce motif afin d'assurer la protection des droits fondamentaux des personnes intersexes. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe invite les États à interpréter le motif « sexe » ou « genre » comme incluant les caractéristiques sexuées. Au plan national, la Commission nationale consultative des droits de l'homme est favorable à une interprétation large du critère du « sexe » de façon à y inclure les « caractéristiques sexuées », dans la mesure où la lutte contre les stéréotypes et la stigmatisation suppose de rappeler que tous les êtres humains présentent des caractéristiques sexuelles naturellement variées. À l'aune de ces différents éléments, M. le député souhaiterait connaître l'interprétation du droit par le ministère de la justice. En l'état de la législation actuelle, il lui demande si le sexe est un motif mobilisable pour réprimer les actes de discrimination et de violences fondées sur les caractéristiques sexuées. Si tel est le cas, il lui demande s'il va publier une circulaire interprétative rappelant que les discriminations à l'encontre des personnes intersexes peuvent être réprimées par les dispositions prévues par les articles 225-1 du code pénal et L. 1132-1 du code du travail et que toute infraction commise à raison des caractéristiques sexuées d'une personne est susceptible d'être aggravée en application de l'article 132-77 du code pénal.

Réponse émise le 21 mai 2024

La lutte contre toutes formes de discrimination est une priorité du ministére de la Justice. L'incrimination des comportements discriminatoires, notamment ceux visant les personnes intersexes, est appréhendée via les délits de discrimination prévus et réprimés par les articles 225-1, 225-2, 225-1-1, 225-1-2 et 432-7 du code pénal et via les circonstances aggravantes générales liées aux motifs discriminatoires prévues aux articles 132-76 et 132-77 du code pénal. Les discours à caractère discriminatoire sont quant à eux appréhendés par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et par le code pénal. L'article 225-1 du code pénal dispose qu'une distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement, notamment, de leur sexe, de leur apparence physique, de leurs caractéristiques génétiques ou de leur identité de genre, vraie ou supposée, constitue une discrimination. Cette discrimination, lorsqu'elle consiste par exemple à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service, à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque, à refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne, est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende conformément à l'article 225-2 du code pénal. Par ailleurs, les dispositions des articles 132-76 et 132-77 du code pénal, faisant du mobile discriminatoire une circonstance aggravante générale des crimes et des délits, font référence aux discriminations à raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre vraie ou supposée de la victime. Dès lors, l'arsenal législatif existant permet d'incriminer les discriminations dont peuvent être victimes les personnes intersexes. En outre, le ministère de la Justice est pleinement investi dans la lutte contre les discriminations, comme en témoignent les nombreuses dépêches et circulaires diffusées aux parquets généraux et parquets appelant notamment l'attention des procureurs de la République sur l'importance de recourir à une politique pénale empreinte de fermeté en la matière. Ainsi, la dépêche du 17 mai 2021 relative à la lutte contre les infractions commises à raison de l'orientation sexuelle rappelle l'importance de maintenir une attention particulière, non seulement dans le traitement judiciaire de ces faits, mais également s'agissant du recueil de la plainte. Elle précise que les procureurs de la République peuvent, par instructions écrites ou lors de réunions d'action publique, attirer l'attention des forces de l'ordre sur la nécessité d'être attentif à l'accueil des victimes d'agressions homophobes et sur l'importance de privilégier le dépôt de plainte par rapport aux mains courantes ou procès-verbaux de renseignement judiciaire. Cette lutte s'appuie sur un travail interministériel permanent, comme en témoignent les travaux menés dans le cadre de l'élaboration du nouveau plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations 2023-2026. Lors de la réunion des magistrats référents racisme, antisémitisme et discriminations organisée par la direction des affaires criminelles et des grâces le 3 octobre 2023, les parquets généraux et parquets ont été de nouveau sensibilisés à la question de la lutte contre toutes les formes de discriminations et à l'adoption du nouveau plan national présenté par le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT.

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