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Dino Cinieri
Question N° 2649 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 1er novembre 2022

M. Dino Cinieri appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les vives inquiétudes des arboriculteurs de la Loire en raison de l'interdiction d'utilisation, à compter du 1er novembre 2022, du Phosmet, insecticide notamment utilisé en arboriculture fruitière. Pour les arboriculteurs et producteurs de cerises, cette interdiction est perçue comme arrêt de mort car elle les laisse en effet sans solution réellement efficace dès la campagne 2023. Déjà fragilisée par l'arrêt du diméthoate en 2016, cette filière avait pu s'adapter avec l'homologation du Phosmet qui n'apportait néanmoins qu'une solution partielle en raison d'une efficacité moindre. Bien conscients que la lutte chimique seule n'est sans doute pas une solution durable sur le long terme, ils participent activement à la recherche de solutions alternatives et à la transition agroécologique au sein de leurs vergers. Des pistes encourageantes émergent, comme la technique de l'insecte stérile (TIS), le piégeage massif ou le parasitisme de Drosophila suzukii par un auxiliaire, mais aucune ne sera opérationnelle avant plusieurs années, dans l'hypothèse où la recherche démontre d'ici là une efficacité satisfaisante. La mise en place de filets anti-insectes sur les vergers est également utilisée depuis plusieurs années : de gros efforts d'investissements sont faits par les producteurs pour ce nouveau type de vergers. Mais elle ne se poursuivra que très progressivement car elle nécessite l'implantation de nouveaux vergers dédiés, très onéreux et reste impossible sur une bonne partie du verger actuel, inadapté. À ce jour, seule la lutte chimique a démontré une efficacité suffisante, compatible avec une production de cerises, économiquement viable et applicable sur l'ensemble du verger français. Il demande par conséquent au Gouvernement de ne pas laisser les arboriculteurs sans solution efficace en 2023 pour la protection de leurs cultures.

Réponse émise le 18 avril 2023

La filière française de la cerise est confrontée aux retraits successifs des molécules actives contre drosophila suzukii, principal ravageur de cette culture. Les représentants professionnels de la filière ont pu exprimer leurs difficultés au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, lors d'une rencontre le 16 décembre 2022. Les difficultés rencontrées par les producteurs pour assurer la protection phytosanitaire des vergers contre cet insecte découlent notamment de l'interdiction de plusieurs substances actives de la famille des organophosphorés, qui présentaient un bon niveau d'efficacité compte tenu de leur effet larvicide et de leur rémanence. Compte tenu de la forte toxicité pour les êtres humains en cas d'exposition au diméthoate par la voie alimentaire, les limites maximales de résidus ont été abaissées au minimum analytique et ne sont plus compatibles avec une utilisation avant récolte. Cela justifie de manière continue les décisions européennes et françaises depuis près de 10 ans. Le phosmet quant à lui présente des niveaux de toxicité comparables à ceux du diméthoate selon les avis scientifiques qui ont justifié de mettre fin à son utilisation, au niveau européen. La réautorisation d'un produit à base de ces substances n'est donc pas possible. Face aux difficultés rencontrées par les producteurs pour assurer la protection phytosanitaire des vergers, et après concertation avec les acteurs de la filière cerise, le ministre de l'agriculture a décidé de lancer le 16 décembre 2022 un plan d'action ciblé. Le groupe de travail coordonné par M. Hervé Durand, délégué ministériel pour les alternatives aux produits phytopharmaceutiques dans les filières végétales, qui associe les principaux acteurs de la filière cerise et de la recherche, a permis des avancées tant dans l'élaboration du plan d'action pluriannuel que dans la mise en place des mesures d'urgence. La première priorité était d'ajuster la stratégie de lutte contre la drosophila suzukii sur cerises pour la campagne 2023 en travaillant à élargir la palette de solutions disponibles, suite au retrait des produits à base de la substance active phosmet, pour que les producteurs de cerises de France puissent disposer de moyens de protection efficaces. La filière cerise a déposé quatre demandes de dérogation « 120 jours » pour l'usages de produits phytopharmaceutique contre la mouche drosophila Suzukii au titre de la campagne 2023 : EXIREL (cyantraniliprole), SUCCESS 4 (spinosad), SOKALCIARBO (argile) et AFFIRM (benzoate d'emamectine), pour une application au 1er avril. Dès lors qu'elles ne comportent pas de risques avérés pour la santé humaine, elles sont accordées. Ce travail doit aussi s'accompagner d'une politique claire permettant de s'assurer que les produits végétaux mis sur le marché en France répondent au même niveau d'exigence que les autres États membres. Ainsi, la France a demandé à la Commission européenne d'abaisser sans délai la limite maximale de résidus en phosmet sur les cerises, afin de s'assurer que les cerises importées en 2023 ne peuvent pas être traitées avec cette substance. La France a décidé sans attendre de faire usage d'une clause de sauvegarde nationale pour s'assurer du respect de la législation vis-à-vis des produits importés. Un arrêté suspend pour un an « l'introduction, l'importation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de cerises fraîches destinées à l'alimentation » provenant de pays où le phosmet est autorisé pour cette production, à l'exception des produits de l'agriculture biologique. Cet arrêté sera complété prochainement par un avis aux opérateurs listant les pays de provenance concernés par cette interdiction. En outre, le travail se poursuit concernant l'accompagnement financier exceptionnel pour la campagne 2023 tenant compte des pertes que pourraient subir les producteurs en cas d'attaques sévères de drosophila suzukii, comme cela a été fait précédemment. Enfin le ministère reste mobilisé, en lien avec l‘institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement et le centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, pour, à partir d'un diagnostic de la situation actuelle, concevoir et mettre en œuvre des solutions de protection des vergers dans le cadre d'une agriculture durable. L'objectif est de mobiliser tous les leviers disponibles et de miser sur l'innovation. Ce plan d'action s'inscrit pleinement dans les priorités du plan de souveraineté fruits et légumes, présenté le 1er mars 2023 lors du salon international de l'agriculture. Il s'intègre aussi dans la dynamique de planification et transition engagée et contribuera au plan d'action stratégique destiné à renforcer le pilotage et l'adaptation des techniques de protection des cultures.

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