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Emmanuel Blairy
Question N° 2425 au Ministère de la transition énergétique


Question soumise le 25 octobre 2022

M. Emmanuel Blairy alerte Mme la ministre de la transition énergétique sur la situation de l'industrie sucrière. Filière majeure de la région des Hauts-de-France en général et du département du Pas-de-Calais en particulier, cette industrie fait vivre des milliers de personnes, car elle se trouve à l'intersection des agriculteurs betteraviers, des transporteurs et de ses divers sous-traitants et clients. La caractéristique d'une campagne de transformation de la betterave en sucre est qu'elle nécessite un fonctionnement sans refroidissement pour éviter tout risque de solidification du sucre liquide qui boucherait ses circuits. Ces industriels agroalimentaires, dont certains ont fait l'effort de l'autoproduction en électricité, sont extrêmement dépendants du gaz pour le fonctionnement de leurs chaudières. Ils ne peuvent risquer une coupure de gaz en pleine campagne de production et ont besoin de garanties d'approvisionnement dans le contexte international. Il lui demande quelles sont les mesures qu'elle compte prendre à court et moyen terme pour sécuriser les approvisionnements en gaz, éviter toute rupture d'approvisionnement et ainsi écarter tout risque de détérioration des moyens de production.

Réponse émise le 16 mai 2023

La décision de la Russie de réduire fortement les exportations de gaz vers l'Europe a eu un impact sur près de 40 % de l'approvisionnement en gaz de l'Union européenne. Le Gouvernement a mis en place plusieurs mesures pour renforcer la sécurité d'approvisionnement en gaz pour l'hiver 2022-2023 et pour les hivers suivants au niveau national et en lien avec ses partenaires européens. Ainsi les stockages ont été remplis à 100 % au début de l'hiver, ce qui représente 130 TWh soit plus de 25 % de la consommation annuelle française. Les capacités de débarquement de GNL dans les terminaux méthaniers français ont été renforcées sur les terminaux de Fos et Dunkerque et un terminal méthanier flottant sera mis en place au Havre en septembre 2023. Des mesures réglementaires ont été prises pour accélérer des projets de production de biométhane, notamment en prenant mieux en compte l'inflation qui menaçait leur équilibre économique. Des mesures de soutien renforcé à la rénovation énergétique, à la production de chaleur renouvelable et à la décarbonation de l'industrie ont été mises en place dès le printemps 2022, par exemple en augmentant le budget du fonds chaleur renouvelable à hauteur de 520 millions d'euros en 2022 contre 370 initialement prévus. Enfin le plan de sobriété présenté le 6 octobre dernier par la ministre de la Transition énergétique et la Première ministre comporte un ensemble de dispositifs de mobilisation à destination des différents secteurs professionnels, des administrations publiques et des ménages (dont une campagne d'information sur les éco-gestes), ainsi que d'actions d'accompagnement (par exemple le programme CEE ACTEE+ qui vise à accompagner les collectivités dans l'ingénierie de leurs projets), de dispositifs financiers et d'évolutions réglementaires. Il porte aujourd'hui ses fruits dans l'ensemble des secteurs et nous permet de réduire notre consommation d'énergie finale, bénéfique pour notre sécurité d'approvisionnement et pour l'atteinte de nos objectifs climatiques. Ces efforts doivent être poursuivis et amplifiés. Du fait de l'ensemble de ces mesures, la France est actuellement dans de bonnes conditions d'approvisionnement en gaz en particulier et l'hiver 2022-2023 a pu être traversé sans difficulté aucune in fine. Cependant, au-delà des mesures précédentes, notre situation peut varier en fonction de la rigueur climatique et des évolutions des approvisionnements externes, et nous devons donc préparer les mesures permettant de faire face à tous les scénarios, notamment pour l'hiver prochain. Un mécanisme de réduction coordonnée de la consommation pourrait être nécessaire pour préserver la sécurité d'approvisionnement. Ce type de mécanisme doit pouvoir faire l'objet de flexibilités et permettre des échanges entre les acteurs concernés, pour générer une plus forte réduction de consommation là où c'est économiquement optimal. Les acteurs qui ne peuvent pas réduire physiquement leur consommation pourront donc acheter des droits à consommer auprès d'acteurs ayant plus de facilités de réduction. Les niveaux de réduction demandés ainsi que la période sur laquelle s'appliquerait un tel mécanisme dépendront nécessairement de la situation d'approvisionnement et de la rigueur de l'hiver. En tout dernier recours, un mécanisme de délestage est prévu afin de disposer d'un mécanisme d'urgence en cas de désequilibre trop fort sur le réseau gazier par exemple en cas de très forte demande qui ne pourrait être satisfaite par les importations, les émissions depuis les terminaux méthaniers et les stockages ou en cas de problème sur une infrastructure clé. Il vise à réduire rapidement la consommation des gros consommateurs de plus de 5GWh de manière organisée pour éviter une baisse de pression brutale dans le réseau, et un écroulement généralisé du réseau de gaz, qui aurait des conséquences économiques, sociales et environnementales très lourdes. À la différence de l'électricité, le délestage en gaz ne peut concerner que des gros consommateurs de plus de 5GWh par an, qui sont prévenus individuellement de la nécessité de réduire leur alimentation, pour une courte période. Définies par le décret n° 2022-495 du 7 avril 2022, les modalités de délestage de la consommation de gaz naturel prévoient, en cas de nécessité, de réduire l'alimentation en gaz en premier lieu aux « consommateurs produisant de l'électricité (jusqu'au niveau d'alimentation susceptible de remettre en cause la sécurité d'approvisionnement en électricité) », puis « les consommateurs de gaz naturel consommant plus de 5 gigawattheures par an » qui n'assurent pas « des missions d'intérêt général liées à la satisfaction des besoins essentiels de la nation, en matière notamment de sécurité, de défense et de santé » ou qui ne sont pas « susceptibles de subir des conséquences économiques majeures en cas de réduction ou d'arrêt de leur consommation de gaz naturel », et enfin tous les autres consommateurs de gaz naturel. Il s'agit d'établir un ordre de priorité dans la mise en œuvre d'un éventuel délestage, afin de limiter au maximum les dommages économiques notamment, et tenant compte le cas échéant des spécificités de consommation des sites industriels. Afin de suivre les prévisions de consommation par rapport à l'approvisionnement avec quelques jours d'avance, les gestionnaires de réseau de transport ont développé le service Ecogaz, à l'instar du service EcoWatt pour l'électricité, ce qui permettra de prévoir les moments où des efforts de réduction seront nécessaires, en particulier pour les acteurs qui ont besoin de plus de temps pour réduire leur consommation. Enfin, les gros consommateurs qui le souhaitent peuvent aussi conclure un contrat d'interruptibilité garantie avec le gestionnaire de réseau de transport de gaz. Cela permet d'avoir un préavis plus important pour réduire volontairement sa consommation en cas de risque sur le réseau et d'être rémunéré pour cette action. Il est important par ailleurs pour les entreprises, d'une part d'envisager des actions d'économie d'énergie ou développement de moyens de chauffage décarbonés, que l'État peut soutenir financièrement, d'autre part d'étudier la mise en place de moyens permettant de faire face à d'éventuels délestages (même si ceux-ci seront exceptionnels et de courte durée) ou même à des coupures inopinées de gaz qui peuvent survenir, par exemple en cas de situations accidentelles.

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