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Cécile Untermaier
Question N° 2141 au Ministère de l’europe


Question soumise le 11 octobre 2022

Mme Cécile Untermaier attire l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur des soupçons de trafic d'organes prélevés sur les pratiquants de Falun Gong en Chine. Les représentants d'une association œuvrant dans ce domaine s'inquiètent toujours de la persistance de tels crimes et lui ont fait valoir qu'en 1999, les dirigeants chinois auraient lancé une campagne de répression violente du Falun Gong. Des millions de personnes auraient été emprisonnées pour cette pratique traditionnelle d'exercices énergétiques chinois et un tourisme de transplantation d'organes serait toujours effectif. Le Parlement européen a adopté en décembre 2013 une résolution condamnant de tels crimes. La Chine a officiellement interdit en 2015 le prélèvement des organes des condamnés à mort sans l'accord préalable de ceux-ci, mais des opérations clandestines sur des donneurs non consentants seraient toujours pratiquées. Aussi, elle lui demande de bien vouloir l'informer des actions menées à ce sujet par la France et l'Europe.

Réponse émise le 6 décembre 2022

La lutte contre le trafic et la traite des êtres humains constitue une priorité de premier plan pour l'action de la France sur la scène internationale. La France et la Chine sont parties à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite Convention de Palerme, et à son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. La définition internationalement agréée de la traite des êtres humains, telle qu'elle figure dans ce protocole, mentionne explicitement le prélèvement d'organes, qui doit donc être réprimé par tous les États parties. La France a, par ailleurs, soutenu les résolutions adoptées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et condamnant le trafic d'organes et de tissus d'origine humaine (résolutions WHA 40.13 et WHA 42.5). Elle soutient également les principes directeurs de l'OMS sur la transplantation d'organes énoncés dans la résolution WHA 44.25. Ces principes directeurs font du consentement l'un des principes de base du prélèvement d'organes, afin de prévenir et combattre la traite des personnes à des fins de prélèvement d'organes et de trafic d'organes humains. Concrètement, la priorité accordée à cette question a conduit la France à rejoindre, en 2019, la campagne « Cœur bleu » lancée par l' Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), ainsi qu'à lancer un appel à un renforcement de la coopération internationale pour combattre la traite des êtres humains et soutenir les victimes à l'occasion de la 10e Conférence des États parties à la Convention de Palerme, qui s'est tenue du 12 au 16 octobre 2020. La France a porté, conjointement avec les États-Unis, une résolution sur le sujet lors de cette conférence. La France a également lancé un appel à un renforcement de la coopération internationale en la matière, lors du 14e Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et la justice pénale, qui s'est tenu à Kyoto, du 7 au 12 mars 2021. À cette occasion, la France a veillé à ce que la lutte contre la traite des êtres humains soit reconnue comme une priorité collective dans le cadre de la déclaration politique adoptée à l'ouverture du congrès par l'ensemble des parties. Cette déclaration constitue la feuille de route de la communauté internationale en matière de lutte contre la criminalité et de coopération judiciaire pénale pour les cinq prochaines années. Au sein de l'Union européenne, la traite des êtres humains, qui intègre la question de la traite aux fins du prélèvement d'organe, constituait l'une des 13 priorités du cycle politique européen de lutte contre la criminalité organisée (2014-2017) identifiées par EUROPOL. Cette priorité a été, avec le soutien de la France, maintenue dans le cycle 2018-2021. Au niveau national, tous les organismes et établissements français sont liés par la Convention d'Oviedo du Conseil de l'Europe sur les droits de l'Homme et la biomédecine. Leurs conventions de coopération avec des pays tiers doivent respecter les principes de bioéthique fixés par cette convention, et notamment la protection de l'être dans sa dignité et le respect à toute personne, sans discrimination, de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l'égard des applications de la biologie et de la médecine. Cette convention insiste également sur la nécessité d'un consentement libre et éclairé pour toute intervention dans le domaine de la santé et pose des conditions strictes au prélèvement d'organes ou de tissus aux fins de transplantation. Si les établissements français sont libres d'établir des coopérations avec l'étranger au titre de la loi d'autonomie des universités de 2007, des mécanismes de vérification de conformité des accords avec la législation et les engagements internationaux de la France sont mis en œuvre au niveau de chaque établissement à travers le réseau des Fonctionnaires de défense et de sécurité. Le Comité consultatif national d'éthique a, en outre, un rôle de sensibilisation des institutions françaises comme internationales aux principes éthiques défendus par la France, particulièrement dans l'établissement de coopérations internationales en santé. La France est particulièrement vigilante quant au respect, en Chine comme ailleurs, des règles internationalement agréées dans ce domaine. Le sujet des droits de l'Homme en Chine est systématiquement évoqué jusqu'au plus haut niveau lors de nos entretiens bilatéraux. La France exprime également publiquement ses préoccupations sur la situation des droits de l'Homme en Chine, comme elle l'a encore fait récemment en Conseil des droits de l'Homme et en Troisième Commission à l'Assemblée générale des Nations unies le 31 octobre, à la suite de la publication du rapport du Haut commissariat aux droits de l'Homme des Nations unies sur la situation au Xinjiang. La France a, à l'occasion de la signature de la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains, et comme le permet l'article 30 de cette dernière, formulé plusieurs réserves. En premier lieu, elle se réserve le droit de ne pas appliquer les règles relatives à la tentative de commettre les infractions mentionnées aux articles 7 et 8 (sollicitation et recrutement illicites, offre et demande d'avantages indus ; préparation, stockage, transport, importation et exportation d'organes humains prélevés de manière illicite), dès lors que la tentative n'est pas incriminée par le droit pénal français (le délit de corruption, défini aux articles 432-11 et 433-1 du code pénal, s'applique en revanche de façon très large, y compris à des comportements s'apparentant à une tentative). La France a, par ailleurs, émis des réserves quant aux règles de compétences similaires à celles formulées par l'Espagne, la Croatie, la République tchèque et le Royaume-Uni. S'agissant des délits établis conformément à la convention et commis hors du territoire national par l'un de ses ressortissants, la France a déclaré qu'elle n'exercerait sa compétence qu'à la condition que les faits soient également punis par la législation du pays où ils ont été commis (principe de la double incrimination) et que ceux-ci aient donné lieu, soit à une plainte de la victime ou de ses ayants droit, soit à une dénonciation officielle de la part des autorités du pays où ils ont été commis (cf. articles 113-6 et 113-8 du code pénal). Le Gouvernement a également déclaré, à l'instar de la Croatie, qu'il n'appliquera pas les règles relatives à la compétence d'un État lorsque l'infraction est commise par une personne ayant sa résidence habituelle sur son territoire. En effet, aucune disposition générale ne prévoit la compétence des juridictions françaises dans une telle situation, hormis dans les cas de crimes ou délits particulièrement graves, énumérés aux articles 113-13 et 113-14 du code pénal, tels que les actes de terrorisme. La France souhaite conserver une approche restrictive de ce critère de compétence, qui, s'il était étendu à de nombreuses infractions, serait susceptible de porter atteinte à la souveraineté des États sur le territoire desquels les faits ont été commis. La France n'envisage pas de lever ces réserves à l'occasion de la ratification de la Convention, qui a été entérinée par la loi du 22 juillet 2022, dès lors que les dispositions concernées ne sont pas compatibles avec son droit pénal interne. Ces réserves n'entravent pas la mise en œuvre de la Convention par la France.

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