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Emmanuelle Ménard
Question N° 16337 au Ministère auprès de la ministre du travail


Question soumise le 19 mars 2024

Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention, sur les pénuries de médicaments. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2023, la France a enregistré 4 925 ruptures de stocks, soit dix fois plus qu'en 2017. Ce phénomène est très préoccupant pour les patients qui n'ont pas toujours accès à une alternative pour leurs médicaments indispensables. Parmi les médicaments susceptibles de manquer en pharmacie figurent des traitements quotidiens tels que ceux pour les diabétiques, les anticancéreux, les anesthésiants, ou encore les médicaments du système nerveux central, notamment destinés au traitement de l'épilepsie et de Parkinson. Si l'on s'intéresse à la seule épilepsie, la rupture de stocks peut avoir des conséquences dramatiques pour les patients qui peuvent subir de graves dommages au cerveau mais peuvent aussi mourir. Un risque que doivent supporter de nombreux autres malades dépendants de la bonne gestion des stocks de médicaments. Les pénuries sont particulièrement préoccupantes quand il s'agit de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), qui sont des « médicaments pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients ». Or seuls 422 médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) sont aujourd'hui soumis à une obligation de quatre mois de stock, sur les plus de 6 000 MITM commercialisés en France. Par ailleurs, pour nombre de médicaments, les pharmaciens et les professionnels de la santé s'interrogent sur l'urgence de constituer un stock quand les pénuries constatées nécessiteraient de commencer par approvisionner les hôpitaux et les officines au quotidien. De même, il est difficile de déterminer avec précision les stocks nécessaires pour certains médicaments quand, lors d'une crise sanitaire par exemple, les quantités nécessaires pour faire face à la crise sont extrêmement difficiles à évaluer. Elle lui demande donc quelles mesures elle compte prendre pour faire face aux différentes pénuries de médicaments et comment elle compte fournir équitablement les officines et les pharmacies en vue d'une distribution plus juste desdits médicaments, notamment en cas d'épidémie ou de crise sanitaire à venir.

Réponse émise le 21 mai 2024

Compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, indépendamment de la pandémie de Covid-19, le ministère du travail, de la santé et des solidarités a réuni un nouveau comité de pilotage le 21 février 2024, lequel a acté une nouvelle feuille de route 2024-2027 pour garantir la disponibilité des médicaments et assurer à plus long terme une souveraineté industrielle. Depuis 2019 et à plus forte raison pendant la crise sanitaire, les travaux entrepris par les ministères chargés de la santé et de l'industrie, notamment dans le cadre de la feuille de route précédente ont permis de renforcer la lutte contre les pénuries de produits de santé dans le prolongement de la précédente feuille de route 2019-2022 qui a marqué des avancées majeures (plan de gestion des pénuries pour les médicaments d'intérêts thérapeutiques majeurs, obligation de détention de stocks de sécurité notamment). En outre, une liste de 450 médicaments dits « essentiels » car stratégiques pour la santé des patients a été établie sur la base des recommandations des autorités scientifiques. Cette liste, publiée le 13 juin 2023, est évolutive. À partir de cette liste, des travaux spécifiques ont étés engagés pour mieux garantir la disponibilité des médicaments concernés (suivi renforcé sur les capacités d'approvisionnement, analyse des pratiques de prescription et des tendances d'achat, cartographie et renforcement des chaînes de production, mise en œuvre de solutions de production de secours, actions de prévention, etc.). Le Président de la République a également annoncé le 13 juin 2023, la relocalisation de la production d'une partie de ces médicaments essentiels. Dans ce cadre, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en lien avec la direction générale de la santé a établi un plan hivernal (sécurisation des stocks de médicaments majeurs de l'hiver, amélioration de la mise à disposition des données, responsabilisation de l'ensemble des acteurs du soin et des patients, etc.) pour anticiper d'éventuelles tensions et renforcer notre capacité à faire face à des pics saisonniers de consommation de médicaments. Ce plan hivernal inclut une phase d'anticipation qui vise à sécuriser les approvisionnements afin de garantir la couverture des besoins et les règles de bon usage des médicaments. Le Gouvernement a également annoncé un moratoire sur les baisses de prix des génériques stratégiques sur le plan industriel et sanitaire. Il est également prévu d'opérer des hausses de prix ciblées sur certains génériques stratégiques produits en Europe. Ces hausses de prix se feront en contrepartie d'engagements des industriels sur une sécurisation de l'approvisionnement du marché français. A titre d'exemple, des hausses de prix ont eu lieu sur certains antibiotiques à base d'amoxicilline et amoxicilline acide clavulanique. De plus, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit plusieurs mesures pour lutter contre les tensions d'approvisionnement notamment l'obligation, sous peine de sanction financière, pour les laboratoires pharmaceutiques de chercher un repreneur en cas d'arrêt de commercialisation d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur, le renforcement des pouvoirs de l'ANSM pour ce qui concerne la requalification d'un médicament en médicament d'intérêt thérapeutique majeur et pour réguler les tensions en lui permettant par exemple de privilégier un circuit de distribution ou des contingentements ainsi que la création d'un statut de préparations officinales spéciales permettant aux pharmaciens de pallier à des pénuries. Enfin, au niveau européen, le règlement (UE) n° 2022/123 du 25 janvier 2022 a introduit des dispositions visant à prévenir et gérer les pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques, en renforçant le rôle de l'Agence européenne des médicaments est entré en application. Il s'agit là d'une première étape visant à mettre en place un cadre renforcé pour la notification et la surveillance des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux lors d'urgences de santé publique ou d'événements majeurs dans l'Union européenne. De même, dans le cadre du projet de révision de la législation pharmaceutique présenté par la Commission européenne, des mesures visant à anticiper et réduire les tensions d'approvisionnement sont prévues dans ce projet, reprenant les dispositions françaises (obligation d'avoir des plans de gestion des pénuries pour les laboratoires, liste de médicaments critiques, déclaration des ruptures notamment).

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